THEE, STRANDED HORSE
Thee,
Stranded Horse est le nouveau projet, solo, de Yann Tambour,
qui, rappelons-le, est aussi le leader du groupe Encre. Dès
que le jeune musicien aux allures de Kurt Cobain a commencé
à jouer, Aurélie et moi avons été saisies
par la beauté de son jeu, souvent en arpèges, tantôt
à la guitare, tantôt sur sa Cora, sorte de harpe d'Afrique
occidentale.
Avec sa seule guitare, une "La Patrie" acoustique toute
simple, et sa voix, un peu nasillarde, mais tout aussi émouvante,
il s'exprime tout en subtilité. Il ne joue quasiment que
des arpèges mais à aucun moment ça ne semble
monotone : ses arpèges à lui ont un vrai relief.
De sa façon d'attaquer les cordes, faisant particulièrement
résonner la basse ou la dominante de l'accord à son
utilisation des crescendo et decrescendo, en passant par les accélérations
et les silences bien dosés, Yann fait une démonstration
époustouflante de sa maîtrise de l'arpège.
Je m'approche de la scène pour mieux observer son jeu qui
me surprend. Quelle rigueur, quelle précision, quelle régularité...quelle
crispation presque ! Les doigts sont tellement mécaniques
dans leur mouvement qu'on dirait qu'ils vont craquer! C'est précisément
ce paradoxe qui me fascine : comment d'une telle "rigidité"
peut sortir une telle émotion?
On a là la preuve vivante que la parfaite maîtrise
technique est le meilleur moyen de faire exprimer à son instrument
tout ce que l'on veut : il dose parfaitement l'intensité
de chaque note, son rythme, les effets... Il saupoudre son jeu de
silences, en particulier lorsqu'il joue sur sa Cora, de telle façon
que sa musique respire, chaque silence nous plonge dans un instant
de méditation. Mais surtout, on se rend compte que tout le
public se tait, et qu'une intense concentration envahit la salle:
tout le monde est suspendu à son souffle en attendant la
suite.
La sensibilité de son jeu est relayée par son attitude
corporelle : sa tête est souvent baissée dans une concentration
extrême, son corps complètement immobile lors des silences,
et son visage qui semble presque souffrir, laisse deviner des larmes
derrière ses paupières fermées.
J'ai rarement été aussi émue par une prestation
live avec une seule guitare (ou Cora) et une voix.
FABIO VISCOGLIOSI
Changement
d'ambiance avec Fabio Viscogliosi, avec un set beaucoup plus
pêchu. Fabio, c'est un mélange fascinant : tout le
charme italien, mais sans le côté mièvre et
trop stéréotypé des chanteurs romantiques de
la botte. C'est aussi un mix raffiné de vieux sons très
sixties - de sa guitare à la batterie en passant par les
lignes de basse assez présentes - et de technologie moderne,
avec l'utilisation de nombreux playbacks et samples de sa propre
guitare et autres effets en touts genres. Mais sa voix, à
elle seule, fait ressortir de nombreuses influences : dès
les premières notes, et de manière omniprésente,
beaucoup de choses nous rappellent Lou Reed, son timbre,
ses intonations, sa diction et sa nonchalance. Mais sur certaines
chansons plus lentes, vraies ballades romantiques, Fabio pose des
vibratos frêles et légers sur la fin de ses phrases,
de quoi le qualifier de Carla Bruni au masculin !... sauf
que lui, il sait s'énerver quand il le faut ! Quelque part,
il y a aussi quelque chose de Paolo Conte. Et justement,
au moment où l'on pensait à lui, il entonne Boogie,
dans une attitude à la fois sensuelle et désabusée,
s'accompagnant de sa guitare électrique, avec un jeu très
sec et très rythmé et beaucoup d'effet, il joue surtout
de sa pédale Wah-Wah. Bref, un vrai renouveau du rock à
l'italienne !
MORNING STAR
La
première chose à laquelle j'ai pensé quand
j'ai vu ce groupe monter sur scène, c'est à la comédie
musicale que jouaient mes camarades de classe lorsque j'habitais
dans le Kansas, qui s'appelait O'klahoma ! C'est peut-être
ce look un peu champêtre, surtout celui de Kat (churs,
banjo, trompette
) avec sa robe de fermière et ses pieds
nus, ou peut-être le fait qu'elle joue du banjo ? Peut-être
aussi le côté folk et même par moment country
de la musique de Morning Star ?
Je vous avoue qu'au départ, j'ai eu un peu peur : moi qui
ne suis pas une grande fan de country, j'ai eu une petite appréhension
Mais j'aurai eu à peine le temps de finir de formuler cette
inquiétude, que déjà, un sourire béat
envahissait mon visage devant la beauté des mélodies
de Morning Star. Entre les très beaux arpèges de Kat
sur son banjo qu'elle manie avec une dextérité impressionnante,
le jeu de guitare de Jesse qui souvent, gratte, ou devrais-je dire,
frôle les cordes tout doucement sans médiator, mais
surtout les harmonies vocales, pour lesquelles le groupe tout entier
joint ses talents, et quels talents ! Kat en particulier, a une
voix sublime, fraîche, veloutée, parfois diaphane,
en tout cas peu commune.
Sur
Black Swan en particulier, les voix se mêlent les unes
aux autres sous la forme d'un canon pas très rigoureux :
les voix se répondent et s'emmêlent, sur un fond rythmique
très lent, on ferme les yeux, et l'on nage dans une sorte
de liquide amniotique, dans une douce insouciance
la musique
s'arrête presque mais au moment où l'on allait partir
dans les bras de Morphée, la douce berceuse se brise dans
un déferlement soudain de guitares saturées, qui font
repartir le morceau avec une force rageuse. Jesse martèle
ses basses et alterne avec des solos suraigus. Sur la fin du morceau,
la distorsion triomphe. Cette chanson est un mélange incongru
de beaucoup de choses, mais c'est très réussi. Le
groupe aborde avec toujours autant d'aisance à peu près
tous les genres musicaux. Great Day sonne comme une des chansons
des débuts de Bob Marley, entre yé-yé et reggae.
Le morceau Morning Star très doux avec sa rythmique et ses
churs bossa/ jazz, de la trompette et un break rock nous fait
encore la preuve du sublime sens de la mélodie du groupe.
Mais
le plus fort, c'est que Morning Star fait de la musique avec tout
le monde, et le public n'est pas là pour décorer,
ni pour flatter l'ego de ces [Morning] Stars en devenir ! Il est
sollicité à plusieurs reprises, et en particulier
sur Too Much Love où une vraie chorale s'organise avec une
division de la salle en trois parties pour chanter des voix différentes
et créer un ensemble harmonieux. Tout le monde se prête
au jeu et va même au-delà en tapant des mains, au final,
on est une vraie chorale gospel
L'humour n'est pas exclu non plus de
ce set. Sur Invisible Man, d'inspiration très " Rolling
Stones ", le banjo en plus, le groupe nous sert une chorégraphie
bien synchronisée, mais un peu caricaturale, pleine d'auto-dérision
: tantôt ils sont face au public, tantôt, ils se retournent
en rythme, et enflamment la salle (en particulier, tout le fan-club
américain qui est là !).
Jesse nous fait aussi beaucoup rire quand il tente de parler français.
Il a intérêt à s'y mettre, il paraît qu'il
s'est installé à Paris pour quelques mois !! Mais
pour l'instant, c'est pas encore ça, à vrai dire,
on ne comprend pas grand-chose, et Kat vient à sa rescousse
dès qu'elle le peut ! Mais quoi de plus craquant qu'un américain
qui tente de parler français, avec un gros accent et beaucoup
de fautes !!
Christine
le 11/11/2005
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