"Il y a bien longtemps, à la fin d'un concert, un enfant qui ne devait pas avoir plus de six ans m'a posé une question qui m'a fait sourire : « Elle parle en quelle langue ta guitare ? » Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la phrase "l'Argentin est un Italien qui parle espagnol, pense en français et reste profondément persuadé d'être Anglais", elle-même faisant écho au dicton qui dit que tandis que les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas et les Colombiens des Mayas, nous, les Argentins, nous descendons du bateau.
Tout Argentin qui se respecte est un "Européen en exil" comme aimait à nous définir Jorge Luis Borges. De fait, je rêve en castillan, français, anglais et, bien que plus rarement, en allemand.
Ma guitare est polyglotte aussi. A l'image du tango, ouverte aux influences extérieures, parce que certaine de ses origines incertaines. Lorsqu'elle s'exprime en solo, elle parcourt notre histoire commune, elle choisit un répertoire hétéroclite allant des ballades anglaises du XVIe siècle à quelques standards de jazz ou de tango, sans oublier les Beatles, sans qui elle et moi nous ne nous serions probablement pas rencontrés.
J'ai mis plus de cinq décennies avant d'aborder la scène dans cette intimité qu'est la nôtre, celle de ma guitare et moi. Précisément en choisissant de jouer ces musiques qui nous ont émus et accompagnés pendant toutes ces années, elle et moi."
Tomás Gubitsch
|