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17 ème édition du festival guitare d'Issoudun
octobre 2005

Samedi 29 Octobre 2005 - Master class

Deux Master-Class étiquetées Métal.

Une master-class, lorsqu'elle ne se limite pas à un concert privé, peut se transformer en rencontre... Avec Patrice Guers et Patrick Rondat ce fut le cas par deux fois car l'un comme l'autre s'exprime avec humour, naturel et simplicité. Ces deux musiciens possèdent de nombreux points communs et leurs prestations se sont succédées très naturellement.
Comme le public pose peu de questions précises, on a droit à beaucoup de musiques. Mais l'un et l'autre ne s'en contentent pas et parlent, expliquent, évoquent leurs parcours respectifs, leurs influences, leurs goûts... On comprend qu'ils sont curieux de tout et aiment la musique et non pas une musique.
Patrice Guers se présente avec modestie comme interprète au service des autres. Il explique comment il cherche sa partie de basse pour souligner sans se mettre artificiellement en avant. A l'entendre on finirait par croire que n'importe qui pourrait en faire autant ! (Techniquement ? ... Surtout beaucoup de travail... Musicalement ? je fais ce que j'aime... alors.... )
Patrick Rondat plaisante sur sa chevelure bouclée. A propos du matériel, il avoue utiliser peu d'effets, rien que des choses basiques, habituelles. Il nous parle d'un "projet acoustique", puis ajoute, sans être plus précis, lorsque la question lui est posée, qu'il travaille avec un pianiste classique . En fait, c'est à une table de la "cantine du festival", que les éclaircissements viennent : Il va interpréter à la guitare électrique des sonates du répertoire "classique" initialement écrites pour le violon (et le piano )...

Discrétion et modestie sont communes à ces deux artistes. Cela est d'autant plus admirable qu'ils font partie des musiciens hâtivement catalogués "métal" et souvent pris pour des adeptes des musiques bruyantes et simplistes. ... et pourtant ... Lorsqu'ils jouent, la complexité de la musique est masquée par une grande aisance technique. Le corps reste paisible ; l'énergie, maîtrisée, ne se montre pas... elle se donne à entendre. Tout semble "naturel" mais, si l'on prend la peine d'écouter attentivement le discours musical, on constate vite que c'est loin d'être simple. L'influence des diverses variantes du jazz-rock paraît évidente mais finalement on est loin des groupes des années baba-cool qui abusaient souvent d'artifices gratuits, de "romantisme" facile et de coq-à-l'âne. Cela me fait plus penser à certains grand noms du début du vingtième siècle comme Igor Stravinsky où Edgard Varèse. Les points communs avec ces grands compositeurs qui firent scandale en leur temps (mais sont désormais considérés comme "classiques") sont en effet multiples. La structure rythmique est d'une grande complexité mais rien n'y est gratuit et donc on ne s'en rend pas forcément compte. On sent seulement le résultat recherché : urgence, énergie, violence... Le discours musical est en perpétuelle évolution mais chaque instant est cependant la suite naturelle de ce qui précède. Enfin, Patrice Guers et Patrick Rondat font une musique personnelle. C'est d'ailleurs une remarque qu'ils feront plusieurs fois : celui qui veut progresser doit bien sûr beaucoup travailler mais il faut qu'il trouve sa musique, qu'il développe son goût, qu'il sache qui il est.

A la fin, on a le plaisir de les voir ensemble sur la scène : complicité, puissance, légèreté, aisance ... La musique est reine, sans entrave.
Un excellent moment avec deux musiciens attachants, qui sont, en plus de remarquables instrumentistes.

Hubert BAYET.

 

Dimanche 30 Octobre 2005 - Master class
Dimanche après-midi :
Trois master-class consacrées à des musiques populaires dans lesquelles l'improvisation joue un rôle majeur.

Lorsque l'on désire improviser et que la complexité du jazz actuel nous fait peur, on peut se tourner vers certaines musiques traditionnelles : "manouche", flamenco ou blues. Les règles de base sont immuables et l'individu peut construire sont propre langage dans ces limites bien définies. Il n'est pas nécessaire de rechercher plus compliqué. Certains courageux le font et cherchent à dépasser le cadre des traditions ; d'autres se sentent plus à l'aise, plus libres, en restant dans le cadre "classique" pour limiter les préoccupations techniques.

Sami DAUSSAT : Guitare "Manouche"

Cette première master-class se fait dans une ambiance simple et sympathique. Sami Daussat explique les particularités de cette musique et la façon donc se fait, progressivement, l'apprentissage. Avant de "prendre son premier Solo" en groupe, il faut faire modestement la "pompe" jusqu'à ce que les structures de base soient parfaitement maîtrisées. Autre particularité, c'est une musique qui ne se pratique pas seul, c'est un art du partage. Ainsi, entre deux explications, il fait monter sur scène des stagiaires qui ont participé à son stage et joue avec eux. Le plus difficile sera de vérifier, à la fin de la master-class, que chacun est passé au moins une fois...
Un moment très agréable durant lequel, en plus des qualités de Sami Daussat, on découvre, parmi les stagiaires, de jeunes guitaristes plein de fougue et particulièrement prometteurs.

Pedro SOLER : Flamenco intérieur et paisible.


Loin des images toutes faites de musiques virtuoses et enflammée, Pedro SOLER pratique un flamenco "assez lent", intérieur, où les compas restent nettement perceptibles. Il recherche le son, le "trait" idéal sans démonstration technique... Lors de cette rencontre il nous présente calmement mais avec passion son point de vue. Il respecte énormément les guitaristes actuels qui, comme Paco de Lucia, repoussent sans cesse les limites du genre, mais il préfère jouer un flamenco beaucoup plus classique. Il avoue accepter, voire revendiquer, l'expression "Flamenco archaïque" utilisée par la presse madrilène à propos de son dernier disque. A l'aide  d'exemples assez simples pour être compris, il nous explique ce que sont les "compas" et comment les principaux types de flamenco s'organisent. Il évoque les liens avec les "modes", les problèmes liés à la transposition... Il parle aussi de musique en général et en particulier de son prochain séjour en Inde où il compte travailler avec des spécialistes de la musique indienne. Non, il ne s'agit pas de leur demander de faire du flamenco... pas plus que de produire une musique métisse. Il veut faire cohabiter ces musiques, chacun respectant ses racines. Il nous parle alors longuement du peuple nomade chassé d'Inde qui traversa le continent, essaima le long de la route et s'arrêta au sud de l'Espagne car ce peuple ne naviguait pas... ce peuple qui a pour descendants les "roms", "les tziganes", les "gitans" ...
Au cours de l'échange avec le public, on comprend mieux ce qu'il veut dire. Chaque peuple, chaque civilisation explique la musique à sa façon, mais partout il y a LA musique, art universel sans frontière, activité typiquement humaine plus facile d'accès que tout autre langage. En fait, Pedro SOLER est un terrien qui aime à rencontrer d'autres hommes et il a choisi la musique comme langage. 
Nous aussi avons eu énormément de plaisir à rencontrer cet artiste talentueux, discret et attachant.

Patrick VERBEKE : Blues .

Comme le flamenco de Pedro SOLER, le Blues de Patrick VERBEKE est volontairement archaïque. La voix éraillée convient et les doigts se promènent sur le manche de la guitare sans hâte excessive. Durant son intervention, il nous détaillera avec soin la grille de "Stormy monday" ( un "classique" de T-Bone Walker ). Il nous expliquera aussi, à sa façon, comment il s'y prend... les positions, les accords, la "note bleue"... mais pas de langage trop savant, ni d'histoire de modes ou de gammes compliquées, un bon solo de blues n'est pas un déballage de science ou de technique... D'ailleurs, à l'occasion d'une explication, il hésite sur le nom d'un accord ( sa guitare est alors accordée en "Open de Sol" et il s'y perd un peu ). C'est du public que viendra la solution ( Do 7 ; avec Sib à la basse ). Peu importe, lorsque l'on consacre sa vie au blues, on accepte de laisser les doigts se promener sur des sentiers dont on a oublié le nom ; l'important est de savoir où ils mènent.  Chacun sait bien que l'habitant d'une ville ignore les noms des rues qu'il parcourt fréquemment ...

Un moment agréable avec un bluesman authentique qui s'exprime avec modestie, simplicité et clarté.


Hubert BAYET.