Avant
de parler de cet album et du concert de lancement qui se déroula
le 25 février au New Morning, je voudrais revenir sur le
guitariste Frank Gambale qui, malgré sa discographie chargée,
ne bénéficie pas d'une présence médiatique
qui pourtant serait loin d'être superflue.
F.G. est tout d'abord un virtuose de
la guitare. Il a poussé la dextérité à
des limites qui seront difficile à surpasser en terme de
vélocité. Celui qui a démocratisé le
sweeping (façon de jouer en descendant ou remontant de façon
très rapide en ne pinçant qu'une fois la corde) est
sorti du GIT de Los Angeles avec un bagage technique digne du plus
grand guitar-hero de métal.
Ses armes il va les faire avec probablement
l'un des groupes les plus mythiques du jazz-rock, le Chick Corea
Electrik Band. Avec ce groupe il participa à 4 albums majeurs
: "Beneath the mask" (qui est mon préféré),
"Inside out", "Eye of the beholder" et "Light
Years". Il y aura une
participation également sur un des derniers albums du band
"To the Stars".
Mais F.G. n'est pas seulement un virtuose,
c'est aussi un compositeur hors pair. Ses albums solo, même
s'ils renferment des morceaux très kitchs notamment au niveau
du son, contiennent des uvres extrêmement inspirées.
L'un de ses tout premiers albums "A present for the future"
est un foisonnement d'idées, de mélodies envoûtantes
et de solos diaboliques (écoutez le morceau "Legends").
Bien qu'étant un guitariste
de formation jazz, le son de F.G. est résolument rock, très
saturé ce qui le fait passer, pour les puristes, pour un
"jazz-rockeux" de plus sans grand intérêt.
C'est à mon avis une grande erreur. L'album "Thinking
Out Loud" est là pour venir remettre les choses à
leur place avec un son de guitare claire limpide et encore des compositions
magnifiques.
J'insiste
sur cet aspect compositeur car je pense que c'est tout bonnement
l'un des meilleurs si ce n'est le meilleur compositeur à
la guitare. Ses pièces sont bien sur moins orchestrées
que celles de Pat Metheny par exemple, mais ses mélodies
sont envoûtantes et l'on ne perçoit pas la difficulté
quand on les entend (alors que quand on essaie de les jouer, c'est
une autre histoire) et c'est pour moi la patte d'un grand compositeur.
Quasiment tous ses albums sont exécutées
avec une formation dite classique (guitare, basse, batterie, clavier).
C'est donc avec un intérêt particulier que je suis
allé voir ce concert ou je voyais pour la seconde fois F.G.
en concert en France (la première fois étant lors
du concert de Vienne du Corea ELB). J'étais en effet enthousiaste
de voir ses mains voler sur le manche
mais surtout curieux d'écouter cette formation pour le moins
peu orthodoxe de guitare acoustique - piano - basse acoustique.
Entouré par deux autres virtuoses
que sont Alain Caron qu'on ne présente plus et de Otmaro
Ruiz, équivalent Gambalien en terme de vélocité
sur un piano, le concert risquait peut-être de devenir une
surenchère de technique mais qu'importe, j'avais hâte
! F.G. est endorsé par Yamaha et joue sur une FPX-300 acoustic,
Caron est sur une basse electro-acoustique fretless et bien sur
Otmaro au piano tout ce qu'il y a de plus classique, lui qui est
connu pour ses délires au synthé.
Les morceaux du concert constituent
quasiment tout le disque, dernier-né, de F.G. "Natural
High". Je dois dire que je fus plus qu'enthousiasmé
à la fois par le concert et par l'album. J'espère
d'ailleurs qu'avec cet album, F.G. pourra avoir la reconnaissance
qu'il mérite en terme de jazzman. Ce disque est un bijou.
Même sans batterie, ça swingue à mort, les harmonies
sont riches mais ne sonnent pas intellectuelles et barbantes, et
surtout les phrases à l'unisson réalisées par
les trois compères sont hallucinantes de virtuosité
et de musicalité.
A noter une idée amusante. La
moitié des compositions sont en fait une relecture de grands
standards. Mais au lieu de rejouer le thème, c'est la grille
qui est conservée et un autre thème, généralement
d'inspiration be-bop, est composé par dessus. Les titres
ne manquent pas d'humour comme cette relecture du standard "Have
you met miss Jones" transformé pour
l'occasion en "Have you met Tom Jones" dont l'intro vous
rappellera sans
doute un des vieux tubes du chanteur.
Pour conclure ce qui me restera de
cette magnifique soirée est la vision d'un guitariste très
cool sur scène, réalisant des choses incroyables avec
une facilité déconcertante (ses sweepings inversé
à la triple croche m'empêchent de trouver le sommeil
!) et toujours avec le sourire aux lèvres. Ceci est valable
pour les trois d'ailleurs, c'est un régal de voir jouer des
musiciens qui prennent plaisir à jouer. Et quand la musique
est là que demander de plus. Que vous soyez guitariste ou
pas, écoutez cet album et peut-être pourrez vous découvrir
ce grand musicien.
Fred Kakon le 12/03/2006
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