Chez Harmonia mundi, le chant du monde a édité un tres bel album dédié à la musique de Django Reinhardt interprétée par ce grand guitariste qu'est Raphael Fays. Ce disque est particulièrement interressant car Raphael, bien qu'ayant travaillé très tôt cette musique grâce à son pére Louis Fays lui-même guitariste qui faisait les bals avec André Verchuren en 50/60, a voyagé musicalement vers d'autres horizons guitaristiques.
Issu de la communauté mânouche, Louis a tout d'abord fait découvrir la musique à Raphael de manière orale, comme c'est la tradition pour développer l'oreille lors des réunions de famille, ou Raphael découvre les fameux standards swings joués par les cousins, il a 5/6 ans.
En grandissant un peu, Raphael insiste pour que son pére lui délivre quelques secrets afin de pouvoir se lancer lui-même dans des tentatives d'improvisations. Et c'est ainsi vers 12/13 ans qu'il s'initie au travail d'arpèges des accords majeurs, mineurs, septiemes et diminués.
Si Louis est fier des progrès de son fils, il comprend aussi que cette musique, n'ayant pas le succés à cette époque qu'elle a maintenant, doit être travaillée de manière beaucoup plus classique. Louis lui-même ne sachant pas lire la musique, souhaite que si Raphael veut faire le métier, il lui faudra "savoir lire la musique".
Ainsi, dés 72, Raphael découvre le travail de l'instrument à l'Académie de Guitare de Paris où il y entreprendra une étude poussée de la guitare classique au travers des ouvres de Carulli, Carcassi..
Agé d'à peine 16 ans, Raphael se fera repérer des grands médias qui le réveleront au grand public en tant "qu'interprete prodige" de ce jazz qu'on commence à appeller Jazz Mânouche, et qui commence à intéresser un certain public, et qui était jusqu'à présent joué uniquement dans certains endroits comme quelques bars des puces de St. Ouen.
Indépendament de ce succés naissant, Raphael lorgne sur un certain Paco de Lucia qui lui laisse entendre un flamenco qu'il affectionnera instantanément.
La rencontre entre les 2 hommes se fera en 87 et il faut s'imaginer combien cette rencontre est importante pour Raphael. Et là, il est important de fouiller dans le catalogue "le Chant du Monde" pour y découvrir les magnifiques interprétations qu'a pu faire Raphael Fays dans des albums comme "Andalucia".
D'ailleurs, Denis Roger qui a préfacé l'album d'un texte particulièrement bien documenté y a écrit ceci :
..."Le fait de ne pas se consacrer exclusivement au jazz de Django, ni de tomber dans le piége des courants ou des styles éphémères que les modes génèrent décennies apres décennies, conférent à l'art de Raphael son caractére intemporel et universel. En marge de tous "les milieux", débarrasé de tous liens contractuels aliénants, riche de toutes ses pratiques et de toutes ses experiences, Raphael est désormais un artiste libre et accompli dont chacune des apparitions ou des manifestations sont autant de moments d'une intensité précieuse....".
Et dans cet album présenté ici, Raphael ne joue que des compositions de Django Reinhardt, certaines écrites avec Stephane Grappelli.
Les musiciens qui apportent leurs compétences autour de Raphael Fays sont des gens bien connus de ce Swing Mânouche à la rythmique si précise.
A la pompe, on y trouve Ramon Galan, Sammy Daussat, et René-Charles Mallet. A la contrebasse, Jean Claude Beneteau, José Palomo aux percussions. Le violon de Laurent Zeller viendra mettre une très jolie touche latine sur une version de "Douce Ambiance".
Il faut aussi préciser que Raphael joue ici sur sa guitare corde nylon qu'il utilise maintenant sur pratiquement toute sa musique, avec son médiator fermement tenu dans sa main droite fermée, technique qui lui est propre même en flamenco.
Magnifique travail de groupe sur les compos de Django.......
Daniel Aubry - Octobre 2010 |