|
|
|
FRANCK CHEVAL par Franck CHEVAL
Musique : Le Père Jack du coffret "Autour de Jack Treese"
|
|
|
• Interview réalisée par Jacques Carbonneaux pour Guitarist Acoustic #41
|
|
Rencontrer Franck Cheval chez lui, à Saint-Michel-Savasse, c'est comme se poser dans un lieu où tout est calme et volupté. Découvrir l'odeur de la lutherie et confronter nos impressions olfactives comme nous le ferons ensuite au diner autour d'une Côte-Rôtie, l'écouter jouer de la guitare, le voir soigner ses bonzaïs ou apprécier un bon vinyle, c'est ce Franck Cheval qui se livre à vous, un homme tranquille et sage...
LG : Pour commencer, j'aimais bien l'idée de Franck Cheval, au-dessus d'une montagne, un peu comme chez toi en fait, perché sur une colline entre le Vercors et l'Ardèche, qui observe le monde et ses semblables. Quel est ton regard, après toutes ces années d'expérience, sur la lutherie française et la musique en général ?
Franck Cheval : Tout part de la musique, c'est la source du métier. Il lui faut cette fibre fondamentale, avec le bois, ce sont les deux éléments prépondérants. Je n'ai pas une opinion très analytique de la situation parce que les luthiers, plutôt individualistes, ne se réunissent qu'épisodiquement.
Les générations se renouvellent naturellement. Le marché augmente avec un panel pléthorique dans tous les styles. Ces différents courants de lutherie éduquent le musicien, l'émoustillent, lui donnent l'envie et la curiosité. Aujourd'hui, la filière est construite. Quelqu'un qui veut démarrer dans la lutherie a tout un matériel devant lui. Je me souviens que je limais le chrome du boulon de jack pour retrouver le laiton en dessous si je le voulais doré, parce qu'on ne trouvait rien. Remplacer la moindre petite vis était un problème. Tout ça n'existe plus, c'est évidemment un bien. Pour en revenir à ta question sur la lutherie française, je trouve que le milieu a une relative bonne santé et suis assez optimiste.
LG : Toujours du haut de ta colline, comment perçois-tu l'avenir de cette association de luthiers (APLG) qui est en train de naître et dont tu es membre actif ?
Franck Cheval : C'est une bonne initiative. Je connais des chanteurs qui font la même chose dans la chanson française. Ils essayent de se fédérer pour trouver des circuits, du travail etc… Les informations circulent mieux, cela ne peut qu'aider à créer une émulation.
LG : Tu es spécialisé en arch-top et flat-top. Si demain on te disait c'est soit l'un soit l'autre, que choisirais-tu ?
Franck Cheval : Je ferais de la flat-top. Musicalement, je suis issu du folk, ma culture n'a pas été le jazz. Pourtant la guitare de jazz est passionnante, un instrument d'une grande beauté. Il y a beaucoup de choses qui n'ont pas encore été faites avec elle. Le travail de John Monteleone est bouleversant. C'est pour moi le numero un absolu. Pour les flat-top, je n'ai pas tellement de références à part la 000 à 12 cases Martin et son dessin parfait. Avant d'être luthier, j'ai connu Jean Larrivée en 1974 quand je vivais à Toronto et qu'il exerçait encore là-bas. J'ai découvert ses nacres et sa lutherie, c'était un nouveau monde qui m'a inconsciemment cultivé et m'a aidé pour la suite, je trouvais ça admirable. Acoustiquement, ce n'est pas ma préfèrence car il met les deux barres du bas latéralement. Cela bloque un peu la table créant une emphase des médiums mais c'est un choix respectable.
|
|
|
|
LG : Pour parler de tes autres passions, quand je vois la qualité de ta chaine HIFI, la musique doit tenir une grande place dans ta vie ?
Franck Cheval : C'est mon inspiration. Par la rencontre avec Philippe Demaret, j'ai découvert ce que pouvait être les très grands systèmes audios et le monde confidentiel de ce matériel extrêmement complexe presque fait main. Que l'électricité puisse tendre vers une vérité sonore est quelque chose de quasi mystique ! Il est nécessaire que l'oreille ait une éducation comme le palais. On peut l'obtenir dans l'humilité et la patience. Un grand vin vous offrira de l'émotion, une sonorité magique vous donnera la même chose si vous savez les reconnaître.
LG : Alors le vin, une autre de tes passions ?
Franck Cheval : C'est une banalité de dire que ça fait voyager mais c'est vrai. C'est une approche, un travail d'homme et c'est passionnant de le connaître. Puis il y a l'élaboration du vin, indispensable à sa compréhension. J'adore le goûter en cave, imaginer ce qu'il va devenir en écoutant le vigneron te raconter sa terre, ce qui est transmis par cette magie de la racine, du cèpe au raisin et par l'offrande du millésime. C'est une approche d'odeurs, de couleurs, d'atmosphères. Il réunit les gens, comme un feu de camp, comme la guitare. C'est un élément social fantastique.
LG : Est-ce qu'il y aurait un vin qui correspondrait plus à tes guitares ?
Franck Cheval : Un seul, non, mais des correspondances certainement. Je ne suis pas dans des vins trop silex, très minéraux. Du coup, je n'aime pas les guitares vives, trop pincées. Au niveau du son, j'aime les sonorités généreuses assez rondes mais qui restent précises. Comme ces vins velours mais gardant de la fraicheur et toujours l'équilibre… Des vins faciles à goûter et pourtant complexes, avec une belle finale en bouche, comme un beau sustain !
LG : Pour finir sur une autre de tes passions, le bonzaï…
Franck Cheval : Ces arbres en pot sont des œuvres d'art vivantes qu'il faut entretenir, soigner, protéger. Les bonzaïs, c'est de la taille et de l'arrosage avec la mission de les transmettre encore plus beaux. C'est une responsabilité puisque un de mes genevrier rigida a dans les 250 ans. Il y a de la méditation à les contempler, c'est très apaisant.
LG : Si tu n'avais pas été luthier, tu aurais souhaité faire quel métier ?
Franck Cheval : Je ne sais pas, enfant, je voulais être cuisinier. Métier de contraintes mais j'aime l'ambiance d'une cuisine de restaurant. Faire de la musique peut-être aussi mais en aurais-je eu la volonté ? C'est d'abord un choix de vie. J'aime le côté sédentaire du luthier. Ce n'est pas que je ne m'éloigne jamais mais je ne suis pas un fou des voyages.
LG : Sans trop réfléchir, si tu devais choisir, une guitare, un vin et un album ?
Franck Cheval : Ma guitare préférée ? C'est une Jumbo gaucher en Rio que je me suis faite en 98, elle est formidable ! Elle a des basses magiques, un son de cathédrale ! Faite avec des vieux bois qui ont presque 100 ans. Le vin, j'en ai eu plusieurs, mais peut-être ce Volnay 90 de Jacques Prieur, dans une circonstance triste où l'émotion s'est rajoutée au vin. L'album, ce serait Blonde on Blonde de Dylan. J'aurais pu dire The Freewheelin' que j'ai tellement écouté et parce je suis plus acoustique mais Blonde on Blonde c'est la merveille. D'ailleurs depuis longtemps, je démarre toujours l'année pile au douzième coup de minuit avec I want you le plus fort possible !
Interview réalisée par Jacques Carbonneaux pour Guitarist Acoustic #41 - 27 septembre 2013 |
|
|
|
Le morceau, le Père Jack, interprété par Franck dans la vidéo est disponible dans le coffret : Autour de Jack Treese.
En savoir plus : http://www.autourdejacktreese.com/page/accueil.html |
|