Laguitare.com
: Tu fais partie de la jeune génération de luthiers
en France, peux-tu nous dire en quelques mots quel a été
ton parcours pour devenir luthier ?
Romuald Provost : J'ai été à l'université,
niveau DEUG de géologie. La lutherie me titillait depuis l'âge
de 15 ans où je réparais des guitares pour les copains
et je faisais aussi de la sculpture sur bois. Le rapport avec la matière
me plaisait, j'ai eu alors l'opportunité d'aller à l'ITEMM
et j'ai été apprenti chez un ébéniste
d'art pendant trois ans. J'ai alors commencé à faire
des réparations plus sérieusement mais aussi de la fabrication.
Laguitare.com : Pour revenir à l'ITEMM, cette école
ne fait pas de fabrication mais que de la réparation.
Romuald Provost : A l'époque, il y a huit ans, on faisait
un peu de fabrication, on avait comme professeurs, Laplane,
Arroyo,
Raifort.
C 'était un peu particulier à cette époque, c'était
la fin du règne du directeur de l'école qui n'était
pas très net. L'ITEMM ne jouissait pas d'une bonne réputation.
Après que je sois parti, l'éducation nationale a dû
s'occuper un peu de tout ça et a réformé le programme.
Depuis, il n'y a plus de fabrication au C.A.P.
Laguitare.com : C'était bénéfique comme formation
?
Romuald Provost : Oui quand même. J'étais aussi
chez un ébéniste d'art, j'avais déjà un
rapport avec le bois, la matière, je faisais de la sculpture,
c'était donc très complémentaire.
Laguitare.com : Tu t'es mis de suite à ton compte ensuite
?
Romuald Provost : Après, j'ai voulu bosser chez les
luthiers, dans les magasins. J'ai fait pas mal le tour à Paris,
en France, en Belgique. Ne trouvant rien et étant dans la nécessité
de bouffer, je me suis alors lancé et ça fait 5 ans
que ça dure.
Laguitare.com : Ton premier instrument, tu t'en souviens ? ce n'est
pas si vieux !
Romuald Provost : Oui, c'était une guitare classique
que j'avais fabriquée chez moi et dont je n'étais pas
mécontent d'ailleurs. Bon, avec le recul, je sais que j'ai
fait des progrès et la voyant régulièrement,
car elle est restée un peu dans la famille, je ne suis pas
mécontent du résultat. C'était le premier instrument
que j'ai vendu car avant il y en a eu d'autres, des essais
Laguitare.com : Tu es assez diversifié dans la fabrication
puisque tu proposes des folks, des classiques, des manouches et aussi
des Ouds. Tu n'as pas une spécialité ? Est-ce un choix
?
Romuald Provost : Ce n'est pas un choix, c'est ce qui s'impose
à moi. Je ne travaille pas sur un modèle en particulier,
c'est un peu au gré des gens qui passent à l'atelier
et de leur demande. Mais ce que je maîtrise le mieux c'est la
corde acier. Ce sont les instruments dont je suis le plus satisfait.
Le Oud aussi. Ca fait peu de temps que j'en fais, j'en ai réparé
pas mal et c'est un instrument qui me plait.
Laguitare.com : Comment procèdes-tu avec des instruments
que tu connais peu ?
Romuald Provost : Je demande conseil à d'autres, à
des musiciens qui pour certains connaissent vraiment bien leur instrument.
Il y a aussi la documentation et enfin ma propre analyse que je complète
avec mon expérience.
Laguitare.com : Lors du précédent
dossier luthier consacré à Didier
Duboscq, je lui demandais sa réaction face aux grandes
marques qui proposent des guitares " tout massif " à
des prix défiant toute concurrence, quel est ton avis ?
Romuald Provost : En effet, ce n'est pas rassurant, surtout
pour moi qui ai encore tout à prouver car je ne jouis pas encore
d'une grande notoriété. Mais que veux-tu, c'est comme
ça. J'essaye d'apporter plus et de faire au mieux.
Laguitare.com : Il n'y a pas des gens qui viennent te voir en te
disant que pour tel prix ils peuvent avoir tel modèle dans
telle marque ?
Romuald Provost : Si, si mais que veux-tu leur dire... Mais
très souvent tu as beau leur expliquer que nous ne travaillons
pas de la même façon, que je fais du sur mesure... J'ai
fait quarante guitares depuis que je suis là, il n'y a pas
deux manches identiques. Mais j'ai pas envie de me battre non plus.
Il faut que le mec ait envie de me faire bosser, il faut quelque chose
entre lui et moi qui se passe. Il m'est arrivé une fois de
tomber sur quelqu'un de sceptique au moment même de la commande
et je savais pertinemment qu'à l'arrivée il ne serait
pas satisfait. Ca c'est fini plutôt bien mais ce ne sont pas
de bonnes conditions pour travailler.
Laguitare.com : Un modèle folk par exemple tu le vends combien
?
Romuald Provost : Entre 2 500 et 3 000 euros
Laguitare.com : Tu te considères comme un luthier novateur
ou conservateur ?
Romuald Provost : Je ne suis pas novateur, clairement pas.
J'essaye toujours de chercher et de modifier mais on en est tous là
je crois. Je fais tout à la main.
Laguitare.com : Tu as une forme à toi ou tu fais du standard
?
Romuald Provost : Je me base sur des formes standards mais
ça reste des formes que je dessine malgrè tout.
Laguitare.com : Tes essences préférées ?
Romuald Provost : J'aime bien le cyprès pour les guitares
flamenca et le palissandre indien sinon, c'est un bois très
agréable à travailler. Ce sont des essences que j'utilise
souvent.
Laguitare.com : Quels sont tes références dans les
luthiers et les marques de guitares ?
Romuald Provost : Il n'y en a pas un en particulier car je
reste fasciné par le travail de chacun. Nous nous étions
vu à Castelmaurou
et quand je faisais le tour des luthiers présents, le travail
que je voyais des autres luthiers était très impressionnant.
Laguitare.com : Même quand tu as débuté ?
Romuald Provost : Si, il y a Quéguiner,
des luthiers comme lui, oui. Mais sinon à l'époque,
je n'étais pas capable de juger de leur travail, c'était
surtout ce que j'entendais et ce que je lisais sur eux. Quand tu as
quinze ans, que tu veux faire ce métier et que tu vois des
photos de leurs guitares, tu te dis " Waw ! c'est hallucinant
ce qu'ils sont capables de faire ! " Donc voilà, mais
pas vraiment quelqu'un en particulier en fait.
Laguitare.com : Es-tu confiant pour ton métier, pour ton
avenir ?
Romuald Provost : Oui confiant pour le métier, pour
mon avenir c'est différent (rires). Mais oui, oui, je ne me
pose pas trop de questions, je fais du mieux que je peux et advienne
que pourra. Je crois être assez humble sur ce que je fais, je
sais ce que je vaux.
Laguitare.com : Que donnerais-tu comme conseil à un jeune
qui veut faire ce métier ?
Romuald Provost : Il y en a beaucoup qui défilent en
ce moment, c'est assez hallucinant. Je ne sais pas, il faut se lancer,
avoir une bonne dose de courage, de passion et être tenace.
Mais je n'ai pas vraiment de conseils en fait, des conseils on m'en
a donné aussi et si je les avais écoutés, je
ne ferais pas ça aujourd'hui, c'est sûr !! J'ai vu des
jeunes passer avec leur travail, c'est impressionnant de qualité.
Certains ont des formations de marqueteurs, de vernisseurs ou en ébénisterie.
En tout cas, au niveau du meuble, de l'instrument il n'y a rien à
redire. Alors que veux-tu que je leur dise ? soit je les descend pour
me préserver ou alors je sais pas
et puis, je ne suis
pas bon conseilleur de toute façon
Laguitare.com
: as-tu une anecdote, un bon moment avec un instrument, une rencontre
?
Romuald Provost : La fabrication du Oud et ma rencontre avec
le client qui est devenu un ami. Mais tout est lié, un instrument
que je découvrais, la musique associée, un mode de fabrication
que je ne connaissais pas et le musicien en question. Ca reste le
meilleur moment car tout était nouveau et j'ai pris énormément
de plaisir.
Propos receuillis par Jacques
Carbonneaux le 11 mai 2006 |