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juin. Il fait chaud. On vous emmène au Cap Vert. Pour la
deuxième soirée des nuits lusafricaines, le New Morning
accueille le nouveau génie de la musique capverdienne, Tchéka.
Avec ses musiciens, il donne tout de
suite le ton d'une soirée rythmée et gorgée
de soleil, pleine de joie de vivre et de l'envie de partager leur
musique, inspirée à la fois du son traditionnel du
Cap Vert et de la culture hispanique.
Tchéka joue sans médiator,
en picking, accompagnant richement sa voix à la tonalité
très africaine, qu'il module du grave au très aigu
avec une aisance déconcertante et une certaine animalité,
mais aussi très emprunte d'accents créoles d'une suave
douceur. Le tout accompagné d'un très beau sourire,
plein de sincérité et de générosité,
du début à la fin du concert.
Sur les morceaux les plus doux, Tchéka caresse sa guitare
et par la même occasion nos oreilles : ses notes sucrées,
ainsi que sa voix un peu étouffée, un peu enrouée,
qui s'approche parfois du son d'une flûte de pan, nous charment.
Sur les chansons plus rythmées, Tchéka nous raconte
des histoires, que l'on ne comprend pas mais que l'on imagine, tant
ses intonations et les expressions de son visage sont parlantes.
La guitare s'emballe et on ne voit plus ses doigts.
Mais
quelque soit la chanson, l'angolais N'Du aux percussions
n'utilise qu'une caixa, qui accentue encore la sonorité flamenca
de la musique, ou des balais sur ses cymbales et un jembé.
Ces percussions légères ne dominent pas le son de
la formation, mais vous l'aurez compris, viennent juste le sublimer.
Car la rythmique est déjà ingénieusement portée
par les guitares, Tchéka fait preuve d'une créativité
débordante pour transposer le son du batuque (son traditionnel
du Cap Vert, qui avait été créé pour
détourner l'interdiction de jouer du tambour, notamment sous
la colonisation portugaise ; la technique était de plier
des tissus en plusieurs couches et de taper dessus avec les mains,
ce qui produisait un son un peu sourd proche de certaines percussion,
mais surtout permettait à la population brimée de
s'exprimer).
Le
deuxième guitariste, Hernani Almeida, est lui aussi
particulièrement talentueux et nous offre des solos magnifiques,
souvent hispanisants, joués en mineur, avec une dextérité
impressionnante mais aussi des rythmiques enflammées, qu'il
laisse résonner complètement ou qu'il joue brèves
et sèches.
Pas de doute, Tchéka et son deuxième guitariste maîtrisent
: picking, pull-offs, hammers, dead-notes, et ils se lancent des
regards complices comme pour se challenger mutuellement sur les
solos les plus techniques.
Le bassiste, Kizo Oliveira,
sur sa très belle basse à 5 cordes, dessinée
par lui-même et fabriquée par le luthier Anicetto
Gomez, renforce la profondeur et l'authenticité du son.
Enfin, pour féminiser un peu
la soirée, nous avons eu droit à une apparition de
la chanteuse Lura, une autre valeur montante de la scène
capverdienne. Elle aussi inonde la salle de son superbe sourire,
de sa voix très chaude et de sa danse aux allures de flamenco.
Et on a pu noter la grande proximité qui existe entre les
deux artistes, Tchéka a d'ailleurs écrit quelques
morceaux sur le dernier album de la chanteuse.
Au final, je qualifierais cette soirée
de véritable voyage sensoriel. Et si vous êtes un fan
de belles rythmiques et/ ou de World Music, je vous invite vivement
à découvrir le dernier album de Tchéka :
Nu Monda.
Seul bémol, l'accueil un peu
frileux qui nous a été réservé à
l'entrée
mais cela ne doit pas nous empêcher
de parler d'un artiste qui en vaut vraiment la peine.
Christine
Hamdi
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