Pour son 8ème album, enregistré dans l'Ouest de Londres
et coproduit avec Flood et John Parish, qui ont aussi travaillé
sur To Bring You My Love (1995) et Is This Desire ? (1998) (tous
deux nominés aux Grammy Awards), PJ Harvey a également
fait appel à la collaboration du pianiste Eric Drew Feldman
et de Jim White (des Dirty Three).
Le premier single, Under Ether, sorti le 17 septembre est annonciateur
de l'atmosphère de l'album. La composition de ce dernier,
entièrement au piano, alors que Polly Jean est nettement
plus familière de la guitare électrique, a permis,
selon elle, de débrider sa créativité ; à
ce sujet, elle a d'ailleurs déclaré " the great
thing about learning a new instrument from scratch is that it
liberates your imagination " (" ce qu'il y a de génial
quand on apprend un tout nouvel instrument, c'est que
cela
libère votre imagination ").
Exit donc les
grosses guitares et les hurlements rageurs, exit la femme guerrière
et presque masculine, dans White Chalk, PJ ose la fragilité,
je dirais même qu'elle ose la nudité.
Dès le
premier titre The Devil, on est plongé dans une écoute
religieuse de ce nouvel opus à l'univers à la fois
grave et mystérieux que lui confèrent le choix des
instruments, la production et un registre vocal inhabituel pour
la chanteuse.
Le choix des
instruments est effectivement surprenant : uniquement acoustiques,
ils vont du piano, bien sûr, à la harpe, en passant
par le violon ou l'harmonica et nous plongent dans une atmosphère
vieillotte et austère, en phase avec la photo de la couverture
de l'album où PJ Harvey adopte un style victorien, en rupture
totale avec son look des albums précédents.
Ce choix est souligné par l'enregistrement pur et la production
dépouillée (et cependant d'une rare subtilité)
qui finissent de parfaire l'ambiance intime de cet album : on entend
les touches du piano s'enfoncer et taper les cordes (notamment sur
Under Ether), le bois des instruments travailler
en fermant
les yeux, on peut les voir clairement, dans un décor de vieille
maison et de lumière mystique, comme dans un film de Tim
Burton ou dans une nouvelle d'Edgar Poe.
Rien n'est superflu, et c'est l'essence même des instruments
qui s'exprime, ce sont leurs matériaux qui nous parlent et
nous racontent des histoires de fantômes et d'esprits.
En outre, si
les textes de White Chalk demeurent dans le registre habituel, sombre
et inquiétant, PJ Harvey nous offre une voix différente,
elle chante dans une tonalité nouvelle, au-dessus de celle
à laquelle elle nous a habitués et avec un timbre
fluet d'une inconsistance diaphane ; son chant frisant occasionnellement
la fausse note (notamment sur To Talk to You) souligne les mélodies
parfois dissonantes mais toujours sublimes et l'univers étrange
de ces compositions, entre rêve et conte fantastique. PJ nous
gratifie tout de même de quelques hurlements fous sur les
dernières secondes du dernier morceau, Mountain, sur fond
d'harmoniques parcimonieusement saupoudrées. Une délicieuse
apothéose !
Tout au long
de l'album, on se rend compte du niveau de maturité atteint
par l'artiste : tous les morceaux sont exécutés avec
un grand raffinement, ils sont intenses mais n'oublient pas de respirer,
l'usage des nuances, des crescendo et decrescendo, des silences,
dans le jeu des instruments comme dans la voix est parfait, tout
est subtilement dosé.
Un album sublime,
pas forcément accessible au grand public, mais cela n'est-il
pas parfois un gage de qualité ?
Christine Moussot,
19/09/2007
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