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Attention,
ce disque renferme des sentiments, forts, doux, violents contradictoires
donc, humains.
Ils sont portés par cette furie qui vous fixe depuis sa pochette,
Ina-Ich respire les emmerdes.
Cette jolie fille bâillonnée, mains liées qui vous fixe, dégage
un sentiment de danger, il est clair qu'avec elle, il ne faut pas
s'arrêter à la surface des choses.
Tant mieux.
Les textes, en français sont beaux, durs, lucides, aimants, haineux.
Vécus ?
L'impression qui se dégage de ce disque peut varier en fonction
de ce que vous êtes ou, qui vous êtes.
Ce disque va réveiller un écho familier auprès de tous ceux et celles
issus d'une culture différente, ceux qui ont vécu le paradoxe de
grandir dans un pays en étant élevé par des parents restés attachés
à des valeurs qui ne peuvent pas entièrement être les leurs. Les
autres auront parfois un sentiment de malaise voir, d'incompréhension
mais en tout cas, pas d'indifférence.
Cet amour / haine / douleur / bonheur se reflète tout au long du
disque. Ina-Ich n'est pas tendre, avec personne, tous ceux
qui ont des préjugés prennent un grand coup de botte dans la tronche
en plus, elle a une vraie conscience, écorchée vive ? Affirmatif.
Ame armée ouvre ce disque, ce titre à lui seul résume
le côté brillant de son intellect et la sensibilité de son coeur.
L'histoire est celle de deux hommes, soldats, dans des camps opposés,
humains avant tout se trouvant au milieu d'une situation dans laquelle
ils ne veulent pas être, obligés de se comporter en soldats seulement
voilà… L'un pleure devant le chagrin que lui procure l'acte de tuer
l'autre mais hésitant, se rend compte que l'autre vient de le tuer.
Terrifiant et encore, je ne vous pas dit que la musique l'accompagnant
est la hauteur de son texte, ambiance gratte punchy, synthés pour
faire monter la pression et cette voix, susurrante, affirmée, hurlante,
glaciale mais…si belle.
Pas le temps de réfléchir, Seul prend la relève, synthé
technoïde résonnant comme un cri, regard porté sur une personne
ayant sombré, malheureuse, cherchant une sortie mais voyant ses
propres démons la lui barrer cette sortie et, Ina-Ich
étant là, de l'autre côté de cette échappatoire lui hurlant de faire
face, de venir / d'être seul.
Encore une fois, l'ambiance dans la laquelle baigne ce titre, cette
voix passant du murmure au hurlement me renvoie à l'image du bonheur
intense que l'on doit ressentir…entre deux coups de fouet.
Le titre qui suit touche au viscéral, à l'amour / haine qu'elle
chante il se nomme Libre comme l'air, elle s'adresse
dans le texte, à des / ses " parents ". Le père ouvre le
bal, elle lui dit comprendre qu'il a tout quitté, famille biens
pour qu'elle puisse vivre libre comme l'air mais cette fille est
tranchante alors au passage elle fait aussi remarquer qu'il vit
enchaîné à ses souvenirs.
La mère vient, là encore Ina-Ich ou quel que ce soit
son vrai nom, semble la dépeindre avec tendresse, expliquant les
regrets générés par une guère fratricide l'ayant transformée en
étrangère dans son propre pays, la poussant à le quitter afin de
pouvoir survivre libre...comme l'eau dans un verre.
Cruel ?
Non, Ina-Ich chante sa douleur, celle de comprendre
le prix de cette liberté, elle dit à " son père " qu'elle
fera de son mieux pour ne pas baisser les bras, à "sa mère "
que les frontières, c'est dans les yeux des autres qu'elle les voit.
Ina-Ich porte en elle les souffrances de ses " parents
" ne veut pas de cette douleur, voudrait grandir sans avoir à se
protéger.
Il émane un amour intense de cette chanson, s'en est presque brûlant,
cette fille est incroyable tant d'émotions…Comprendra t'elle ce
que tous les déracinés savent déjà ? La liberté à un prix.
Le train est la chanson métaphorique par excellence, l'amour
est exclus de ce titre mélancolique, c'est une diatribe sans fin
autour du leitmotiv "qu'as-tu fait de toi / que fais tu de toi".
Et cette voix, toujours cette incroyable façon de chanter. Ouch.
Belle Asiatique respire le vécu. La haine aussi. Celle là,
elle est pour tous ceux pour qui une asiatique est une asiatique,
une poupée, un objet sexuel mais au-delà l'assimilation est encore
plus condamnée, ne pas savoir reconnaître une cuisine plutôt qu'une
autre, un aliment plutôt qu'un autre. Elle hurle sa haine.
Là pourtant, je suis perplexe, vraiment car si d'une façon générale
pour un caucasien, une asiatique est une asiatique, pour un asiatique,
un caucasien est un caucasien. Cela ne justifie sans doute rien
mais, à l'occasion, je veux bien qu'elle m'explique ce qui en apparence,
la rend si féroce.
Crache est l'histoire d'une rupture, une fille se fait jeter
par son mec du coup elle est toute haine, Ina-Ich
lui hurle de cracher cette haine, de ramasser son coeur. Elle ne
semble pas connaître la douceur cette furie, il n'y en a pas dans
cette chanson, c'est cru à un degré invraisemblable " crache,
crache, l'amour qui hurle en toi/ne le laisse pas pourrir parce
qu'un jour on dit/ dégage, dégage ton cul n'm'interese pas/ ramasse
ton coeur un jour il servira " et pourtant, c'est sur ce titre
que l'on peut entrevoir que cette haine ces mots durs comme un pain
dans la tronche semblent être, une armure.
Le titre suivant débute toutes guitares dehors, il s'agit d'un poème
doux et tendre dédié au soleil qui se lève…Bon allez, je déconne.
Il s'agit d'un titre presque dansant si ce n'était cette voix qui
hurle souvent son désarroi à l'encontre d'une personne " parfaite
". Le titre ? Parfait. Écoutez ces accords de fin.
A partir de Mon Empire le disque s'adoucit, pas dans les
textes mais, la musique est plus fouillée, Ina-Ich
chante divinement bien sur ce titre, elle est enchanteresse. L'impression
ressentie à l'écoute de ce titre est que la descente à donf de l'infernale
montagne russe est finie, là, on est sur des virages qui nous ramènent
à bon port.
Cela fait du bien et sa voix, est très, très belle.
Aime moi prend le relais, accords de piano, voix douce malgré
des mots qui, si ils chantent un amour le font de façon absolue.
Elle chante vouloir être aimée, Ina-Ich est envoûtante.
Cette fille fait peur. Vous pensez que j'exagère ? Écoutez Belle
O Scalpel cette histoire dune femme qui succombe / a succombé,
se meurt / est morte, est là / n'est plus qu'une ombre.
Ce qui est dingue, c'est que tout cela est d'une beauté absolue,
sombre, glaciale mais, fascinante .
Ce disque ne pouvait finir que sur une histoire de regrets, Sale
Crapaud est celui exprimé par une femme qui ayant été belle,
se voit vieillir et se trouve a la croisée des chemins, la première
route conduit au scalpel la seconde, à l'acceptation de l'inévitable.
Fini.
Ce disque est tout sauf anodin, banal, il en est tout le contraire,
marqué par une forte personnalité, dérangeant car direct, cru, glacé
par moments brûlant par d'autres. J'espère qu'elle n'a pas tout
donné car ce disque contient tellement que l'on peut le redouter.
Il me reste deux choses à faire, la voir sur scène et, la rencontrer.
Ricardo le 10/11/2007
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