Un
jeudi soir du mois de mars. Rendez-vous pris au théâtre
des Blancs Manteaux pour aller écouter Emmanuel Donzella.
De son univers artistique nous ne savons rien ou presque ("Ah
bon, il joue de la guitare ? OK alors, Christine et moi on y va
! ").
La salle est minuscule, mais pleine à craquer, et dès
le premier titre, le public tombe sous le charme. Jugez par vous-mêmes
: une voix douce et mélodieuse, accompagnée à
la guitare acoustique, entonne une belle chanson d'amour : "
Tu es belle, oh tu es belle
" avant de préciser
" mais qu'est-ce que tu es con " ! La salle éclate
de rire, et le ton est donné : on a affaire à un artiste
parfaitement à l'aise dans les deux registres, à la
fois chanteur et comique. Le phénomène est rare et
mérite d'être souligné.
Donzella continuera tout au long du spectacle de manier les deux
dimensions avec bonheur, sans jamais se départir de son petit
air coquin et charmeur qui crée une complicité immédiate
avec le public, et nous met dans la disposition psychologique idéale
pour accueillir de nouvelles cocasseries.
Nous tombons sous le charme des chansons suivantes car outre cette
irrésistible dimension comique que l'on retrouve presque
à chaque fois, les mélodies sont très belles,
les textes également, très écrits et poétiques.
On ne peut pas dire que la qualité musicale soit sacrifiée
au profit de l'humour, ni l'inverse : Donzella compose de belles
chansons à textes, mélodieuses, et parvient, en plus,
à nous faire rire.
Le texte de L'éboueur de Saint Tropez, qui ramasse
à la pelle les rêves éveillés et les
déceptions des promeneurs est un petit bijou de poésie
et de créativité.
Sur Jumbo (l'homme qui a un gros nez
), l'accompagnement
musical insistant, presque entêtant, semble souligner le caractère
insupportable de la vie avec cette différence. C'est une
très belle chanson, complètement inclassable, et tout
à fait représentative du style de Donzella : très
clairement comique, mais tout aussi émouvante (" la
différence fait du tort, quand on ne l'a pas choisie "
)
et poétique.
Notons l'importance des deux complices musiciens qui accompagnent
Donzella sur scène : Gilles Clément à
la guitare, et Jocelyn Mieniel (flûte et samples) lui
permettent sur la plupart des chansons de compléter l'effet
conjugué des textes et de son interprétation pour
véritablement créer un univers caractéristique
et très différent pour chaque chanson.
Ainsi, sur l'hilarante On avait fumé
un peu trop,
les samples un peu psychédéliques donnent un effet
étrange, irréel, qui correspond bien à l'état
des deux personnages
De même sur Adios, titre
qui aborde la chirurgie esthétique de manière cocasse
et complètement décalée, le petit riff hispanisant
fait son effet et dynamise le public qui tape des mains et bat la
cadence. Les rythmes très bossa nova sur la plupart des titres
ajoutent encore au charme et au mélodieux de l'ensemble.
Chacune des chansons de Donzella récrée un univers
particulier, dresse le portrait d'un personnage et raconte une histoire,
très souvent drôle, toujours poétique. Il me
faut donc résister à la tentation de trop vous raconter
ces histoires, pour ne pas déflorer le plaisir que vous aurez
à les découvrir vous-mêmes ! Je me contenterai
donc de citer en vrac quelques-uns des personnages rencontrés
au cours du spectacle
: le bisexuel (en plus du texte, très
drôle, l'interprétation est irrésistible), la
fille qui parle tout le temps, le coiffeur excédé
qui " craque ", le cadre survolté
Une galerie
de portraits drôles et vraiment inoubliables.
Par ailleurs, les chansons sans scénario comique, plus résolument
romantiques, sont également une belle réussite : Je
rêve, où une voix de velours se pose sur quelques
accords de guitare, avec une mélodie et un texte superbe
ou encore Un beau mélange (ma préférée
!) chanson magnifique sur les différences et oppositions
qui n'empêchent pas l'amour mais l'enrichissent
En conclusion, nous avons adoré
cet artiste aux talents si complets. Il explique lui-même
très bien son univers : " Mon univers est comique
parce que je me moque de ce que je viens d'écrire. Il est
romantique parce que c'est ce que j'aime
Il est bossa nova
parce que Tom Jobim "...Vous l'aurez compris, ça
fait " un beau mélange " !
Aurélie
NB : - pour voir Donzella aux Blancs
Manteaux, il reste encore 2 dates : les 23 et 28 juin prochains.
- son deuxième album doit sortir très prochainement.
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