Interview Patrick Rondat
- Mardi 16 Novembre 2004 - Elysée Montmartre
Je
pense que les rencontre les plus belles, sont le plus souvent le
fruit du plus pur des hasards, un mail que j'envoie à Jaco,
ma présence depuis au sein de laguitare.com, un mail que
je reçois pour une demande de chronique, des messages échangés
entre son expéditeur et moi, notre rencontre à Castelmaurou
et, de fil en aiguille, une amitié qui naît.
Cette rencontre est due à
l'amitié que me porte un type formidable dont, sa pudeur
fera que je révèlerais pas son nom, son prénom
est Jean.
Jean est ami avec Patrick, pas pote
ni intéressé, ami, il me parle tant et tant de Patrick
que je me décide à acheter son dernier disque, coup
de foudre immédiat, j'écris à Jean pour lui
en faire-part, lui dire qu'effectivement, cala doit être quelque
chose de discuter avec le mec qui a composé tous ces morceaux.
Deux jours plus tard, je reçois
un mail de Patrick m'invitant à appeler son tour manager
pour caler une interview à Paris.
Voici un entretien, pas une interview
sans faire le cacou, je pense que c'est bien d'un entretien qu'il
s'agit, il y a quelques questions mais surtout, il y a les réponses
de Patrick, et quelles réponses, ce mec est généreux,
sincère, spontané, écorché aussi car
sensible, à tout, la musique la vie la société
qui l'entoure.
J'ai volontairement laissé certaines
répétitions, je voulais et voudrais encore que vous
imaginiez Patrick assis en face de vous, en train de changer les
cordes de sa guitare, en fond sonore Yann Armellino, vous êtes
prêts ? on y va.
Mardi 16 Novembre à 15H30 pile
poil devant l'entrée de l'Elysée Montmartre, j'appelle
Roger, mec pour qui le mot Cool a du être inventé,
il me dit " je t'attends en haut, monte ".
J'arrive en haut, Roger est ailleurs
et, je ne lui en veux pas parce que là encore le hasard fait
que j'arrive en plein soundcheck, je rentre, m'assied sur les marches
et
j'écoute. Il doit certainement y avoir des types
blasés pour qui ces moments ne méritent pas d'être
cités, je ne fais pas partie du tas.
Un gamin, voilà ce que je suis,
j'ai regardé, écouté tout ce soundchek, le
seul morceau que Patrick ait joué intégralement est
en plus mon préféré sur l'album, à savoir
" Tethys ".
J'ai bien échangé quelques mots avec Roger mais entre
nous, je ne me rappelle plus de ce que l'on s'est dit, trop heureux
d'être là.
Un roadie m'offre un verre et m'emmène
dans la loge de Patrick, j'ai croisé Yann Armellino avant
d'entrer et, je croiserais Mattias " IA " Eklundh en sortant.
Voici tout ce qui s'est passé
entre ces deux moments.
Si parmi vous il y en a qui ont lu l'interview que j'ai faite de
Poppa Chubby et, qui ont aimé, vous allez adorer ce qui suit,
s'il y en a qui n'ont pas aimé, allez cliquer ailleurs.
Laguitare.com
: Patrick, comment se passe la tournée ?
Patrick Rondat : Plutôt
bien voir même, très bien, il y a plus de monde que
l'on espérait tu sais, tout le monde parle de la guitare,
que c'est un moment difficile, que la guitare en mode général
se porte plutôt mal ce qui est malheureusement vrai mais,
malgré tout sur cette tournée on s'aperçoit
qu'il y a du monde, on a eu plus de 600 personnes Lundi hier à
Toulouse, 600 personnes à Lyon là il y a du monde
ce soir, ça se passe bien humainement, musicalement, c'est
une expérience super, les mecs de Freak Kitchen sont des
gens évidemment bon musiciens mais ça c'était
pas une nouvelle
Laguitare.com :Alors là
tu vois, je me sens vraiment honteux parce que je ne connais pas
du tout Freak Kitchen, c'est Jean qui m'a branché dessus
Patrick Rondat : Alors ce qui
est marrant c'est que c'est vraiment un jeu et une musique extrêmement
éloignée de la mienne, c'est vraiment
on est
très, très, très, opposés musicalement
Laguitare.com :Comme souvent
quant tu craques sur un truc
Patrick Rondat : Mais en même
temps, en même temps moi ce n'était pas vraiment volontaire,
c'est à dire que je ne voulais pas faire une affiche métal
instrumental progressif, tout dans la même veine, dans le
même jeu, je trouve ça chiant, même si cela peut
parfois être intéressant
Laguitare.com :Je comprends
ce que tu veux dire
Patrick Rondat : Quitte à
faire une soirée sur la guitare, autant avoir des aspects
différents de l'instrument et Mattias est un mec qui joue
énormément sur les harmoniques, il en a trouvé
une quantité hallucinante, il les maîtrise à
un point où on dirait qu'il joue avec une Whammy en permanence
alors qu'il n'en a pas, il a des phrasés vraiment très,
très personnels, il a un accordage différent sur plein
d'instruments, c'est vraiment
la musique est très, très
puissante c'est chanté sur ce concert là, c'est pas
comme sur ces albums solo, résultat c'est vraiment très.
très, très, enfin c'est une bonne affiche et puis,
humainement ça se termine par un buf et puis on rigole
bien.
Laguitare.com :Eh bien j'espère
que je pourrais voir ça tout à l'heure sur scène
Patrick Rondat : Je l'espère
vraiment pour toi
Laguitare.com :A propos, merci
pour ton mail et cette invitation, en plus après t'avoir
vu intégralement jouer mon morceau préféré
pendant le soundcheck, je ne peux plus partir sans voir ton concert
Patrick Rondat : Ah oui "
Tethys " pour moi c'est une pièce importante de l'album,
c'est un peu ce que j'ai envie de faire musicalement, c'est à
dire, il faut que ce soit progressif, orchestral sans que ce soit
néo classique pour autant, les thèmes peuvent être
simples et avoir une efficacité une présence, sans
être figés
Laguitare.com :Je n'ai pas
trouvé ce morceau figé, il n'y a rien de répétitif,
je trouve qu'il évolue passe d'une phase à une autre
Instant magique ou, Patrick sourit
Laguitare.com :Patrick, j'ai
une vraie question, je lit beaucoup les notes, les remerciements
et autres crédits, j'ai donc lu avec beaucoup d'intérêt
le texte sur l'éphémérité que tu as
écrit, j'ai été un peu surpris et j'ai eu du
mal à savoir, encore aujourd'hui de quelle éphémérité
tu parles, est-ce que c'est la façon dont on présente
les artistes à ce jour qui semblent être fabriqués
comme on fait du yaourt ?
Patrick Rondat : C'est un ensemble
de choses, c'est la culture actuelle qui est valable au niveau de
l'achat des disques, qui est valable au niveau de la durée
des groupes, qui est valable au niveau de la politique des maisons
de disques, qui est valable au niveau de tout l'environnement, je
veux dire de l'environnement musical ça va
tu vois quand
on parle d'un truc on parle de tendances, ça nous fait marrer
avec Manu (Martin) on nous demande toujours si c'est tendance, tu
vois lorsque les boucles techno sont arrivées on m'a demandé
" est-ce que tu vas mettre des boucles dans ta musique ? "
bon tu vois il y en a quelques-unes unes dans " Tethys "
mais elles sont liées à la musique, elles ne sont
pas liées à
Laguitare.com :On ne peut pas
dire que ce soit de la techno
Patrick Rondat : Non mais tu
vois, tu es lié à cet environnement là et ça
c'est valable pour tout ce qui nous entoure, tout ce que l'on achète
est axé vers un update permanent, cela axe les gens vers
une poursuite de la pseudo nouveauté quasi permanente et
plus sur les possibilités que tu as de faire des choses
que, de les faire réellement.
Je ne suis pas contre la technologie tu vois, grâce à
ça j'ai pu faire mon album, je n'aurais pas pu faire sans
mais en même temps je trouve que c'est embêtant parce
que cela te donne un état d'esprit de papillon,
A un moment donné
enfin tu vois ça c'est une
guitare et cela reste une guitare et tu verras Mattias tout à
l'heure sur scène qu'encore 50 ans après l'invention
de la guitare électrique, avec les mêmes six cordes
on peut encore inventer des trucs, alors que maintenant tout ce
que l'on te présente si tu n'as pas un update que tu achètes
qui soit lié à la technologie tu ne peux pas avancer,
c'est à dire qu'à un moment donné tu ne peux
pas lire tel programme parce que ton ordinateur est pas assez balèze,
tu ne peux pas faire ci, tu ne peux pas faire ça, cela donne
un état d'esprit qui fait que t'attends la technologie en
permanence pour pouvoir faire quelque chose.
Laguitare.com :D'accord
Patrick Rondat : Tu n'es pas
obligé d'être d'accord avec moi, je te donne mon avis
tu as le tiens
Laguitare.com :Non c'est pas
ça, je t'ai posé la question sur l'éphémérité
parce vraiment je ne savais pas à laquelle tu faisais référence,
j'étais perplexe, c'était une vraie question pour
moi. En fait je me suis demandé si par conséquent
le dernier morceau, celui Jean Sébastien Bach n'était
pas là en contrepoint, comme une façon de dire "
vous voyez cette musique n'est pas éphémère,
elle était là bien avant nous et le sera bien après
"
Patrick Rondat : Bien sûr
parce que souvent on nous parle de musique de demain, en nous disant
" bon qu'est ce vous pensez de la musique de demain ? Est-ce
que maintenant il ne faudrait pas intégrer ceci ou ça
? " et en fait
Laguitare.com :Je ne comprends
pas, qui peut poser ce genre de questions ?
Patrick Rondat : Ah bah là,
il faut que tu rencontres des gens
Laguitare.com :Non, en fait
je crois qu'il ne faut pas que je rencontre ces gens
Patrick Rondat : Eh bien lis
les magasines, tu verras on te dit que ce qui était en 81
c'est de la merde, en 90 c'est ringard, tu vois, tu vois il y a
des gens qui pensent que ce je fais c'est daté, c'est fini
que c'est du passé, ce que fait Steve Vaï c'est
un ringard
Laguitare.com :Là non,
on ne touche pas à Steve Vaï, c'est mon idole
Patrick Rondat : Moi j'y touche
pas c'est pas moi qui y touche
Laguitare.com :Heureusement
que l'on a le droit d'être subjectif, en fait l'éphémérité
est plus dans l'état d'esprit que dans autre chose
Patrick Rondat : Bah ce que
je veux dire c'est qu'a force de la chercher avant tout dans un
soucis commercial, faut pas se cacher les yeux, c'est comme tout,
prend les maisons de disques, un directeur de maison de disques
on lui dit " si tu fais pas deux fois cent mille albums sur
ce disque dans les six mois qui arrivent, tu es viré "
donc lui il est pas en train de se dire " ce groupe il est
super, il va falloir deux ans de développement, il va falloir
les faire tourner, il ne peut pas, le mec, il joue sa place, toi,
en tant qu'artiste, tu signes avec un mec qui est viré au
bout de six mois, tu en as un nouveau qui gerbe sur ta musique,
donc si tu veux on est dans cet environnement là, aussi bien
au niveau des médias que de la technologie c'est un environnement
réel
Laguitare.com :Il n'y a pas
de médias musique en France
Patrick Rondat : Non mais je
parle au niveau des médias en général, c'est
comme ce concept de Starac et compagnie, c'est aussi
c'est
aussi présenter des gens qui ont une durée de vie
très courte, tu n'as plus de lien entre les artistes et leurs
fans, nous on fait une musique qui est dans une niche, liée
à des gens passionnés, moi cela fait 15 ans que je
suis là et il y a toujours des gens en face bon, ça
prouve que quelque part cela ne se passe pas trop mal, je pense
que c'est lié quelque part à une forme de sincérité
musicale et qui est justement coupée de ce milieu là,
maintenant ça te coupe aussi d'une certaine forme de succès
donc ça faut l'accepter, faut faire ta vie avec, c'est des
choix, tu peux pas tout avoir dans la vie donc, on en parlait avec
Mattias, nous notre choix c'est de faire ce dont on a envie musicalement
et d'en vivre en sachant que, bon lui il chante, il est pas à
l'abris d'un succès comme on dit souvent, moi je suis relativement
bien protégé de ce côté là, ça
ne risque pas de m'arriver (rires), voilà ce que je voulais
dire en résumé
Laguitare.com :C'est désabusé
quelque part
Patrick Rondat : Non ce n'est
pas désabusé, c'est un constat réel
non
ce n'est pas désabusé
Laguitare.com :C'est le sentiment
qu tu donnes, tu dis, je fais un constat, cela fait 15 ans que
Patrick Rondat : Non, non justement
c'est une forme de réaction, je trouve ça grave que
les artistes n'en parlent pas, ils jouent le rôle
Laguitare.com :Je suis d'accord
avec toi, il y a une forme d'hypocrisie
Patrick Rondat : Bah le fait
d'en parler à mon avis c'est quand même mieux que de
fermer sa gueule comme le fond la plupart des magazines, des journaux,
des musiciens, la plupart des gens vivent ça
Laguitare.com :A titre perso,
je ne me sens pas proche de ça
Patrick Rondat : Bah je ne sais
pas où tu vis mais sérieusement
tu vois j'étais
avec Satriani et on lui a demandé devant moi tu vois,
j'étais devant, la première question qu'on lui a posée
et qu'on m'a posé avec lui c'était " vous trouvez
pas que c'est un peu bizarre de faire de la musique instrumentale
guitaristique en 2004 ? " c'est la première question
que l'on nous a posé et celle là je peux te dire que
Satriani l'a entendue des centaines de fois
Laguitare.com :Ca me tue..
Patrick Rondat : Bah oui mais
c'est la vérité désolé, c'est la vérité
donc moi j'estimais que c'est normal de réagir et pas que
me concernant
A ce stade, je choisis de ne pas retranscrire
les quelques instants qui ont suivi car Patrick m'exprime un point
de vue très personnel sur le rôle qu'il joue auprès
de ses enfants, ses instants lui appartiennent.
Je garderais pour moi le sentiment
de bonheur total tenant au fait qu'il s'est exprimé avec
une sincérité totale.
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