Biréli!
Il est rare
de voir le New-morning aussi bondé qu'en ce soir de Décembre.
Les fêtes de fin d'année pointent leur nez, mais
on est ici pour célébrer autre chose: l'amour du
swing, des standards, du beau jeu...c'est une grande fête
du jazz!
La soirée est placée sous le signe de la bonne humeur,
avec des musiciens visiblement ravis d'être ici et un public
très chaud.
Le show démarre
avec le gipsy project qui envoie un Donna Lee (Charlie
Parker) endiablé. On sent que les musiciens se connaissent,
ils jouent parfaitement ensemble. Biréli est bien présent,
mais à aucun moment il ne se met trop en avant. On n'est
pas ici pour assister à un festival démonstratif
de la star.
Biréli nous montre à quel point il est solide en
rythmique. Bien au fond du temps, il injecte un concentré
de swing et de groove avant d'atteindre des sommets avec des chorus
plus déroutants les uns que les autres.
Il est habité,
il brûle en lui la flamme qui caractérise les plus
grands. Il possède un sens de la construction qui caractérise
les meilleurs improvisateurs. Ses chorus ne sont pas des suites
de notes, mais un vrai discours mélodique, un langage à
part entière. Chaque phrasé a un sens. Chaque pulsation
est maîtrisée. Lagrène ne subit jamais ce
qu'il joue, son jeu est empreint de détermination, il flotte
au-dessus des grilles pour nous raconter quelque chose.
Son succès en tant que guitariste tient beaucoup dans la
gestion de la dynamique de son jeu; il ne laisse pas de place
aux temps morts, et sait doser sa virtuosité: jamais ennuyeux
et jamais lourd...Il gère le temps comme personne, et tue
toute linéarité.
Sa maîtrise des articulations lui permet des petits moments
de folie, des explosions atonales qui ponctuent ses phrasées
de façon surprenante, sans en enlever de substance.
Au passage, on peut signaler que sa technique ahurissante arrange
bien les choses.
Derrière
lui excele le reste du gypsy project, mention spéciale
à André Ceccarelli, qui n'a pas son pareil
avec les balais.
Une belle
rencontre
La pétillante
Sara Lazarus arrive après l'entracte. La chanteuse
franco-américaine et Biréli Lagrène semblent
liés d'une belle complicité. Ils sont tous les deux
très à l'aise dans ce répertoire de grands
classiques.
Lazarus
entame son tour de chant avec une très belle version de
"cheak to cheak" d'Irving Berlin, que n'aurait
pas renié Fred Astaire!
C'est une belle rencontre que celle d'un immense virtuose et d'une
diva sobre et malicieuse. Les deux musiciens occupent le devant
de la scène, dans un jeu de question/réponse. Ils
prennent un plaisir évident à défendre les
morceaux de leur album It's alright with me (qui est un succès
critique et commercial) sans égo, dans la simplicité.
Sara
Lazarus est reconnue par ses pairs depuis longtemps puisqu'elle
fut lauréate du concours Thélonious Monk en 1994;
elle a néanmoins attendu l'année 2005 pour sortir
son premier album Give me a simple life.
Ce concert au New-morning est important pour elle, être
entourée par des musiciens aussi prestigieux apparaît
comme une consécration, pour celle qui est en passe de
devenir une voix incontournable du Jazz. La force de Sara Lazarus,
c'est sa fraîcheur, qui donne à son swing une saveur
spéciale.
La rencontre
de ces deux personnages dégage une atmosphère très
positive. Ils maîtrisent leur art sans jamais se perdre
dans le bavardage, et proposent un jazz populaire et subtil, qui
reste compatible avec le grand public.
Max
Kerzan le 12/01/2007