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DOSSIERS LUTHIERS - BOUCHER 1 èRE PARTIE - REPORTAGE GUITARES BOUCHER - LA TABLE D'HARMONIE

  
1ère partie - AVANT-PROPOS
 
Certaines des rencontres que j'ai pu faire depuis 1999 avec les luthiers ont été pour moi des moments forts, décisifs parfois, comme ma première rencontre avec le luthier Alain Quéguiner qui fut le point de départ de mon aventure avec laguitare.com et la lutherie guitare. Je n'ai cessé depuis de découvrir des artisans de talents issus des quatre coins de la France...

Mon voyage au Canada cet été 2007 au salon de la guitare de Montréal et au SIMMM a été pour moi l'occasion de découvrir de nouveaux luthiers, d'élargir mes connaissances sur d'autres méthodes de fabrication et surtout d'entendre et de jouer de magnifiques instruments.

Parmi ces rencontres, il y eu Claude Boucher mais avant lui son cousin (associé et apprenti) Robin Boucher. Invité à réaliser un reportage à l'issu du salon de Montréal dans leur atelier situé à Berthier-sur-mer dans le sud-est du Canada, j'avais en tête une question : pourquoi les guitares Boucher n'étaient elles pas présentes au Salon de la guitare de Montréal mais au SIMMM (salon de la musique de Montréal) ?

La réponse m'a été donné par le fondateur et directeur du salon : Jacques-André Dupont. Il souhaitait pour cette première édition du salon de Montréal mettre en valeur les maîtres luthiers artisans qui réalisent une petite production annuelle (10 à 14 guitares par an). Les guitares Boucher, c'est en effet, 450 guitares par an qui sortent de l'atelier mais quelle ne fut pas ma surprise de constater que cette production n'était pas industrielle ou même semi-industrielle mais totalement manuelle, réalisée par le luthier Claude Boucher assité d'une équipe de 7 personnes. J'ai donc essayé d'observer le travail de chacune de ces personnes afin de savoir quels étaient les étapes et décisions suivies et prises par le luthier et celles par l'employé ou l'apprenti. Je me suis alors rendu compte que le regard de Claude était présent lors de chaque étape décisive. Dans le cas de cet atelier et de l'organisation au sein de l'équipe, c'est comme si il y avait un luthier avec sept pairs de bras supplémentaires. Chacun des employés a sa tâche propre et les gestes de chacun suivent scrupuleusement l'enseignement que Claude leur a donné.

Je profite de cette parenthèse pour introduire ici une première polémique car elle pose le débat sur la lutherie artisanale et industrielle et sur le terme "maître luthier"...

En France par exemple, peut on dire que Lag et Vigier sont des luthiers artisans ? La production annuelle des guitares de Maurice Dupont est elle le fruit à 100% de son propre et unique travail ? Quelle est la frontière entre lutherie artisanale, semi-industrielle et industrielle ? Un luthier seul utilisant des machines numériques est il un maître luthier ? une guitare qui sort d'un atelier où toute une équipe assiste le luthier dans son travail, a t'elle la même valeur que celle réalisée par une seule et même personne ?

Avant de rentrer dans l'atelier de Claude Boucher, je n'avais pas de réponses précises à toutes ces questions. Après trois jours passés à "la shop" (atelier), mes doutes avaient disparus concernant la valeur du travail fournit pour réaliser une guitare Boucher. Tout est réalisé à la main : de la découpe de l'arbre à la pose des frettes par une équipe qui suit à la lettre les exigences de Claude Boucher. Il intervient systématiquement à chaque étape cruciale de l'élaboration de l'instrument. Aucune guitare ne sera montée sans qu'elle ne soit passée entre ses mains, ses yeux et ses oreilles. Alors "oui", Claude Boucher est un maître luthier, "oui" chacune des guitares qui sort de son atelier est une guitare Claude Boucher, avec ses spécifications sonores propres et que l'on retrouve sur chaque modèle - pour avoir testé plus de 10 modèles différents, je peux vous le confirmer. Et enfin, oui la production de l'atelier ne permet pas à Claude Boucher d'être considéré comme un artisan luthier produisant une petite quantité annuelle.

Si j'ai en effet trouvé ces réponses concernant les guitares Boucher, il me faudra avoir la même démarche d'observation des modes de fabrication dans chaque atelier pour chaque luthier que je visiterai.

Fermons cette parenthèse et si vous souhaitez réagir à mes propos, je vous invite à en débattre sur notre forum : lien forum.

Avant de continuer plus loin il est nécessaire de retracer l'histoire des guitares Boucher car c'est une vraie entreprise familiale qui commença avec Normand Boucher, le père de Claude.
 
HISTORIQUE
 
Créé en 1968 par Normand Boucher sous le nom de "Les guitares Normand enrg", le design des instruments au départ, se base sur les guitares Martin à certains égards, avec un barrage en X sous la table d'harmonie et une forme de caisse de type " dreadnought ". Par contre, la fixation du manche est unique, elle est boulonnée et sans talon. Un nouveau concept, à l'avant garde et un système très efficace pour contrôler l'ajustement du manche de l'instrument. Le but premier de Normand Boucher fut de produire une guitare de qualité à prix abordable en utilisant en grande partie les meilleures ressources locales de bois.
En 1972, la compagnie s'incorpore sous le nom de " Les guitares Norman Inc. " et le luthier offre la distribution de ses produits à M. Robert Godin.
La compagnie au fil des ans s'est diversifiée en concevant et en produisant des guitares classiques, des guitares électriques et un modèle acoustique "grand concert " qui portait le nom de " folklore ".
 
Normand Boucher
Claude Boucher
Robin Boucher
 
En 1988, la compagnie "Les guitares Norman Inc." vend son atelier et ses marques de commerce à M. Robert Godin.
Normand Boucher décède le 21 décembre 1997 à l'âge de 81 ans et c'est Claude Boucher, son fils, qui possède le secret de fabrication, qui reprendra la relève en 1998 pour se concentrer sur la fabrication de guitares acoustiques à cordes acier 6 et 12 cordes sous le nom de " Boucher ". En 2005, Claude s'associe avec Robin, son cousin et ouvre un grand atelier à Berthier-sur-mer dans le sud-est du Canada.

Ce petit historique vous permettra donc de ne pas confondre une guitare "Norman" devenu "Godin" et une guitare "Boucher" réalisée par le luthier Claude Boucher.
 
Normand Boucher
Claude Boucher
Robin Boucher
LA TABLE D'HARMONIE

 
Est-il encore nécessaire de préciser que la table d'harmonie est l'élément capital dans la qualité sonore d'une guitare acoustique ?
En effet, le choix de l'essence pour la table aura plus de conséquences sur la sonorité de la guitare que pour les éclisses et le dos. On recherche alors des bois dits "de résonnance" qui offrent un très bon rapport rigidité/faible masse afin de favoriser la propagation des vibrations et de permettre une bonne dynamique (temps de réponse). On retrouvera ces qualités mécaniques dans les bois de la famille des conifères avec pour les plus utilisés : le cèdre et l'épicéa. Pour ce dernier, la variété la plus recherchée pour ses qualités mécaniques est l'épicéa d'Adirondack ou épinette rouge ou encore Red Spruce.

L'épinette des Adirondacks (dont le nom botanique est : Picea Rubens ) pousse exclusivement au Nord-Est de l'Amérique du nord, en bordure de la côte de l'océan atlantique. Aux USA : dans les Adirondacks, soit dans les états de New-York, du Vermont et du Maine. Au Canada, dans les Appalaches, soit dans les provinces de Québec, Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Aux États-Unis, les arbres ( épinette des Adirondacks ) assez gros pour fabriquer une guitare sont devenus très, très difficiles à obtenir. Ils sont devenus rares au fil des ans...
L'atelier de Claude Boucher se situe en plein milieu d'immenses forêts et les variétés d'arbres que l'on peut y trouver et servant à la lutherie sont : Épinette des Appalaches (Adirondack spruce), Érable à sucre ondé (hard rock flamed maple), Érable à sucre piqué (hard rock birdseye maple), Noyer (Walnut) et Cerisier (Cherry).

De grands fabricants, comme Martin, Gibson Santa-Cruz et Bourgeois se fournissent en épicéa d'Adirondack chez Claude Boucher. Pour Martin, c'est 70% de leurs besoins en épinette des Adirondacks qui est couvert par les guitares Boucher.

LA DECOUPE DE L'ARBRE ET LA PREMIERE SELECTION POUR LA TABLE
 
Les bûcherons des scieries d'Amérique du nord coupent les arbres en 3 différentes longueurs de billots : 2,50 mètres = (8 pieds) 3,75 mètres = (12 pieds) 5,00 mètres = (16 pieds). Chez Boucher le billot est recoupé sur sa longueur en section de 60 cm (2 pieds). C'est donc 4 sections pour un billot de 2 ,50m., 6 pour un de 3,75m. et 8 pour un de 5,00m.
 

 
Ensuite, ces sections sont refendues en plusieurs quartiers, un peu comme des pointes de tartes... mais de 60 cm d'épaisseur.
Cette découpe de quartiers est la première étape de sélection pour la table d'harmonie. Seul le regard expert du luthier permettra la bonne répartition de coupe afin d'obtenir les meilleurs quartiers en sachant tout de même que sur un billot de 60 cm de hauteur, c'est près de 60% de celui ci qui servira aux barrages et non aux tables.

 

LE TRAVAIL SUR LA TABLE D'HARMONIE

 
L'étape suivante va consister à débiter du quartier sélectionné et découpé précédemment, des tables de 5 mm 33. Celles-ci seront ensuite séchées pendant quelques jours. Claude nous expliquera avec poésie les étapes de la vie de l'arbre à partir des veines de la table qui constituent un critère de choix dans les caractéristiques mécaniques de celle-ci.

Affinées jusqu'à 3 mm 55 d'épaisseur, les tables seront ensuite travaillées pour recevoir une rosace et le barrage qui va renforcer la table et qui constitue l'une des parties essentielles de la guitare.

Pour des guitares folk, le barrage le plus courant est le barrage en X initialement conçu par C.F. Martin. Claude Boucher y apporte quelques modifications liées aux caractéristiques mécaniques de l'épicéa d'Adirondack. Vous pourrez apprécier dans la deuxième partie de cette vidéo les explications de Claude sur les qualités mécaniques de ce bois et les modifications au X de son barrage.

Jacques Carbonneaux - 01/09/2007 - Le site des guitares Boucher : http://www.boucherguitars.com/

 

BOUCHER GUITARS - 1ere Partie - La table d'harmonie
Version française
 
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