|
J'ai souvent entendu des luthiers me dire : "En guitare, il n'y a plus rien à inventer, tout a été fait ! "... Ces propos m'ont toujours laissé perplexe car je crois au génie humain et à sa capacité à tout remettre en question.
Alors en effet, la Martin D28 de 1966 qui m'attend chaque jour suspendue sur son stand est un instrument abouti et pour obtenir ce son si caractéristique qui a bercé toute ma jeunesse, il n'est pas nécessaire d'inventer quelque chose. C'est fait, le son est là et la fabrication de ce type de modèle n'a pas à évoluer.
Mais la question est simple : "peut on se satisfaire de ce qui est bien ?, n'y a-t-il pas mieux, autrement ?".
Nous sommes influencés par des références, des standards, des traditions. Que tout cela nous convienne et nous comble est une chose mais n'y a t-il pas tout simplement de nouveaux horizons à parcourir, de nouvelles tessitures sonores à découvrir, des techniques de fabrication innovantes...
Je rencontre chaque année à Issoudun, Montréal, Los Angeles ou Francfort des instruments atypiques, parfois bizarres. Certains d'entre eux me laissent dubitatif, d'autres me laissent rêveur, attisent ma curiosité et me poussent à en savoir plus.
C'est le cas pour ce modèle d'étude à bouche pan coupé de Gérard Audirac.
Je présenterai plus longuement ma rencontre avec ce grand luthier de la deuxième génération qui a décidé, après avoir pris sa retraite en 2007, de se réinstaller cette année. Cela fera l'objet d'un portrait dans mon prochain article sur les luthiers français participants au Salon de guitare de Montréal au mois de juillet 2011.
Le modèle Conservatoire double bouche...
Sur la base d'un de ses derniers modèles qui a inspiré son ancien élève et luthier Bastien Burlot et dont la bouche de la table a été déplacée sur l'éclisse du haut, Gérard Audirac a réalisé une deuxième bouche sur l'éclisse opposée et sur la partie inférieure de la table d'harmonie.
Comme je l'ai déjà indiqué plusieurs fois dans différents articles, l'ouie (la bouche) d'une guitare n'a pas pour objectif premier de diffuser le son mais de libérer de la caisse l'air généré par les vibrations des cordes. Dans l'absolu, son emplacement n'est pas une fin en soi et la positionner de façon classique sous les cordes au milieu de la table est même une contrainte supplémentaire au placement du chevalet et du barrage.
Beaucoup croient, à tort, que l'emplacement de la bouche sur l'éclisse est réalisé pour le confort du guitariste qui va, en effet, mieux entendre son instrument. Ce phénomène est une conséquence et non un objectif.
Je reviendrai ultèrieurement sur ce phénomène plus en détail. Cela fera l'objet d'un article complet.
Alors pourquoi une deuxième bouche ?
Après avoir réalisé plusieurs modèles "simple bouche", Gérard Audirac a pris en compte les remarques de plusieurs guitaristes qui lui ont fait remarquer une trop forte projection sonore vers le guitariste. Le fait de positionner une ouie supplémentaire à un autre emplacement permet tout simplement de répartir cette projection d'air. Les conséquences sont multiples :
- l'emplacement choisi par le luthier permet de faire "d'une pierre, deux coups" et d'offrir au guitariste une plus grande accessiblité dans le bas du manche avec un pan coupé.
- la projection semble, au vu des premiers comparatifs avec un modèle simple bouche, plus équilibrée et plus puissante.
- ceux qui se trouvent en face de la guitare percoivent plus nettement la projection de l'instrument.
- le design de la guitare est tout simplement hallucinant.
Ce modèle est un modèle d'étude avec une table en Cèdre et un dos et des éclisses en contre-plaqué de palissandre. Un modèle concert est en cours d'élaboration et compte tenu de l'énorme projection du modèle d'étude, j'attends avec impatience de tester le modèle de concert.
Même si grâce aux deux ouies, on peut tout voir à l'intérieur de l'instrument, les secrets de fabrication sont bien gardés car la réalisation de ce modèle est le fruit de plusieurs mois de recherche et de tests. Ce que vous verrez à l'intérieur ne vous dévoilera rien !
Pour cette première rencontre avec l'instrument, j'ai demandé à Bob Bonastre de nous jouer quelques morceaux de son choix. Bob est un guitariste complet puisqu'il est aussi à l'aise sur une guitare électrique, que sur une nylon ou une douze cordes. Son répertoire est large, très large, parfait donc pour ce type de test. Il a utilisé un onglet au pouce de sa main droite.
La captation vidéo a été faite dans la précipitation (désolé pour les reflets). La captation audio a été réalisée avec un couple de Se4 (Se-Electonics) placé à un mètre de l'instrument. Aucun, je dis bien aucun traitement audio n'a été fait sur la captation. Le son est brut et donc le plus fidèle possible.
Vous pouvez essayer ce modèle à l'atelier de Gérard Audirac. Contacter le par mail mais pas par téléphone. (Voir coordonnées ci-dessous)
Un modèle sera bientôt disponible à l'atelier58, je vous tiendrai informé.
Prix TTC : 1 700 euros net à l'atelier du luthier. Pour ce prix, il est clair que Gérard Audirac va faire couler beaucoup d'encre !
Des modèles avec bouche sur l'éclisse sont disponibles en test et à la vente à l'atelier58.com
A suivre ...
Jacques Carbonneaux - Mars 2011 - Coordonnées de Gérard Audirac
|