Pendant que certains s'évertuent
à compresser les basses, synthétiser les guitares
et "bpmiser" les rythmiques, parfois avec bonheur souvent
dans le vide, d'autres armés de leur guitare, de leur voix
et de leurs textes creusent inlassablement le sillon du jardin humain.
Ils le creusent avec l'amour et le désespoir du vécu,
essayant tant bien que mal d'y faire pousser le meilleur de nos
misérables vies. Michael de Jong est de ceux-la. Né
en 1945 en France, d'une mère française et d'un père
hollandais, il émigrera très jeune en Hollande puis
aux Etats-Unis en 1950. Il sera un grand guitariste dans l'ombre
des grands (Jerry Garcia/Albert Collins/Paul Butterfield/Albert
king
) et surtout le guitariste du groupe de Jerry Reed.
C'est d'ailleurs lui qui découvrira son corps lors de sa
mort en 1976.
Il en garde des traces :
"La nuit dernière, j'ai eu une vision étrange.
Le fantôme de Jerry Reed vint vers moi et me dit : 'Fils,
ton travail ici est terminé. Maintenant, il est temps de
me rejoindre'", nous chante-t-il dans Dear Theo. Juste
histoire de donner le ton de ce 6ème album.
Pas gai coté textes. Revenu de tout (drogues/alcool/prison),
et dans quel état "La prison de mon esprit n'a qu'une
seule clé, si j'étais honnête avec moi-même,
je serais libre", Michael est un fin (et terrifiant) chroniqueur
de notre monde en chute libre : solitude, chômage, manque
d'amour, suicide, alcoolisme. Plus d'un siècle après,
Germinal reste d'actualité.
Michael de Jong chante tout cela comme personne. C'est du sincère,
vécu, jamais gratuit pour l'auditeur "Cherchant ou
cacher la vérité dans chaque chanson" (Juliet
on the boulevard) Il appuie la ou ça fait mal : les faux-rapports
humains de notre société "les gens changent
d'amis comme de cravate", les laissés pour compte
du progrès "Cette partie de la cité est devenu
un pays du tiers monde
Seulement au moment des élections,
les politiciens descendent ici. On va tout changer ! Et puis, tout
va de pire en pire, jour après jour" extrait de
Park bench serenade qui ouvre l'album de façon magistrale.
Prenez 6 minutes pour écouter et lire le terrifiant "Silent
Drinker". Cette femme qui ne supporte plus son mari devenu
alcoolique depuis qu'il est au chômage. Glaçant de
déprime et de poésie.
Sobrement
épaulé par une basse mélancolique, des percussions,
parfois une batterie, discrètes (sauf pour Juliet on the
boulevard, seul morceau de groupe, un peu péchu), Michael
extrait de sa guitare de radieux accompagnements (c'est un très
grand de ce coté la, croyez moi), entre blues et folk. Le
son de l'instrument est fidèlement capté, le rendu
est très naturel et profond.
Et cette voix qui vous hypnotise. Parfois râle, rauque et
claire en même temps, on se perd en comparaison. Ce qu'il
y a de sur, c'est que sa beauté ne vous ne lâchera
plus. La preuve en est de la superbe mélodie de "Time
will pass like rain". Cette voix illumine ces chansons folk/blues
voire carrément soul (Waiting for the rainbow à en
faire revenir Otis Redding par le prochain Concorde). On pense souvent
à un Vic Chestnutt (autre décalé notoire) mâtiné
de Dylan, l'ensemble plongé dans la soul, et parfois, bizarrement,
on retrouve les intonations graves de la Tina Turner du début,
quand elle était encore une écorchée vive.
Bien sur, pour chanter tout cela, pas
question de rester dans le format calibré des radios. Sept
morceaux sur les dix dépassent les 6 minutes, avec en prime
un final grandiose à 13'15 se terminant sur cet ahurissant
constat "Mon père est mort en 94. J'ai passé
toutes ces années à essayer de lui prouver que je
faisais un boulot normal. Il avait une telle manière de me
dire : Fils, il n'est jamais trop tard pour changer".
Mais 8 minutes chez Michael de Jong, ce n'est jamais lassant ni
ennuyeux, comme peuvent l'être 15 secondes d'Obispo ou la
simple vue d'un homme politique.
C'est mélodique et poétique. Beau comme un "un
ciel peint par Vermeer, avec des couleurs que tu ne peux même
pas nommer".
JPH
Contact presse : claude.fairplay@wanadoo.fr
(munich records production info@murencl.com / www.munichrecords.com)
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