Lundi soir, à l'Olympia, bondée.
Le public, composé de nostalgiques des années 70 et
d'amateurs de rock et de bonne musique, toutes générations
confondues, se recueille avant l'arrivée du premier groupe.
C'est
Hot Tuna qui ouvre la soirée. Une arrivée toute
simple, sans mise en scène : les trois s'installent sans
faire de façons et commencent tout de suite à jouer
; le ton est donné : amical, intime ; une basse, une guitare,
une mandoline, et dès les premières chansons, le public
est sous le charme ; des classiques du rock blues (Battle never
happen no more, I'll let you know before I leave), l'énergique
Prohibition has done me wrong, de Jimmy Rogers, et enfin deux magnifiques
blues, Uncle Sam Blues et Hesitation Blues. La salle retient son
souffle, soudain transportée au bord du Mississipi, comme
un groupe d'amis autour d'un feu, tous concentrés sur la
voix de velours et les instruments
Il faut dire que l'on est
en bonne compagnie : le très réputé Barry Mitterhoff
à la mandoline et les deux potes de lycée qui avaient
fondé les Jefferson Airplane, Jorma Kaukonen (voix et guitare)
et Jack Casady, l'incroyable bassiste qui a joué avec Hendrix
Un grand moment de guitare, de blues et de bonheur.
Arrive
ensuite Manfred Mann's Earth Band, pour un concert survolté.
De Martha's Madman à Demolition Man en passant par Davy's
on the road again, le groupe enchaîne les classiques, toujours
dans un mélange des genres très réussi qui
lui est propre ; on a parfois l'impression de se trouver dans un
gigantesque laboratoire des sons et d'assister aux expérimentations
les plus folles pour repousser toujours plus loin les limites des
instruments
Noël McCalla, qui jongle aisément entre le chant et
une chorégraphie totalement désordonnée, dégage
l'énergie d'un lion échappé de sa cage. En
parfaite rock-star, un brin funky, arborant de magnifiques dreadlocks
qu'il secoue vigoureusement dans tous les sens, il marque le rythme
de tout son corps, il est le rythme.
Il confie ensuite la scène à Mick Rogers, le déjanté
et très talentueux guitariste. La salle s'enflamme à
chaque long solo, à chaque riff endiablé, notamment
dans Father of day, la fameuse reprise de Bob Dylan.
La complicité avec le public est à son comble quand
le guitariste fait un astucieux clin d'il à Deep Purple
avec le célébrissime air de " Smoke on the water
". Noël, quant à lui, achève de mettre les
spectateurs à l'aise lorsqu'il tente de les faire reprendre
en chur le refrain de " Blinded by the light " et
feint, non sans humour, d'être insatisfait du résultat
!!
L'entracte était bien nécessaire
après cette grosse pointe d'adrénaline avant de repartir
pour le bouquet final, la tête d'affiche de la soirée
: Procol Harum.
Ahh
nostalgie, nostalgie, quand tu nous tiens
Le groupe mythique des 70s prend très vite place sur la scène
et entonne immédiatement ses plus grands classiques : Homburg,
Conquistador, A Salty Dog
Tout y est, comme dans nos meilleurs
souvenirs : l'ambiance psychédélique accentuée
par les éclairages multicolores et les longues mélodies
à l'orgue, la poésie des textes et les envolées
métaphysiques de certains morceaux, comme l'étonnant
Tumbstone, racontant l'histoire de cet homme toujours suivi par
un lourd bloc de marbre, où qu'il aille : sa propre tombe
Au clavier et au chant, Gary Brooker,
le leader historique du groupe, très en forme, affiche une
certaine affection pour notre pays : il chante en français
en l'honneur d'une femme connue à Paris, la " ville
de l'Amour ", et un peu plus tard, dans l'hilarité générale,
il enfile un béret
!
Mais ce n'est qu'à la toute
fin du concert, après des rappels insistants du public que
le groupe se décide enfin à jouer son tube légendaire,
A Whiter Shade of Pale, repris mondialement par tant d'artistes
(Annie Lennox, Sarah Brightman
). Toutes les générations
présentes dans la salle se laissent aller et revivent, le
sourire aux lèvres, leurs meilleurs souvenirs sur ce slow
mythique.
La magie de Procol Harum opère
toujours. Doit-on rappeler que le nom du groupe, qui signifie en
latin " Au-delà des choses ", vient du nom du chat
Birman d'un ami de Keith Reid (parolier du groupe), qui avait, raconte-t-on,
des pouvoirs surnaturels ; nul n'avait, en effet, réussi
à le prendre en photo
La musique de Procol Harum, à
cette image, est évanescente et impalpable, mais tellement
touchante
A coup sûr, la poésie et la rêverie
ont continué de planer dans l'air pendant quelque temps pour
tous les fans qui étaient réunis ce soir à
l'Olympia
Christine Hamdi et Aurélie
Partouche
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