Steeple
Remove sort ces jours ci son deuxième album, après
un premier essai dans l'écurie Sordide Sentimental,
dont les prises de position (artistiques s'entend) ont contribué
au statut envié de label culte. Dans la sphère indépendante
où l'on sait fort bien ce que demain peut recouvrir d'aléatoire,
ce genre de reconnaissance vaut certainement plus qu'un bon pied
de biche pour ouvrir des portes récalcitrantes. Sortant sur
le label 3rd side, Radio silence ressemble à
un échafaudage sonique qui tourne volontairement le dos à
un rock à guitares comme on le croise depuis quelques années
chez Strokes / Libertines et autres Franz Ferdinand,
délaisse les influences désormais convenues (y compris
pour cette scène rock française qui ne dépasse
pas le périf' parisisen) des Jam et Kinks pour
aller creuser le terreau des grands bâtisseurs sonores de
Can à Sonic Youth. Deux guitares, une à
droite, l'autre à gauche, dans la plus pure tradition, se
lancent en piqué dans des figures de contorsionniste, dérapent,
se croisent et se rattrapent, creusant dans le sillon une succession
de couches avec des harmoniques en clé de voûte, sur
un feed back énorme. Les morceaux se construisent ainsi en
couches successives, bien plaquées les unes sur les autres,
privilégiant rarement un des instruments au dépit
de l'ensemble, mais contribuant à donner l'impression d'une
musique en mouvement. Retour donc à un son comme on ne l'avait
plus croisé en France depuis les années 90 et la scène
bruitiste, Drive blind, Cut the Navel String, Prohibition
et autres Bastard, et qui faisait écho à la
scène anglo saxonne, My bloody valentine en tête.
Retour aussi à des influences souterraines sous le sceau
du psychédélisme, du Floyd aux Stooges
( la guitare lancinante d'hyperprism piquée à Tv eye),
avec des sons épais et granuleux au possible. Des claviers
lysergiques bien d'époque (bannissons ici le mot " émulateur
") participent à ce grand raout cosmique et permettent
au groupe de s'aventurer sur des terrains plus pop (" infinity
net ", " desorient express "), une pop dansante,
planante ou apaisée, parfois sous la coupe de climats glacés,
et qu'on rapprochera de Gainsbourg ou de ses héritiers
revendiqués (Bijou, Taxi girl, Air).
En sachant changer au besoin son fusil d'épaule, Steeple
remove évite de tomber dans le piège du tout bruitiste
monolithique pour aérer finement son propos en alternant
morceaux rageurs et plages plus tranquilles, évitant ainsi
de lasser son auditoire, et demandant du même coup d'avantage
d'attention . De cet album, le morceau " Desorient express
", petite perle electro pop noise énervée pourrait
bien devenir un single séduisant, réconciliant en
un seul titre la plupart des climats rencontrés .
- http://www.steepleremove.com/
Stephane
Andrieu le 20/08/2006
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