Comme toujours quand on va à
un concert en semaine, on est à la bourre et on n'a pas eu
le temps de manger. On va se chercher un sandwich et on squatte
quelque temps devant la Boule Noire, le temps de se restaurer. A
côté de nous, un chauve avec un accent du sud en train
de téléphoner. Et là, la parano commence :
physionomistes comme on est, à chaque fois qu'on voit un
chauve passer à côté de nous, on se demande
si c'est pas Hakim
ou Mouss
ou le contraire
!
Heureusement, la première partie
arrive et notre attention est enfin détournée de cette
subite obsession. Pour ouvrir les festivités, Hakim
et Mouss ont invité leurs petits amis des scènes
slam de la banlieue parisienne se succèdent. D'abord, Rouda,
qui improvise sa prose en direct, et qui s'emballe tellement que
la prononciation des labiales vient rythmer le tout comme des percussions.
Puis, John Pucc Chocolat, un grand black plein d'humour et
de talent nous sert son texte sur le pénis, avec des rimes
extrêmement drôles : le récit décalé
et pince-sans-rire d'un homme qui est, malgré lui, victime
de l'autonomie croissante de son pénis. Yo, avec son
texte complètement trash et même pas esthétique,
qui part dans un délire sadique, pour résumer, ce
mec est un psychopathe pervers sexuel morbide (voilà, je
crois qu'il a eu son compte, là !). Puis, c'est au tour de
D de Kabal, qui rappe sur la cité, visiblement avec
peu de discernement, cultivant les habituels stéréotypes
de la banlieue et attisant la haine, avec sa grosse voix de caïd,
censée intimider les braves gens, qui avaient pourtant commencé
à l'écouter sans aucun a priori. C'est alors que le
soulagement vient par les évocations à la fois très
poétiques et pleines d'auto-dérision de Grand Corps
Malade de la ville de Saint-Denis. Enfin, Eclipse du Remède
nous scotche complètement avec sa human beat box qui reproduit
absolument tous les sons : tuner radio, scratch, musique techno,
voix, guitare électrique et bien sûr les habituelles
percussions. Il nous imite même, avec tous les instruments,
le dernier tube de Gorillaz
excellent.
Au bout de quelques minutes de pause,
deux chauves surgissent sur scène
cette fois, ce sont
bien eux ! Hakim et Mouss, pour le coup d'envoi de
la tournée de leur nouvel album. Toujours aussi toulousains
(d'ailleurs, deux chansons sont dédiées à la
ville rose), avec leur bonne humeur inaltérable et communicative,
ils jouent toutes les chanson de leur nouvel album, Mouss et Hakim
ou le contraire, qui a pris un tournant résolument rock par
rapport à leurs précédentes expériences
avec Zebda, les 100% collègues, et les Motivés,
ce qui n'est pas pour nous déplaire ! Une batterie plus percutante,
des guitares plus présentes, souvent incisives, voire saturées,
des petits riffs accrocheurs qui le font, comme dans Alif Ba
Ta Tsa, la Position assise (sur lesquelles, dans l'album,
Mathieu Chedid a posé ses accords), ou encore Rodeo.
Mais un background reggae reste quasi omniprésent, que ce
soit dans la guitare rythmique, avec des balayages secs, typiques
du genre, ou dans certaines percussions : la Bouche (avec
la participation, dans l'album, de Sébastien Martel)
en est un parfait exemple. Et bien sûr, l'influence berbère
est subtilement saupoudrée dans l'ensemble, et surtout sur
Neandertal et Mina (encore avec la collaboration de
Mathieu Chedid). .
Quant
aux textes, ils sont toujours aussi engagés et bien écrits.
Justement, Mina est une sublime ode à la liberté
des femmes et contre l'intégrisme religieux, qui nous a donné
des frissons : " Mina petite fille/ autant que de filles
qui ont 20 ans et qui ne demandent après tout/ qu'une goutte
de l'océan/ y mettre les deux pieds dedans/ et un peu plus
que le genou ". Tant de Fêtes, elle, traduit une
énorme soif de vivre et de rattraper le temps perdu quand
on a été exclu de beaucoup des plaisirs de la vie.
Et ce qui est beau, c'est que tout
cela est dit simplement, de manière très imagée
sans jamais tomber dans le ton moralisateur que l'on peut parfois
reprocher à certains artistes donneurs de leçons.
Et le message est toujours positif, porté par l'éternel
sourire des deux frères, sincère et rayonnant.
Ce n'est pas parce que certaines chansons abordent des sujets graves
que l'humour est exclu, au contraire : certaines chansons sont de
vrais bijoux, pleines d'esprit, de jeux de mots et de scénettes
amusantes où l'univers enfantin a toute sa place. On sent
que la complicité des deux frères remonte à
l'enfance. Dans La Bouche, hymne au talent oratoire, le héros
de l'histoire précise : " Mais attention, je vilipende/
pas à l'aveugle, je suis pas un chien/ moi je protège
la marchande/ et mon dentiste et l'opticien " ! Dans le
Hak et le Mouss, ils reviennent sur leur complémentarité
de toujours " y a rien à faire, lui et moi c'est
la paire ".
En parlant de complicité, cette
dernière explose dans leur jeu de scène survolté,
ils improvisent des chorégraphies en duo, tels les Blues
Brothers (merci Arnaud -de La Phaze- qui était
de la fête !). Mais quand ils se mettent à sauter d'un
bout à l'autre de la scène, la coordination n'est
plus de mise et on a parfois l'impression qu'ils vont se télescoper
!
Cette énergie se transmet naturellement au public, auquel
Hakim et Mouss se mélangent sans façon pour faire
la fête et danser. Ils le sollicitent aussi largement pour
taper des mains et chanter, surtout sur Alif Ba Ta Tsa, où
Mouss (ou Hakim ?! - en tout cas il était chauve !) se place
sur le devant de la scène et scande en articulant bien distinctement
les quatre lettres car " la pédagogie, c'est important
! ". Bref, ceux qui ne connaissaient pas le début de
l'alphabet arabe à la fin de la chanson l'ont forcément
fait exprès !!
C'était vraiment un bonheur
que de voir des artistes aussi généreux, pleins de
talent et d'humilité
même si on avait des crampes
dans la mâchoire à force de sourire toute la soirée
!
Aurélie
et Christine
ou le contraire !!!
- Hakim
et Mouss en tournée
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