Deuxième
album pour cet ex-Crash Test Dummies, profondément
ancré dans le Sud profond des Etats unis, et qui s'autorise
d'incessants allers et retours entre une tradition totalement maîtrisée
et une furieuse modernité. Car loin de se contenter d'invoquer
les fantômes du passé et se complaire dans une consciencieuse
leçon bien répétée, le gaillard fait
sien un style qui a été suffisamment galvaudé
pour qu'on ne se méfie à la première approche.
On ne saurait, pour les sceptiques , conseiller de se fier à
la pochette qui confère à notre homme un côté
gentleman, sachant choisir avec soin des costards dont on devine
sous une coupe austère un tissu confortable, doublé
d'un micro vintage (les puristes apprécieront) et d'un harmonica
en bouche. Le pire, ou le meilleur, selon du côté de
la paille où l'on se trouve est que tout est là. Il
n' y aura rien d'autre dans cet album qu'un harmonica, un costard
et une voix. Et un bon millier de tout ce que peut charrier les
eaux troubles du Mississipi.
En vrai bluesman, Son of Dave fait de son instrument le prolongement
de son corps et de sa voix, une extension naturelle évoquant
tour à tour Stagger Lee, les deux tombes de Robert Johnson
et tous les mythes d'une Amérique rurale et profonde,
perdue ou tout au moins oubliée. Rien que les quelques reprises
de l'album ( Crossroads blues, Devil take my soul et Mannish
Boy) en disent suffisamment long sur ses racines et son jardin
secret pour y accorder plus qu'une oreille. De la voix et un harmonica
donc, mais une voix travaillée à l'aune de la modernité,
balançant des phrasés beat box et des complaintes
à l'avenant, un harmonica samplé, en sentences courtes
et répétitives, en riffs. On plonge ainsi dans les
flots boueux du grand fleuve, on se laisse porter par le courant
et on croise ici ou là Muddy Waters, les fantômes
d'Elmore James et de Sonny Boy Williamson. Au carrefour,
on rencontre bien sûr comme dans la légende le démon
en la personne de Martina Topley Bird, l'égérie
de Tricky, qui envoûte et transfigure littéralement
le bien nommé "Devil take my soul", titre
imparable et single en diable (forcément). Après le
regretté R.L. Burnside dont les derniers albums prouvaient
qu'on peut toujours faire évoluer une musique ancestrale,
Son of Dave propulse le blues dans le monde d'aujourd'hui, un blues
économe, respectueux et épuré à l'os,
qui retrouve dans ce traitement actuel toute sa force et sa grandeur.
Stephane
Andrieu le 20/07/2006
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