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J'attendais ce moment depuis plusieurs mois et même si je n'ai pas eu le temps de prendre le temps d'essayer comme il se doit les trois modèles à cordes acier que Gérard Audirac exposait spécialement à Issoudun, j'ai pu découvrir le minimum de ce que je souhaitais entendre.
Par où commencer ? Tout d'abord, Gérard est un luthier spécialisé en guitares cordes nylon d'étude et de concert dont vous pouvez retrouver plusieurs articles tout en bas de cette page.
Pourquoi Audirac se met-il à la corde acier ?
Je ne suis pas complètement étranger à cette question puisque je n'ai cessé de lui demander de réaliser un modèle folk depuis que nous nous sommes rencontrés à Montréal en 2010. Je savais qu'il en avait déjà réalisé un il y a plusieurs années que je n'ai pu essayer et ma curiosité a été à son comble lorsque j'ai assité à la naissance de son modèle double bouches à cordes nylon.
Ses premiers pas avec la corde acier pour la double bouches
ont été réalisés sur un modèle hybride. Guitare que l'on peut monter soit avec des cordes acier soit avec des cordes nylon et que vous pouvez entendre et voir dans cet article.
Ce modèle m'a déjà impressionné par sa sonorité mais ne convient pas à un confort de jeu de type folk compte tenu de la largeur du manche qui reste un manche de guitare classique même s'il est moins large et de l'action haute des cordes.
Gérard a ensuite réalisé cet été un prototype double bouches avec les dimensions du manche que je lui ai données en prenant pour référence mon modèle Martin D28. La table est en épicéa et le dos et les éclisses en cyprés. Bilan : une projection exceptionnelle, un équilibre parfait et surtout, par rapport à mes autres guitares, l' impression qu'elle n'est pas bridée. Cependant, le manche n'était pas encore profilé comme je le souhaitais (on n'efface pas trente ans de façonnage d'un manche de guitare classique en quelques mois !) et le renversement du manche était à revoir. Et puis pour finir, le cyprès n'est pas l'essence la plus appropriée pour une folk.
Les trois modèles exposés au salon d'Issoudun sont réalisés avec un dos et des éclisses en palissandre (ça, ça me parle :-)) et le renversement
a été modifié. Seule la table d'harmonie change. Une est en cèdre, l'autre en épicéa et la dernière (celle de la vidéo) en composite (épicéa, nid d'abeilles, cèdre).
Avant de vous parler des caractéristiques sonores de ce modèle, il est nécessaire de savoir que Gérard Audirac provoque une petite révolution et nous fait réfléchir quant aux principes traditionnels de la lutherie guitare. En effet, la première chose qui me fout la tête à l'envers, c'est que la caisse de son modèle à cordes acier est exactement la même que celle de son modèle à cordes nylon ! La table est barrée de la même façon avec un éventail à la sauce Audirac.
Si on sait que la tension des cordes sur une classique d'un diapason de 65cm est d'environ 50 kg alors qu'elle atteint environ 70 Kg pour des cordes acier pour le même diapason, on est amené à se poser des questions !
Le modèle Favino de Georges Brassens était bien doté lui aussi d'un barrage en éventail mais celui ci (contrairement au barrage Audirac) tenait compte de la tension des cordes qui étaient des Argentines dédiées manouche et était équipé d'un cordier changeant de fait la tension des cordes sur la table.
Si vous posez la question à un autre luthier, il vous répondra que l'un des deux modèles souffrira inévitablement d'un défaut
avec une table trop bridée ou pas assez suivant le cas et les conséquences logiques qui s'ensuivent sur la sonorité.
Je vous confirme que rien de tout ça ne s'est révélé ici. Vous avez déjà suffisamment de vidéos pour vous prouver les qualités sonores des modèles nylon double bouches Audirac et vous trouverez ci-dessous la confirmation pour l'un des modèles à cordes acier.
Je ne souhaite pas développer à ce jour les raisons qui font que les deux modèles sonnent parfaitement bien dans leur domaine respectif. Ce sera l'occasion d'un prochain reportage
complet consacré exclusivement à la réalisation d'un modèle Audirac dans l'antre de celui-ci.
Pour vous mettre sur la voie et les avertis auront déjà deviné, la réponse se trouve dans la conception du coeur de la guitare : la table d'harmonie et son barrage.
Le son acier Audirac.
Nous sommes ici dans un autre univers sonore. La présence de deux ouvertures dont l'une sur l'éclisse réagit comme un retour pour le guitariste et pourrait fausser son jugement. Il suffit de l'obstruer pour se concentrer objectivement ou de faire jouer la guitare en face de soi pour avoir une perception plus objective. Pour apprécier les particularités de cette guitare, il suffit de la comparer avec d'autres modèles folks et la première impression qui saute aux oreilles est que les autres guitares semblent bridées à côtés de l'Audirac. On a vraiment l'impression que rien ne retient le son. Ce modèle a une attaque et une dynamique que je n'ai jamais entendues sur une folk.
La projection est telle que certains luthiers qui l'ont essayée m'ont confié qu'elle conviendrait à un style comme le manouche !
L'équilibre y est parfait malgré l'ouie sur l'éclisse qui a tendance à vous renvoyer les basses. Ce phénomène étant annulé par l'existence de la deuxième bouche. Sa précision est redoutable aux doigts comme au médiator que le jeu soit doux et posé ou musclé et hargneux.
D'ailleurs, c'est la première guitare
à cordes acier que j'essaye depuis que j'ai posé les mains sur une 6 cordes qui ne "tourne pas" lorsqu'on y applique des strummings très très puissants. Au médiator et en rythmique, une guitare folk a toujours un seuil où il est n'est plus possible de l'attaquer sans qu'elle ne perde son équilibre et sa justesse. Les basses saturent et deviennent fausses et l'ensemble finit par être inaudible.
Ici, impossible d'arriver à ce stade. La seule chose que vous risquez à jouer de plus en plus fort est de casser une corde ou de vous fâcher définitivement avec votre ami(e) ou vos voisins.
Bref, enfin une guitare pour faire du rock'n roll en acoustique !
Cependant malgré toutes ces qualités, il manque quelque chose dans le son de ce modèle acier d'Audirac que l'on retrouve dans toute bonne folk, c'est ce petit quelque chose dans le grain sonore difficile à exprimer par les mots mais qui vous saute aux oreilles.
Est-ce un manque ? Est-ce mieux ou moins bien ? Je n'en sais rien, c'est une question de goût. Je dirais plutôt que compte tenu de la srtcuture de la guitare qui n'a rien à voir avec une folk, mis à part les cordes et le manche, il est sans doute normal de ne pas retrouver ce que l'on a habituellement dans tout bon modèle folk qui se respecte.
Il faut peut être chercher la raison de ce manque dans la façon de jouer du guitariste qui se trouve ici avec une guitare qui n'a rien à voir dans sa forme avec une folk. Même si dans le domaine à cordes acier, les formes sont variées, il y a une chose qui ne varie guère, c'est la position du chevalet qui induit la position de la main droite et donc de l'attaque et par conséquent d'une habitude de jeux. Ici le chevalet est plus proche du bord de caisse. Il faut donc déplacer la guitare pour retrouver ses repères. Ensuite, malgré les efforts de Gérard, le manche n'est pas encore celui qui conviendrait à une majorité de folkeux. Mais ça, c'est un détail.
Pour conclure, je dirais qu'il faut du temps pour apprivoiser cette guitare car elle casse les standards habituels. Son unviers sonore est tout simplement une source jusqu'ici inexplorée. Nous entrons là où personne n'a encore posé le pied. Il faut la jouer pour se rendre compte de mes propos car l'entendre sur les vidéos n'est pas représentatif de cette sensation que l'on ressent quand l'instrument vibre entre ses mains. Il faudrait pour cela placer des micros devant, derrière et sur les côtés car sa projection diffère de fait, des modèles avec une ouverture sur la table.
A suivre donc, et tout bientôt sur laguitare.com...