L'univers
pop raffiné de Syd Matters s'est encore épanoui au
travers de "Someday we will foresee obstacles" alliant
un grand sens mélodique et des compositions aériennes.
Rencontre avec Jonathan Morali, au Furia Sound Festival de Cergy
Pontoise.
Comment travailles tu tes mélodies ?
Il s'agit d'une approche mélodique. Je ne me sens ni songwriter
dans le sens où je n'écris pas des cahiers entiers de textes ni
suffisamment bon musicien pour me sentir musicien. Alors je navigue
entre les deux en abordant beaucoup mes chansons par la mélodie.
Je combine une idée à la guitare et une idée
à la voix. La mélodie en est le résultat. D'ailleurs
la musique pop passe avant tout par une mélodie assez évidente
et simple.
Tes mélodies
ne sont pas pour autant formatées
Si mes mélodies ne sont pas formatées, c'est sûrement
grâce à mes influences. Vers dix huit ans, j'ai été
très marqué par la sortie de l'album " OK Computer
" de Radiohead. Ce groupe est le meilleur dans ce créneau.
Ils ont une évidence et un coté grand public tout
en cherchant musicalement. Ils dépassent toujours l'évidence
musicale sans pour autant faire du compliqué pour être
compliqué.
Est-ce que
tu te considères aussi comme un chercheur musicalement
Je me considère comme rien du tout. Mes goûts tendent
à essayer de trouver des éléments musicalement
un peu originaux dans la mesure de mes possibilités. En tout
cas je recherche toujours quelque chose d'évident et facilement
accessible avec une recherche musicale poussée. J'essaye
d'aller voir ailleurs que le do et le ré. Dans chaque chanson,
j'essaye de trouver l'équilibre. L'équilibre est différent
pour chaque chanson. Je ne peux pas écrire suivant une structure
: couplet / refrain / couplet. Parfois en écrivant une chanson
au bout de trois minutes, ma composition part dans une autre direction.
A un moment donné, la chanson a un équilibre et fonctionne
sans être alourdie ou vacillante. C'est tout l'intérêt
d'avoir la possibilité d'être libre. On peut faire
ses choix sans rentrer dans des schémas de chansons.
Ton album
conserve tout de même une homogénéité.
Est-ce instinctif ?
Ce n'est vraiment pas réfléchi ou intellectuel. La
meilleure façon de ma courte expérience d'être
cohérent avec soi est de ne pas se poser la question de cohérence.
Cela reste instinctif. J'ai mes éléments de compostions
et mes possibilités au chant. Dans le pire des cas je me
répète et dans le meilleur j'essaye de créer
un univers.
Comment fais-tu
pour dépasser tes influences ?
Rapidement, j'ai compris qu'il ne fallait faire exactement ce que
je voulais ou de ressembler aux gens que j'adore. Ce n'est pas moi
c'est pourquoi cela ne fonctionne pas. Il faut faire avec ses défauts
et des choses infaisables. Au bout de la contrainte naît une
petite personnalité.
Comment conçois-tu
la scène ?
La scène est une autre approche. Nous sommes cinq musiciens
sur scène. Mes musiciens sont loin d'être des musiciens
que j'ai "chopés" comme cela. Ensemble on a toujours
essayé de capter l'essentiel des chansons c'est-à-dire
ce qui fait l'intérêt des chansons. Nous n'avons pas
peur de retravailler ou de changer les chansons. D'ailleurs certaines
sont plus rock et d'autres sont plus dépouillées.
Une fois encore c'est une histoire d'équilibre. Sur scène
certains morceaux nécessitent davantage d'énergie
que sur un disque puisque l'écoute et le plaisir sont différents.
Nous jouons certains morceaux de manière plus rock ou en
tout cas avec une plus grande ampleur sonore. Il faut toujours préserver
la chanson. Si sur le disque, le morceau est au clavier il ne faut
pas avoir peur de le jouer seul à la guitare. Dans les groupes
dans lesquels j'ai joué avant, le souci était de refaire
exactement comme en studio. Au contraire, il faut proposer des arrangements
différents. Lorsqu'on joue des musiques assez live comme
du rock disciplinaire ou de la pop en général, les
musiques peuvent se ressembler. J'essaye de recréer des ambiances
et des atmosphères. Sur scène, on est tellement dépendant
du public, de la technique, du lieu
Alors on s'adapte en permanence
en conservant ce qui fonctionne.
Selon toi,
qu'est-ce qui fait que la chanson fonctionne ?
Lorsque j'essaye d'être juste avec moi-même, la chanson
fonctionne. En général, les chansons retenues sont
les plus proches de ce que je voulais dire. A l'enregistrement j'en
jette cinquante. Je garde seulement celles où je m'exprime
avec justesse et sincérité, je n'ai pas eu besoin
de réfléchir à ce que tu voulais exprimer.
C'est intéressant en réécoutant les chansons
elles t'apprennent des choses sur toi. J'ai toujours aimé
cela dans les groupe que j'ai écouté. Franck Black
en est un maître absolu. Dans ses derniers albums solos, il
a essayé de mettre ses influences rock n roll sixties, punk.
Franck Black a une telle personnalité qu'il pourrait faire
la chanson la plus traditionnelle du monde elle passerait par son
filtre. Il en est de même pour David Bowie. Lorsqu'on écoute
une reprise de Bowie, elle parait classique. La chanson est unique
grâce à la personnalité de David Bowie.
Sur quel
modèle de guitares joues-tu ?
Je joue surtout sur guitare sèche. L'été dernier,
j'ai acheté une bonne guitare sèche pour la première
fois de ma vie. Il s'agit d'une Martin D15. Bien que je ne sois
pas fan des Martins, cette guitare a un bois massif un peu particulier
et un son particulier.
Recherchais-tu
un son particulier ?
Sur ta guitare, le son tu le fais toi-même au fur à
mesure. Je ne voulais pas un son cristallin, mais un son où
tu sens le bois, où tu sens que cela frise un peu, où
tu dois un peu lutter pour avoir ton son. Il fallait qu'elle ait
beaucoup de basse et un son un peu sourd.
Connais-tu les guitares de luthier ?
J'ai du amplifier ma guitare sèche chez les luthiers DNG.
Ils ont très bien travaillé, d'ailleurs j'y retournerais
si j'ai un problème. Rapidement j'ai senti qu'ils travaillent
très bien. Ils optimisent beaucoup les choses pour t'éviter
les ennuis. Ils ont travaillé sur ma guitare trois quatre
jours non stop en l'optimisant complètement. Avant d'aller
chez DNG, j'ai rencontré trois ou quatre luthiers pour faire
électrifier ma guitare. A chaque fois les luthiers me faisaient
des références à un modèle de guitares
de Francis Cabrel ou Maxime Le forestier. Je ne voulais pas avoir
une guitare qui ait ce son là.
DNG m'ont attiré pour leur prix raisonnable et leur très
bon travail.
Pourrais-tu
dire quelques mots sur Rhésus ?
Rhésus est un des groupes avec lequel nous avons le plus
tourné. Très honnêtement j'aime vraiment beaucoup
ce groupe. Nous avons fait des concerts avec des personnes avec
cinq ou six ans de plus, avec Rhésus nous avons le même
âge, ce qui nous amène à avoir des conceptions
musicales similaires même si nous ne faisons pas la même
chose. Musicalement ils sont allés dans un style risqué
à faire en France et ils y parviennent très bien.
On garde peu de contacts avec d'autres artistes. La dernière
fois, nous avons fait un concert à Cannes qui a fini de manière
un peu chaotique. C'est toujours un plaisir d'être avec eux.
Nous avons fait une tournée en Suisse plutôt mémorable
puis nous nous sommes retrouvés par la suite sur quelques
dates. En plus sur scène ils sont supers !
http://www.sydmatters.com
Emmanuelle
Libert
le 10/07/2006
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