Photo d' Emmanuel Bacquet
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Pour la fin d'année 2006, Yann Tiersen nous a gratifié
d'un dvd et disque live "On Tour" témoin
de son incroyable puissance scénique. L'énergie
rock resplendit pendant plus d'une heure trente. Rencontre
avec l'un des plus authentiques et discrets compositeurs interprètes
français...
Sur
ton dernier disque, la guitare est plus présente que le violon
! Comment es-tu passé à la guitare ?
Yann Tiersen :
C'est parti d'une envie. Pendant longtemps, je changeais d'instruments
en concert pour varier les plaisirs. A un moment, ces changements
d'instruments cassaient mon rythme. J'avais l'impression de
vivre dix concerts en même temps. Je ne voulais plus que ce
soit systématique. Pour cette tournée, j'avais envie qu'il
y ait un vrai groupe. Alors, je suis resté à la même place
à me concentrer sur les morceaux. C'est
vrai que la guitare est l'instrument de
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base depuis
quelques albums et surtout l'album avec Shanon Whright et « Les
Retrouvailles ». La guitare semblait l'instrument le plus ouvert
pour proposer d'autres choses sur scène.
Est-ce vraiment la guitare qui donne ce son rock ?
Y.T. : Oui. Là on peut faire plus de choses. Je voulais qu'il
y ait basse, guitare et batterie. Marco ( Marc Sens ) à l'autre
guitare est très libre. Il fait plein de choses avec sa guitare
mais aucun accord.
Il y a une vraie recherche sonore ...
Y.T.: Justement, je fais juste les mélodies et les accords,
Christine aux ondes martenots est un peu la voix du groupe sur les
morceaux instrumentaux, Marco avec son côté expérimentation et sa
liberté à la guitare et la basse et la batterie.
Comment parviens-tu à combiner si facilement le violon ?
Y.T.: C'est drôle... Cela fait un moment que dans le violon
il n'y a pas un micro mais une cellule. J'ai mon pédalier de guitares
avec tous mes effets. Le violon passe dedans aussi. Ce qui amène
beaucoup d'autres possibilités sonores, à partir du moment où cela
passe dans un ampli. Une bonne disto sur un violon peut faire du
bordel ! (rires)
Considères-tu
ce son rock comme un virage après la bande originale de « Good Bye,
Lenin!» ?
Y.T.: L'énergie reste la même. Sur le prochain album, j'aimerais
mêler tout cela. Dans une section de cordes, l'énergie inouïe et
la violence sont proches de celles des guitares en fin de compte.
C'est pour cela qu'il est intéressant de mêler les deux. Le tout
est justement de tout bien digèrer et tout pousser à fond dans l'exploitation.
Je cherche tout le temps à aller au fond, maîtriser les choses ou
en tout cas m'exprimer pleinement.
Rares sont les artistes qui en sont capables ...
Y.T. : Je suis très fier de ce qu'on fait avec notre groupe.
Avec cette base électrique moins diversifiée instrumentalement parlant,
on a réussi à aller aussi loin dans l'album que dans les albums
précédents. Il est très motivant d'exploiter cette base.
Photo
d' Emmanuel Bacquet
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Il
y a tout de même des bidouillages sonores notamment « La Perçeuse
». Comment est venue cette idée ?
Y.T. : « La Perçeuse » est un accident. Dès qu'on se sent
complètement libre et naïf dans notre création, on devient très
enthousiaste. Les champs de libertés permettent d'avancer...
L'idée de la perçeuse est arrivée pendant les répétitions. J'ai
trouvé le gimmick de guitare. On était en travaux. Marco a pris
la perçeuse. C'est aussi simple parce qu'on a cette joie de
faire de la musique. L'expérimentation n'est pas venue en voulant
faire des choses nouvelles mais en s'amusant. Dès qu'on s'amuse
on fait feu de tout bois !
Cette tournée va -t- elle s'arrêter un jour ?
Y.T.: On ne s'arrête pas encore (rires). Vers mai ou juin
surêment. On passera par la Hollande, Portugal, Espagne, Allemagne,
Angleterre, Irlande, Amérique du Sud, Asie, Suède... Là, on
revient d'Australie. C'est incroyable de jouer partout dans
le monde alors qu'en ce moment le disque s'effondre. On a joué
en Turquie devant quatre mille personnes. L'énergie à l'étranger
est beaucoup plus forte.
Quelles souvenirs restent forts pour toi ?
Y.T. : Le Liban reste un grand moment surtout avec ce qui
s'est passé. La Pologne aussi. J'aime beaucoup le public allemand.
On a fait un des meilleurs concerts de la tournée à Melbourne
en Australie. Il y a des pays où les gens nous attendent. A
chaque fois on se rappelle la chance de partager ces choses
avec les gens. |
Sur cette
tournée, peut-on dire qu'on te découvre une facette engagée ?
Y.T. : Mon côté revendicatif a toujours existé. Je viens d'une
famille où la culture politique a toujours été importante. Mon père
est né dans un quartier ouvrier de Lille. La politique et les débats
d'idées sont des choses merveilleuses. Maintenant c'est réduire
à un électorat, ce qui est complètement différent. On ne se rend
pas bien compte. On a un parti au pouvoir dont le sigle signifie
« Union pour une Majorité Présidentielle ». Ce qui signifie : négation
du programme politique et négation des idées. Le seul but est d'avoir
la majorité...
La chanson « La rade » fait écho aussi aux éléctions présidentielles
de 2001 ...
Y.T. : « La Rade » est une chanson clairement politique. En
France, les gens sont descendus dans les rues. Un président a été
élu à plus de quatre vingt pour cent des voix. Ce vote a été en
quelque sorte kidnappé. Il y avait une espèce de rassemblement.
Ensuite aux élections législatives , personne n'a voté. Depuis,
on a un gouvernement de droite. Il y a des mouvements mais rien
n'aboutit. On a l'impression d'une inertie. On ne sait pas ce qu'il
faut faire. Cela m'a donné envie d'écrire une chanson là-dessus.
Tu interprètes « Les Bras de mer ». N'est-ce pas trop difficile
de la chanter après Dominique A ?
Y.T. : C'est une vieille chanson de Dominique A, composée à
l'époque du « Phare ». L'idée était de faire sa chanson qu'on arrangeait
ensemble puis il chantait ma chanson «Monochrome». Je chante cette
chanson depuis tellement longtemps que je ne me pose plus cette
question ! (rires) Je prends toujours plus de plaisir à chanter
les chansons des autres. Quelque part on est plus libre. On est
tout simplement plus sur la position du chanteur que quand on interprète
ses chansons.
Il y a quelques invités sur cette tournée dont Diam's pour le
duo « Ma France à moi ». Comment s'est faite cette rencontre ?
Y.T. : Dans le bus, on écoutait cette chanson « Ma France à
moi! ». Du coup, je l'ai invité au Printemps de Bourges. On s'est
retrouvé justement à Bourges à discuter avec Dominique A, Grégoire
des Têtes raides et Diam's. Bien que nos univers soient différents,
on pense la même chose.
Tu as beaucoup surpris avec ce son plus rock ...
Y.T. : Après avoir fait « Rue des Cascades », j'ai collaboré
avec Bastard, un groupe lyonnais. C'était très bruitiste. Personne
ne s'est posé de questions. Cela semblait très naturel.
N'est-ce pas trop dur à porter cette étiquette suite à la musique
d'«Amélie Poulain » ?
Y.T. : C'est juste que cela ne correspond à rien. J'ai fait
trois morceaux pour ce film. C'est vrai qu'il y avait une image
préconçue et l'effet Amélie. Pour moi, ce film a été accidentel.
Les autres morceaux existaient déjà. La seule musique de film que
j'ai composé est celle de « Good Bye, Lenin! ». Ces deux films ont
connu de tels succès que cela a fait un polaroid en fixant les choses.
C'est un peu gênant. S'il n'y avait pas eu ces deux films, ma musique
serait restée la même. Etrangement, il n'y a rien de plus lointain
de moi que le folklore d'Amélie Poulain. Le titi Parisien et Montmatre
ne sont pas mon univers. C'était justement intéressant que la musique
corresponde ainsi.
Ce son rock a dû surprendre beaucoup ton public ?
Y.T. : Quelques fois on s'est retrouvé dans des centres culturels
avec des gens du public qui partaient. Le plus drôle était à La
Cigale au début de la tournée. Le concert s'est bien passé. Mais,
une espèce de bourgeoise a demandé quand terminait la première partie.
(rires) Le public voudrait que l'on soit figé. C'est un avis très
français d'ailleurs. C'est sécurisant mais aussi très sclérosant.
On va doit devant un mur. Je n'essaye ni de faire du rock, ni de
me démarquer de mon image. Je suis juste mes envies qui passent
par autre chose. Les gens qui écoutent vraiment ne considèrent
pas cela comme un changement. L'univers et le fond restent les mêmes.
La musique est libre. Il ne faut surtout pas s'éparpiller, c'est
ce que je pense ne pas faire. Ma culture reste assez rock, cela
fait partie de ma personnalité. Au début des années 90, je ne parvenais
pas à m'exprimer musicalement. J'en avais marre de la guitare. Alors,
j'ai commencé à sampler des cordes. A un moment je me suis demandé
pourquoi ne pas faire moi-même ce que faisait le sampler. Le déclic
est parti de là. Je me suis senti très libèré des influences. Tout
ce que je faisais correspondait à ma sensibilité et à mes envies.
Si je prends l'accordéon maintenant, je ne serais plus en accord
avec moi-même. Pour moi c'est du réchauffé. Il faut évoluer et trouver
une autre façon de s'exprimer !
Interview réalisée par Emmanuelle
Libert
le 28/12/2006
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