Alors
ça y est ! Nous voilà revenu au moins 40 ans en arrière.
Du temps ou Decca refusait de signer les Beatles par manque de vue
(de goût) artistique à long terme. C'est vrai qu'ils
n'étaient pas étincelants et originaux ces quatre
là au départ, mais le potentiel était présent.
Et un George Martin s'en est vite rendu compte. Heureusement. Et
oui, les majors nous refont le coup des chutes des ventes dont elles
seraient les victimes et non les responsables.
Ces grandes
maisons de disques sont à la création musicale ce
qu'une cantine est à un restaurant digne de ce nom : chez
l'un c'est plat unique insipide et chez l'autre c'est le mélange
des saveurs et la diversité et la curiosité au service
du gourmet. Et bien sur qu'il faut de tout pour tous, mais que
l'on n'érige pas la médiocrité en standard
de vie (cela vaut pour les livres, le cinéma, bref, la
culture en général).
A force d'avoir
le nez dans le guidon des chiffres de vente, on a cru que l'auditeur
pouvait être formaté à un style immédiatement
rentable. C'était au consommateur de se plier aux productions
musicales aseptisées, standardisées et non aux maisons
de disques d'aller titiller sa curiosité. Tout cela avec
l'aval (matraquage) des radios FM. Mais c'était penser
à court terme et nous prendre pour des idiots. Et surtout
s'accrocher un consommateur qui achète la musique comme
on achète un paquet de croquettes pour chat tout en perdant
petit à petit le contact avec le passionné, celui
qui écoute par pur plaisir, toujours curieux et qui achète
régulièrement. Celui qui, en fait, fait avancer
les choses en étant exigeant.
Il fut un
temps ou existaient des directeurs artistiques dont le deuxième
terme était le véritable intitulé. Des gens
qui sentaient la musique, allaient l'écouter en concert,
chinaient à la recherche de créatifs. Un temps où
étaient signés des artistes qu'on laissaient mûrir.
Ces gens-là ont été virés ou sont
partis. On les retrouve bien souvent chez les labels indé
ou ils continuent leur travail de fourmi. Voyez les Beggars Banquet,
Pias, 4AD, Naïve, Munich Records, Cora Zong etc... Regardez
leur catalogue, c'est éblouissant. Et en plus, ces labels
grignotent effrontément des parts de marché. Curieux
non ? Et ces babas de chez Warner à qui on a laissé
le fond de catalogue sous le label
Rhino records et qui nous rénovent avec passion
et respect de l'auditeur les plus fabuleuses antiquités
rock (Love, Cars, Grateful Dead , Buffalo Springfield...).
Qui signerait
Hendrix ou Van Der Graaf Generator aujourd'hui ? Un artiste ne
compose pas en se disant je vais faire un truc comme ça,
il sort ce qu'il a en lui, malaxe ce qui l'a influencé
et en extrait petit à petit quelque chose de personnel.
Sinon, il meurt. Sur la durée se constitue une oeuvre cohérente.
Alors qu'elles
agonisent ces majors, on s'en fout. Mais qu'elles mettent ça
sur le dos du piratage, là on s'en fout pas. Pourquoi n'avoir
pas pris le train en marche et profité de l'internet pour
tenter des expériences : mettre en téléchargement
pour un coût dérisoire le fonds de catalogue rentabilisé
depuis belle lurette ? Ces disques soit-disant invendables (qu'on
adore), impossible à commander et disparus corps et âme
? Pourquoi ne pas proposer des téléchargements gratuits
à durée limitée comme les logiciels ? Peur
que l'auditeur ne se rende compte du vide artistique d'un album
sorti du tube matraqué sur la bande FM ? Pourquoi ne pas
produire comme Rhinohandmade,
des disques sur mesure en édition limitée et de
grande qualité ?
Le piratage
a toujours existé. (et les bootlegs de Dylan alors, c'était
quoi ?). Les moins jeunes doivent se souvenir de la peur des premières
cassettes. Et c'est vrai, un tel achetait (ou piquait) un disque
et le copiait à tous ses potes de lycées. Déjà
à cette époque, c'était trop cher un disque.
Où est la différence avec maintenant ? Ceux qui
vendent les graveurs sont les mêmes que ceux qui vendaient
les platines double cassettes à copie rapide.
Allez, arrêtez
vos pleurnicheries d'enfants gâtés !!! Vous pleurez
sur votre propre incapacité à vous adapter, sur
votre système de rentabilité qui doit sans cesse
croître et sans vue d'avenir, à nous faire croire
aux nouveautés en remastérisant les fonds de catalogue
avec des procédés révolutionnaires (SACD)
alors que pas 0,01% de la population ne possède un auditorium
à la maison pour apprécier ces avancées technologiques.
La rentabilité immédiate n'est pas un critère
de sélection dans la musique et l'art en général.
Pensez à tous ces artistes maudits à leur époque
dont les oeuvres sont soit dans les musées, soit dans les
coffres-forts de richissimes incultes ne sachant plus où
placer leur argent.
Et mettez
vous ça dans le crâne définitivement : la
culture ne se juge pas à sa rentabilité mais au
bonheur qu'elle procure à chacun d'entre nous.
Au
amoureux de musique je dirais tout de même :
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JPH
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