Avec
Altiplanos, Pierre Bensusan confirme ce que le précédent
(Intuite) montra admirablement : La guitare possède des possibilités
insoupçonnées...
Deux chansons particulièrement
réussies , dont une adaptation du très célèbre
poème « Demain dès l’aube... »
de Victor Hugo, constituent deux coupures, deux poses (plages 5
et 11 ) au sein de cet album essentiellement instrumental. Ce sont
de longues mélodies qui ondulent doucement , bien mises en
valeur par la guitare qui, là, recherche l’efficacité
discrète.
On y trouve aussi trois pièces
créées pour le spectacle « Le Serpent d'Etoiles
» présenté au Planétarium de Poitiers
(pour
plus d’info ). Pierre Bensusan y est en compagnie de
Michel Benita ( basse, claviers), Blaise Boutlefeu (
percussions diverses ) et bien sûr son compère Didier
Malherbe qui utilise ici un instrument à vent Arménien,
le doudouk ... Ces trois parties « orchestrées »,
disposées aux plages 3, 10 et 13, constituent en quelques
sortes des intermèdes.
Les neufs plages restantes sont des
compositions pour guitare seule mais il y a quelque chose de plus
qu’avec Intuite.
L’influence de grands noms du vingtième siècle
( Debussy, Stravinsky, Varèse, etc... ) se fait parfois sentir
et surtout, l’écriture plus moderne semble se libérer
des contraintes liées aux «styles». L’Irlande
est toujours là, comme au début, mais ce n’est
plus un île, c’est un bateau qui visite le vaste monde
et, bien sûr, Pierre Bensusan est à la barre...
L’album s’ouvre sur
« Sentimentales Pyromaniaques » , invitation
à la danse discrètement chaloupée, oscillant
entre l’Irlande, l’Afrique du sud et les caraïbes.
Les autres morceaux possèdent aussi cette puissance évocatrice
propre à Pierre Bensusan et une grande liberté mélodique
: les compositions mûries et structurées conservent
la fraîcheur d'une improvisation. On retrouve tout particulièrement
cela dans « La Dame de Clevedon », très
belle ballade Celtico-Jazzy-impressionniste , dans « Altiplanos
» , fort bel hommage à Ingrid Betancourt , dans «Hymn
11» qui fait penser à une libre improvisation pleine
d’émotion et de retenue sur une grille de de type «
ballade Irlandaise » et enfin « Chant de Nuit »
qui semble, sans le citer clairement, revisiter le très beau
thème de « Si Bhig Si Mhor » ( Album «
Musique » )
Bien sûr, et c’est aussi
une caractéristique forte de l’auteur, on découvre
des métissages convaincants et surprenant à la fois,
comme dans « Scarabée » jazz-blues-celtique
, dans « Nefertari » avec de belles couleurs brésiliennes
et surtout dans « Falafel à Montségur »,
véritable kaléidoscope qui relie l’Afrique noire,
le moyen-orient, l’Amérique du sud et l’Europe.
A cette occasion Pierre siffle et fredonne pour compléter
ce paysage sonore fastueux ; un régal ! Il est seul avec
une guitare mais transmet un « groove » stupéfiant,
comme si une excellente section rythmique le soutenait.
Enfin, au cœur de l’album,
« If Only You Knew » surprend. Même après
plusieurs écoutes, c’est la sensation initiale qui revient
: C’est l’arrangement brillant d’un thème
immortel bien connu des
amateurs de soul et de blues. Le titre va dans cette direction et
pourtant, finalement non ... les indications portées sur
le disque l’auraient signalé... Ainsi, tout y est ...
sauf l’antériorité effective du thème.
Magistral !
Ce musicien hors norme continue donc
à mûrir, à évoluer, à explorer
sans fin. Il parvient désormais, sans « coq à
l’âne » , sans citations, sans clichés ni
« tics de langage », à nous donner à
entendre des pièces inspirées et « charnelles
» qui nous laissent entrevoir un univers intérieur
plein de vie et de couleurs. Son jeu, bien que techniquement redoutable
, semble apaisé, comme s’il ne s’agissait que de
rêveries improvisées. Le tour de force est d’autant
plus admirable qu’il y parvient tout en conservant à
l’ensemble un côté naturel, intuitif et spontané.
Cet album sera prochainement distribué en France par le label
NOCTURNE
Hubert
Bayet
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Lire la chronique du concert du 26/08/2005 à Guitarfolies
- festival laguitare.com
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Le site
web de Pierre Bensusan
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