Qui n'a jamais entendu parler de la très spéciale Tori Amos....?
Parmi les artistes féminines que l'on apprécie particulièrement pour leur grande sensibilité et la sincérité de leurs paroles, figure clairement la belle et mystérieuse Tori Amos qui en 1992 bouleversait une génération entière de jeunes femmes (dont Alanis Morissette qui dira plus tard avoir fondu en larmes et ressenti un profond déclic en écoutant sa musique) avec son superbe premier album Little Earthquakes. Dans un style ni pleurnichard ni rancunier, la jeune Tori nous parlait alors de ses souvenirs d'enfance, de sa condition de femme travaillée par ses doutes, ses traumatismes et ses sentiments, et des chansons telles que Silent All These Years, Winter ou l'insoutenable Me And A Gun sont restées des merveilles du genre.
Assise au piano et laissant parler son coeur avec brio et naturel, se sont ses mélodies qui nous berçaient et nous attendrissaient au fil des mots, et on la suivait sans peine jusqu'au bout de ses chansons et de ses mélodies.
L'apogée de son talent (mais peut être aussi de son style triste et mélancolique) viendra quelques années plus tard avec le somptueux Under The Pink, qui est peut être son album le plus abouti mélodieusement et où son piano occupe autant d'importance que sa voix, où chaque note nous fait frémir autant que chaque mot.....et une fois de plus, certaines chansons marquent l'album, telles que Pretty Good Year, Past The Mission ou encore le très émouvant Bells For Her, laissent clairement une cicatrice indélébile sur le coeur.
Puis au fil du temps, son style s'assombrit et devient aussi un peu plus expérimental, le piano est toujours là mais d'autres instruments font leur apparition, et From The Choirgirl Hotel avait surpris par sa noirceur et le « bruit » autour du piano et de la voix. Le bizarre Spark dont la vidéo montrait Tori s'échappant du coffre d'une voiture dans lequel elle avait manifestement été séquestrée, en pleine forêt, les yeux bandés, poignets liés et pieds en sang....Là encore on sent qu'il y a du génie dans la création, et même si les mélodies se ressemblent, on est sous le charme, et l'album contient d'autres perles de noirceur allant de Jackie's Strength à Northern Lad, en passant par Cruel et Black Dove.
En sortant de cet album on avait nous aussi l'impression d'avoir été séquestrés émotionnellement, et la belle Tori Amos avait clairement laissé son empreinte une fois de plus....
Du coup, en entendant parler de la sortie de son dernier album Abnormally Attracted To Sin, j'étais assez impatiente de me faire retourner le coeur une fois de plus par son coup de griffe, mais...
Malheureusement le coup n'est jamais vraiment parti, et j'ai le coeur toujours entier....
Zut alors, Tori mais qu'est ce qui se passe??!!
Prenons donc un peu de distance en essayant de ne pas non plus tout renier en bloc du premier coup. Ce qui frappe tout d'abord dans ce nouvel album, c'est la recherche artistique de la pochette et des photos, et c'est ainsi dans un tout nouvel univers que la belle nous emmène cette fois-ci, au sein duquel l'aspect esthétique occupe une place prédominante. En effet, notre chère Tori pose dans des robes toutes plus racoleuses et ambigües les unes que les autres, dans plusieurs chambres d'un grand hôtel de style Victorien, tour à tour avec dans les mains, un petit poignard, un fouet en cuir noir ou une paire de gants dorés....ouh la la, ça sent le pêché de luxe à l'état pur, et on comprend mieux le lien avec le titre de l'album.....et dès la première chanson le ton est effectivement donné: « So you heard I crossed over the line; do I have regrets? Well not yet; there are some who give blood, I give love ». La chanson est lente et lancinante, et c'est en écoutant ensuite Welcome To England que l'on retrouve un peu de la Tori Amos que l'on connaît.
Au fil de l'album on comprend donc qu'au lieu d'explorer les méandres de son âme, la belle se met dans les bottes de femmes différentes, dominées ou dominatrices, désespérées ou pleine d'espoir, mais toutes plus ou moins victimes de préjugés, qu'ils soit politiques, moraux ou religieux.
Le très beau titre Ophelia nous serre aussi un peu la gorge, et Tori Amos dira de cette chanson qu' « il s'agit de choisir d'être avec quelqu'un qui vous manque de respect et vous mésestime. Ce qui nous conduit droit vers ce que le pêché signifie. Qu'est ce que le pêché? Ce n'est pas ce que me dit l'église qui est pêché, mais moi-même qui me rabaisse ou quelqu'un qui tente de me rabaisser et moi qui le laisse faire. Nous, en tant que femmes, pouvons choisir d'échapper à beaucoup de situations qui nous entourent, mais il semble que nous ne fassions pas ce choix, et je me demande sans cesse pourquoi. Je me demande ce que nous, qui appartenons à une génération de femmes plus âgées, n'avons pas fait? Qui aurait pu croire que nous aurions régressé jusqu'à un tel point....? »
Et c'est après avoir lu ce commentaire que l'on comprend mieux où veut en venir Tori Amos dans cet album si particulier. Elle s'interroge sur le pêché en général, sur les préjugés et les pressions que l'on subit au quotidien et qui nous paralysent alors que tout pêché est bien sûr naturellement humain ... Et dans pratiquement chaque titre, la belle met en scène un personnage et nous montre sa souffrance. Ainsi, dans le très émouvant Maybe California,elle nous fait partager une conversation entre elle et une femme au bord du suicide, et tente de la réconforter:
« so let’s be strong for you and me, the night is opening
Our angels are falling and they will warm us
She asked right now? right here?
I’m feeling soon, soon my dear »
D'autres titres tels que Curtain Call ou That Guy restent clairement dans cet optique, mais il y a aussi d'autres titres un peu plus joyeux tels que Not Dying Today où la belle nous parle un peu de sa vie « on tour », où encore Mary Jane dont je vous laisse découvrir l'humour particulier de la jeune maman....!!!!!
Comme vous vous en douterez donc, la version deluxe est superbement soignée, le livret est très beau avec une série de superbes clichés signés Karen Collins, dont le travail à la fois froid mais glamour permet à Tori Amos de matérialiser son génie et de sublimer ses pensées.
Cette version contient également un dvd où 16 des 17 titres sont accompagnés de vidéos clips. Mais là encore il y a un léger bémol, car si certaines vidéos collent parfaitement aux chansons et aux personnages, on tourne un peu en rond au fur et à mesure des titres qui défilent, et l'on regrette un peu que la mise en scène s'essouffle petit à petit....Cela permet en revanche à Tori Amos de se glisser dans la peau de dizaines de femmes différentes, avec des centaines de robes et de coiffures toutes plus particulières les unes que les autres.....avec malgré tout des talons aiguilles et un parapluie comme accessoires récurrents.....Allez donc savoir ce qui se passe vraiment dans son esprit torturé....!
Je reste donc partagée sur cet album tellement spécial, à la fois esthétiquement très abouti mais mélodieusement un peu essoufflé et à mon sens, un peu moins beau que les précédents. La voix de Tori Amos a en revanche clairement mûri, elle chante de mieux en mieux et possède une maîtrise totale de chacune de ses notes et de son souffle. Certaines chansons sont très touchantes, d'autres sont malheureusement un peu trop longues et répétitives...bref, on l'a quand même sentie plus inspirée par le passé, et l'on regrette un peu l'époque des ses débuts où elle nous parlait d'elle même quitte à avoir une esthétique graphique moins travaillée.....
Peut être faut-il écouter cet album sur le long terme afin de pouvoir pleinement l'apprécier; c'est parfois plusieurs années après leur sortie que certains albums trouvent leur charme et leur public.....
Anna, juin 2009 |