Le 6 décembre dernier, au Zénith,
Tryo clôturait une tournée triomphale dans toute
la France par un concert anniversaire à Paris. Eh oui, le
groupe existe depuis dix ans déjà
Pour nous,
les fans de la première heure, faites le calcul, ça
ne nous rajeunit pas vraiment. Mais qu'importe, pour fêter
dignement cet évènement, laguitare.com, bien entendu,
était là !
Zénith
bondé, ambiance chaleureuse et bon enfant
, et un premier
constat : le public est très, très jeune, constitué
en grande majorité d'adolescents (même si la tranche
d'âge 20-30 ans est bien représentée aussi).
C'est plutôt bon signe : le groupe joue depuis dix ans, mais
il a su se renouveler et séduire de nouveaux fans.
Avant même l'arrivée des quatre héros de la
soirée, l'"esprit Tryo " est déjà
là, savamment agencé par une mise en scène
qui ne laisse rien au hasard; sur la scène vide, un décor
bucolique, fait de palmiers, de grosses fleurs de tournesols en
carton
l'hymne de nos campagnes plane déjà sur
la foule !
La première partie est assurée par des artistes amis,
tous invités par Tryo, en particulier Franck
Monnet, un jeune chanteur plein de talent, dont laguitare.com
a déjà parlé. C'est un ami de longue date des
Tryo, qui leur a d'ailleurs écrit des textes. Il enchaîne
quelques chansons, La routine (la routine ça n'arrive qu'aux
autres
), en s'accompagnant à la guitare acoustique,
puis Les bancs (Faut-il qu'elle aime les bancs, pour s'installer
comme ça
), et le public accroche tout de suite. Il
faut dire que l'on a affaire à un " beau gosse ",
avec une jolie voix, de bonnes mélodies, des textes vraiment
pas mal du tout
: c'est plutôt très réussi
! Enfin, Franck Monnet, lui-même invité de Tryo, invite
à son tour Timike (ancien du groupe de reggae Mister
Gang, qui joue maintenant dans la formation Le Petit dernier
avec Pablo Mendes et
Daniel, de Tryo !), à
venir jouer de la guitare et chanter avec lui, suivi par Manu,
de Tryo. Ils jouent et chantent tous les trois dans l'euphorie générale
la chanson Soliloque (Même si j'avais tort, je ne serais pas
d'accord, or je n'ai pas tort
). Et Franck Monnet quitte la
scène sous les applaudissements.
Le public a encore droit à un petit intermède pour
faire monter l'ambiance avant le concert : une petite vidéo
" pseudo amateur " qui montre de façon humoristique
comment les membres de Tryo se sont préparés pour
le concert dans leur loge
(Quand on vous dit que la mise en
scène a été très étudiée
!!). En tout cas, ça fonctionne : la foule est hystérique.
Ensuite, on nous passe pendant un petit moment du Tiken Jah Fakoly,
histoire de bien nous mettre dans l'ambiance " rasta "
(Justice réveille-toi, puis On en a marre, l'Afrique en a
marre, marre, marre
). Normal : " c'est du roots qu'il
nous faut ", Tryo l'a toujours dit !
Enfin, Tryo apparaît
mais pas là où on
les attendait : sur la scène, des mannequins en carton à
la forme des quatre membres du groupe se détachent par un
jeu d'ombres et de lumières ; le groupe, lui, est en haut
des gradins, au milieu du public. Ils tiennent à la main
des ballons, et traversent la salle par le haut en interprétant
un medley de leurs plus gros tubes (Pour un flirt avec la crise,
France Telecom etc
). Les quatre joyeux drilles finissent
par rejoindre la scène : Manu (qu'on a déjà
vu juste avant chanter avec Franck Monnet), Mali, Guizmo
et Daniel. Le public est déjà euphorique quand
le groupe commence à enchaîner les titres (sur Salut
O et surtout sur G8 : J'ai, j'ai, j'ai, j'ai huit lascards qui m'soulent,
huit lascards qui m'soulent
). Mali entame un petit délire,
que les autres reprennent au quart de tour, sur le ton de la berceuse
: " Au clair de la lune, petit Sarkozy, prête-moi
ton urne, sors de mon pays
". La salle est hilare,
et les quatre continuent leur show avec C'est du roots, puis Monsieur
Bibendum. Sur cette dernière chanson, le public est invité
à claquer des doigts, ou plutôt " jazzer avec
les doigts ", et il s'en donne à cur joie.
Le
déroulement du concert est structuré avec beaucoup
de maîtrise, en phases distinctes où les styles musicaux
changent, les interventions parlées alternent avec les chansons,
les titres à thème intimiste avec ceux plus engagés
politiquement : la monotonie n'a pas le temps de s'installer. Ainsi,
après la série de chansons " tubes " du
début, Tryo nous réserve un intermède musical
sans parole, au violon, violoncelle et accordéon, de facture
très classique, avec des sonorités festives qui évoquent
l'Europe de l'Est. Pendant qu'ils jouent, sur la scène derrière
eux, un équilibriste s'élève, en montant sur
deux draps blancs. Suit un petit morceau de guitare, hispanisant,
très rythmé, avec toujours l'acrobate en toile de
fond : très harmonieux.
Après cet intermède musicalement et visuellement très
réussi, Tryo interprète deux chansons plus politiques
: le percutant et magnifique La misère d'en face (Peuple
d'Occident, réveille-toi, réveille-toi
) et Si
la vie m'a mis là, sur la Palestine. Mali intervient ensuite
pour nier la rumeur selon laquelle Tryo va se séparer (il
est vrai que lui-même sort un album solo sous son nom Christophe
Mali : Je vous emmène, qui sortira en mars 2006). Au contraire,
dit-il, " on est repartis pour dix ans ", et les projets
musicaux en parallèle des uns ou des autres ne remettent
pas en cause le groupe Tryo. Suit une petite vidéo amusante
montrant " le concierge du Zénith " qui se plaindrait
du bruit
(humm !). Donc, pour faire encore plus de bruit, le
public chante de plus en plus fort " Joyeux anniversaire Tryo
! " : un vrai public de " rebelles " ... !
Franck Monnet rejoint alors à nouveau Tryo sur scène.
Il est l'auteur-compositeur de la chanson Comme les journées
sont longues, une chanson que nous, on adore, et apparemment c'est
le cas de l'ensemble du public : quand il commence à la chanter,
avec Tryo aux churs, et deux autres " invités
", Gérard Tempia au violon, et Frédéric
Deville au violoncelle, la salle au grand complet reprend le refrain
avec frénésie. Le groupe demande ensuite à
Daniel de jouer du violon, pour " montrer au public qu'il sait
jouer de cet instrument aussi " : il nous fait aussitôt
un petit solo plutôt sympa
Pour continuer dans l'ambiance bon enfant et même la franche
rigolade, Mali demande au public de se servir des " capotes
Tryo " qui ont été distribuées à
l'entrée du Zénith, et propose d'éteindre les
lumières deux minutes pour une " tryouse " (oui
vous avez bien lu !)
Bon, les 10 ans de Tryo, ce n'est pas
non plus Woodstock, et les gens sont restés bien sagement
à leur place pendant ces deux minutes d'obscurité,
vous vous en doutiez !! N'empêche, tout le monde a bien ri,
et c'était une transition toute choisie pour introduire la
très belle et très sensuelle chanson d'amour Serre-moi.
Tryo enchaîne ensuite sur le tubissime Sortez-les sortez-les
sortez-les poubelles! , sur la télévision, devant
une foule vraiment surexcitée, avant de laisser de nouveau
la scène à un groupe " invité " :
La Rue Kétanou, qui nous fait sa version rap du corbeau et
le renard
Puis
Mali reprend le micro et, sous les applaudissements, exhorte le
public " On sort le gouvernement prochainement en allant voter
" et les quatre compères enchaînent sur Récréation
: "Allez sortons le gouvernement on va user les pavés,
user les pavés, user les pavés et ils vont reculer".
(Au fait, les Wampas viennent de sortir une chanson intitulée
Chirac en prison, très drôle et volontairement provocatrice;
Didier Wampas dit avoir écrit cette chanson uniquement
pour tester la réalité et les limites de la liberté
d'expression dans notre pays
Le résultat est intéressant
: la chanson passe à la radio, mais aucune chaîne de
télévision n'a accepté de la diffuser
A
méditer. Bon fermons la parenthèse et revenons à
nos moutons !!).
Après Désolé pour hier soir (Arrête l'alcool
tu deviens grave
), introduite par toute une mise en scène-
amusante mais un peu longue- autour de Mali, qui ne se souviendrait
plus de sa soirée de la veille, Manu part sur une reprise
de Souchon (J'ai dix ans, Si tu m'crois pas hé
T'ar ta gueule à la récré), immédiatement
suivi par les trois autres : évidemment c'est très
réussi, une fois de plus !
Selon le parfait dosage qui fait alterner depuis le début
les chansons plus inattendues et les tubes, on a enfin droit à
l'Hymne de nos campagnes, dans la ferveur générale
(tous briquets et téléphones portables allumés
!). L'acrobate reprend ensuite son show en arrière-plan,
suivi par une autre équilibriste, une femme qui s'élève
vers les sommets dans un drap blanc, immense comme une longue traîne.
Pendant ce temps le groupe interprète encore deux très
beaux titres : Le petit chose, puis Le saule.
Mais
Tryo salue et le public s'aperçoit avec horreur
que c'est déjà la fin du concert ; le spectacle a
été si dense et si varié que personne n'a vu
le temps passer. Heureusement pour nous, les quatre compagnons ne
seront pas avares de chansons après les rappels (Un homme
qui aime les femmes, chanson pour le respect des femmes, Pompafric,
contre le néo-colonialisme des entreprises, La main verte
(sur cette dernière, Totor, le boute-en-train qui avait déjà
présenté le concert en début de soirée,
passe avec un arrosoir, et arrose la foule, dans l'hilarité
générale).
Le drap des acrobates, qui a été progressivement déroulé,
couvre maintenant toute la scène, et permet un jeu d'ombres
et de lumières qui rappelle la forme de rainures sur des
feuilles d'arbre. Le concert se termine sur cette image, et sur
un mot tout simple : " naturel ", comme un condensé
de l'état d'esprit Tryo.
Que dire de plus ? Merci, bravo, et bon anniversaire Tryo !
Aurélie
Photos de Benoît
Delplancke tirées du site http://www.poke-and-destroy.com/Tryo/
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