Leur dernier
album " The red room " a surpris pour ce son électrique,
ses guitares pleines d'effets et ses compositions rugueuses. C'est
vrai qu'on a découvert le groupe belge Venus pour
leurs ballades mais cette fois ils ont changé d'univers sonore.
Rencontre avec le leader du groupe et chanteur guitariste Marc
A. Huyghens et le bassiste Pierre Jacqumin.
Votre album
peut-il être considéré comme un tournant musical
?
Marc: Notre dernier album peut être considéré
comme un tournant musical pour plusieurs raisons. Sur les précédents
albums, nous avons surtout travaillé sur des instruments
acoustiques. Cette fois sur " The Red Room " nous sommes
passés aux ambiances plus électriques en travaillant
directement sur des amplis et des effets. L'album précédent
" Vertigone " a été enregistré en
plusieurs parties alors qu'on a enregistré le nouvel album
vraiment ensemble. Il en est de même au niveau des arrangements.
Les compositions que j'avais apportées à la base étaient
beaucoup plus basiques et squelettiques et les directions étaient
déjà moins données. Ainsi chaque membre du
groupe cherche plus loin. Le travail est plus en commun
Contrairement à " Vertigone " il n'y a ni invité
ni un titre phare comme " Beautiful day ". A priori cet
album semble moins accessible puisque les compositions sont moins
structurées couplets refrains.
Votre écriture
a donc évolué
Vous avez aussi gardé des
ballades. Sans stigmatiser, les ballades sont très présentes
chez Venus
Marc : Sur un album, les ballades sont très utiles
puisqu'elles permettent de mettre des respirations.
Pierre : A présent, nous somme moins axés sur
l'aspect mélodique. De ce fait, notre album semble plus brut.
S'il est moins accessible, c'est sûrement parce qu'il est
moins formaté. En même temps il a l'habillage qui nous
semblait essentiel.
Qu'est-ce
qui vous a paru l'essentiel?
Marc : On a essayé de trouver une place indispensable
à chaque instrument en faisant le minimum. Pour donner un
exemple concret de l'essentiel, Pierre joue une note sur toute une
partie du morceau" Everything that rises must converge ".
Il faut savoir l'assumer. Evidemment cette partie paraîtra
à certain trop simpliste. En fait, c'est le meilleur de ce
qu'on aurait pu faire sur ce morceau.
Pierre : Dans tout parcours musical, on recherche à
un moment l'essentiel. Lorsque tu commences à jouer de la
guitare, de la basse ou d'un autre instrument, tu apprends la technique
en apprenant les accords de plus en plus complexes. Ensuite tu joues
des lignes mélodiques de plus en plus complexes et plus rapidement.
Avec du travail, on s'améliore en jouant sur tout le manche.
On s'étonne soi-même par rapport à son début
lorsqu'on jouait sur des cordes à vide. Un artiste comme
Miles Davis, qui fait partie des grandes claques de mon histoire
musicale avec sa trompette pouvait aussi tenir trente-deux mesures,
un cycle complet avec juste une note. Mais cette note est investie,
ce qui la rend magnifique. On connaît tous la technique et
la virtuosité de Miles Davis. Il faut apprendre toutes les
notes afin de connaître celles dont la musique a besoin et
avec quel son, quel investissement, quelle intensité et la
manière dont on va la projeter.
Marc : Il semble évident que la virtuosité
doit être au service de la musique. Sans être un virtuose,
la démonstration n'a aucun intérêt. Il faut
pouvoir se servir d'une technique même pour ne faire qu'une
seule note.
Comment êtes-vous
passé à un son saturé ?
Marc : Ce changement s'est construit petit à petit.
Je suis venu avec un nouvel ampli. Contrairement à l'album
précédent Pierre a apporté de plusieurs basses
électriques. Prudemment on s'est dirigés sur cette
voie plus électrique tout en on se donnant les moyens de
ne pas avoir de limites. C'est à moitié réfléchi
à moitié intuitif. Lorsqu'on apporte une certaine
guitare cela devient réfléchi. Initialement, Venus
montrait qu'au travers de l'acoustique, des morceaux punk avec des
énergies de groupes de métal peuvent être créés.
A présent, nous avons peut-être fait le tour. Nous
avons aborder le coté électrique sans pour autant
faire du bruit.
Pierre : Cette recherche de simplification nous est chère.
La note dont on parlait précédemment doit sonner juste.
C'est toute la différence entre la musique et le bruit. Il
faut autant travailler sur ce son que sur la manière de jouer.
Sur quels
modèles de guitares jouez-vous ?
Marc : Christian joue violon et guitares. Nous jouons sur
le même modèle jazz: une Epiphone semi acoustique.
Dans un open tuning (accordage spécial) je joue aussi sur
une Fender Télécaster.
Pierre : Pour ma part sur l'album, j'utilise trois basses,
une Gibson, une Fender Precision et une Music Man Stingray. Quant
à ma contrebasse, elle a cent cinquante ans et n'a aucune
marque (rires).
Pouvez-vous
nous parler de cette contrebasse ??
Pierre : Depuis un an, j'ai cette contrebasse. Il est compliqué
de trouver un instrument qui peut être sur amplifié.
Je travaille avec beaucoup d'effets sur la contrebasse. Avant je
jouais avec beaucoup d'instruments qui sonnaient acoustiquement
très bien. Dès que je commençais à jouer
à l'amplifier en ajoutant distos et autres effets, l'instrument
s'affolait. Ma contrebasse a un son plein. Dans l'effet, sa sonorité
reste propre. Bien qu'elle soit un peu informe, je la trouve magnifique.
La recherche de cet instrument a été longue.
Comment définiriez-vous
ce disque ?
Pierre : Ce disque reste dans la famille pop rock. Il est
plus rock que le précédent. On peine vraiment à
classer.
C'est vrai
que l'ouverture de votre album est plutôt un blues
Marc : je dirais aussi pop rock car c'est large comme catégorie.
Ce n'est pas du jazz, pas de l'électro.
Est-ce que
vous écoutez du blues ??
Marc : Finalement très peu. Même si dans le
groupe, nous sommes tous très proches de cet esprit blues
nous ne passons pas nos journées à écouter
Johnny Hooker, BB King
Pierre : Historiquement le blues est une musique qui a marqué
toute l'évolution de la musique populaire du début
du XX ème siècle. C'est une des bases musicales qu'on
retrouve partout aussi bien en chanson française que dans
une chanson de Madonna. C'est une arrière grand-mère
musicale. De la même manière, la musique classique
occidentale a énormément influencé toutes les
chansons populaires de Broadway qui sont un mélange de couleur
jazz et blues avec une harmonie classique. Il y a aussi les musiques
folkloriques, la folk américaine, la bourrée auvergnate,
La nourriture musicale est partout. Chaque fois qu'on écoute
une musique on s'en nourrit. Après cela rejaillit.
Comment est
née cette co-production avec Head ?
Marc : Nous souhaitions enregistrer l'album avec John Parish,
un musicien de la famille de PJ Harvey. Malgré l'envie qu'il
eu de co-produire cet album, son emploi du temps ne lui permettait
pas. Alors John Parish nous a aiguillés vers un ingénieur
son Head. Head est venu deux jours à Bruxelles pour nous
écouter. Notre disque a été enregistré
en cinq semaines avec lui.
On dit retrouver
un son PJ Harvey sur votre disque ?
Marc : Cette co-production peut prêter à confusion.
Avant l'arrivée de Head, nous avions déjà le
son de l'album. A aucun moment, il a mis un son à l'album.
Au contraire il a enregistré le plus fidèlement possible
à ce qu'on a fait. Pendant un an nous avons bossé
pour obtenir ce son et lui a permis de le plus le révéler
sur l'album.
Pierre : Il en est de même avec pour PJ Harvey. Il n'a pas
du tout la prétention d'avoir fait le son de PJ Harvey. Elle
fait partie de ses artistes capables de restituer ce son là
sur disque et sur scène. PJ Harvey sonne naturellement incroyablement
bien. Il faut que sur le disque sonne toujours aussi bien que si
tu étais à côté de l'ampli. Head est
capable de faire cela.
Quels ont
été les apports de Head pour vous ?
Marc : Tu as affaire à quelqu'un de très expérimenté
qui comprend vite grâce à son expérience où
tu veux aller ce que tu veux faire comment tu vas le faire. Il fait
en sorte que les choses en plus faciles au niveau de l'ambiance
dans le studio, des prises de son. Comme nous jouons à quatre,
nous faisons quatre prises ce qui nous demande une grande concentration.
Il faut savoir faire le break au bon moment. C'est à la fois
purement technique et psychologique. Head est comme un poisson dans
l'eau à rendre la vie plus facile.
" Everybody
wants to be loved " reprend le monologue prononcé en
voix off du film " Opening Night " de John Cassavetes
Avez-vous d'autres influences sur ce disque ?
Marc : La chanson "Add stars to the sky " a été
inspirée par une citation d'Erasme. Erasme a passé
quelques années de sa vie dans une maison à Anderlet,
dans une des communes à Bruxelles. Cette maison est devenue
un musée. Dans le jardin, des artistes contemporains ont
fait quelques uvres inspirées de ces écrits.
Sur la pelouse, des petites vasques en formes de feuilles sont posées
et à fleur de l'eau des morceaux de textes sont plantés.
Une phrase est inscrite: "Sidera addere caelo" qui signifie
"ajouter des étoiles au ciel". Cette image est
magnifique et très inspirante. C'est après avoir vu
le film incroyable "Hollywood Sunrise " avec Kevin Spacey
et Sean Penn que l'écriture de " Poison" s'est
déclenchée.
Quelles sont
vos influences ?
Marc : Pendant l'écriture de notre album nous n'avons
pas spécialement écouté de musique. Ce qui
prouve en toute modestie que les influences ont de moins en moins
d'influences. Bien sûr, nous écoutons des classiques
comme Billie Holiday et Chet Baker. Pourtant, nous avons besoin
de nous immerger des musiques que nous connaissons. On arrive petit
à petit à ne plus avoir besoin de ces références.
Il n'y a aucun intérêt à écouter tout
ce qui s'est fait les six derniers mois pour commencer à
faire quelque chose dans l'air du temps. Cela fait parti d'une grande
triche. Je passe franchement plus de temps à faire de la
musique qu'à en écouter. Plus je fais de la musique
moins j'en écoute. Sans être un dévoreur de
musique à l'affût de tout ce qui sort, je reste quand
même au courant de ce qui se fait.
Quelle est
votre formation sur scène ?
Marc : En France nous ferons nos concerts à quatre.
Mais en dehors de la scène française, nous jouerons
avec un orchestre de chambre dirigé par Erwin Vann.
Emmanuelle
Libert le 10/07/2006
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