Une histoire de Roger Jacobacci
L’immense luthier Roger Jacobacci vient de nous quitter à l’age de 79 ans. Il rejoint son jeune frère André trop tôt disparu en 1991.
Plutôt que de vous écrire une bio que ne manquera pas de faire un journaliste professionnel dans un de vos magazines de guitare préférés, je vous conseille en l’attendant le très bel ouvrage consacré à l’histoire des Jacobacci produit par le Musée des Musiques Populaires de Montluçon : Guitares Jacobacci (voir la présentation dans Acoustic Guitarist #13).
 Une petite histoire que Roger me raconta il y a quelques années pendant des vacances chez un ami commun.
Les Royal avaient, à partir de 1959, des manches en aluminium sous-traités dans une fonderie. Ils étaient ensuite découpés dans l’axe après moulage afin d’obtenir deux manches. Il arrivait assez fréquemment que ceux-ci après découpe posent des problèmes de cintrage, les rendant totalement inutilisables. Au bout de quelques années, les manches au rebus s’accumulèrent et finirent à la décharge. Roger me raconta que suite à un contrôle fiscal, on lui demanda le remboursement de toutes les Royal qu’il n’avait pas déclaré ; impossible pour lui de justifier ce manque de guitares correspondant au nombre de manches jetés. Tel un acteur de la commedia dell’arte, il posa les clés de l’atelier sur le bureau du percepteur en lui disant qu’il cessait son activité et fit demi-tour en priant le ciel que le gars le rappelle. Bingo ! Le bluff avait marché et le percepteur calmant Roger accepta de retirer l’amende réclamée.
La semaine dernière, on a restauré un manche de Royal, heureux de ce travail et de cette remise en état après 50 ans de loyaux services. S’il y avait un seul hommage à rendre aux frères Jacobacci, ce serait que l’on prenne toujours soin de leurs guitares et qu’elles jouent pour nous encore longtemps, mieux que la plus belle des épitaphes.
Aux noms des camarades luthiers, toute la profession se joint au monde de la guitare pour dire aux amis, proches et famille de Roger combien notre peine est grande et toute l’admiration que l’on avait pour lui et son parcours hors du commun aux côtés de son frère.
Franck Cheval - 02 mai 2010 |
