Jazz
in Marciac, qui soufflera l'année prochaine ses 30 bougies,
est décidément un festival étonnant. Dans son
édition du 7 août, Libération remarquait d'ailleurs
qu'il se distinguait par une " absence totale de
jazz
". Le propos est un peu fort mais ne manque pas de justesse,
et aussi d'un certain sens de l'humour. Disons que le jazz n'est
pas forcément là où on l'attend, en tout cas
pas majoritairement dans sa programmation qui cette année
faisait la part belle à d'autres musiques, salsa, afro beat,
musiques cubaines
Peu de prises de risques, comme à
l'accoutumée, mis à part John Zorn qui fit
voler les panamas de son sage public dans une furieuse prestation.
Marciac ressemble à une vitrine idéale d'un jazz un
peu suranné en forme de discothèque idéale,
qui trouve merveilleusement sa place dans ce charmant village du
Gers. On ne recule devant aucun sacrifice pour séduire un
public nombreux, élégant et poli, visiblement étranger
à cette région et ne demandant qu'à tomber
dans tous les clichés qu'on aura mis à sa disposition
pour se croire dans un remake du " bonheur est dans le pré
". On peut ainsi y déguster un Armagnac de 40 ans d'âge,
manger local (magret et foie gras), et même
acheter
une maison (une agence immobilière a ouvert un stand !!!).
Il va de soi que l'ambiance est à l'avenant. On assiste au
concert en bonne compagnie, un pull jeté sur les épaules
pour parer aux frimas de la soirée, une coupe à la
main et un bon cigare en bouche. Les concerts s'achèvent
à une heure, le off a fermé depuis longtemps sa scène,
laissant la place centrale du village déserte et vide de
musique.
La programmation
proposée sous le chapiteau invitait Omara Portuondo
à un dialogue avec l'ensemble instrumental du conservatoire
de Toulouse, venu renforcer son orchestre cubain avec délicatesse
et justesse, c'est-à-dire sans noyer inutilement de cordes
une musique qui se suffit à elle-même. Pari réussi,
les toulousains amenant juste ce qu'il faut de tragique et de sensuel
pour apporter un peu de patine supplémentaire, venant soutenir
les graves de la voix chaude de cette diva cubaine. Omara Portuondo
fera défiler les genres, rumba, son, cha cha avec un entrain
et une joie non feints qui font mouche. Tout à son aise sur
scène, elle séduit et envoûte son public qui
reprend en chur les refrains de soy cubana ou Guantanamera.
On attendait un Yuri Buenaventura explosif, on l'aura très
calme, jouant en crooner sur un tempo langoureux servi par un orchestre
proche des racines afro latines, faisant sonner le brut des percussions
nombreuses, tambours et congas.
La bonne surprise du festival viendra dans la nuit, au hasard des
rues, où le bar l'Atelier accueille une jeune formation :
Amazir. Un cajon, une contrebasse et un piano (le fils de
la maison) entourent un violoniste-oudiste qui s'appuie sur une
rythmique solide pour développer des thèmes teintés
d'orient.
Pour le rappel
mérité, un saxophoniste viendra lâcher un chorus
aérien qui planera longtemps, de son écho cuivré.
Dans une ambiance très club, cet endroit un peu féérique,
une probable grange restaurée de façon chaleureuse
permettra de renouer avec le jazz, l'autre jazz, celui qui ne craint
ni les métissages, ni les dérapages. Authentique et
s'aventurant dans des sentiers moins balisés que les ténors
de Marciac, ces musiciens renoueront dans un plaisir évident
avec une forme de liberté qui manque désormais à
leurs illustres aînés. La justesse ne sera pas toujours
dans la note mais dans l'instant où elle sera jouée,
rendant ainsi un peu de ce bleu qui fait défaut aux autres.
C'est pour ses à côtés que Jazz in Marciac mérite
qu'on s'y attarde.
Stephane
Andrieu
le 22/08/2006
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