Mademoiselle
K, alias Katerine Gierak a un passé de guitariste
classique. Elle en a d'ailleurs gardé la connaissance technique
pour appréhender les compositions de son premier album "
Ca me vexe ". Pourtant, le ton rock est donné sur cet
album : les riffs incisifs et guitares pleines d'effets ...
Que penses-tu
des chanteuses guitaristes beaucoup mis en lumière en ce
moment ?
Mademoiselle K : Honnêtement, comme je ne les ai pas
trop entendu, il m'est difficile de donner un avis. Il me semble
que Jeanne Cherhal s'accompagne au piano et un peu à
la guitare. La Grande Sophie le fait aussi. Mais je n'aime
pas ce qu'elle fait musicalement donc je peux pas donner d'avis
particulier.
On pense
aussi à Pauline Croze par exemple...
Mademoiselle K : Selon moi, il s'agit de l'accompagnement.
Pauline Croze s'accompagne bien. Ce sont des chanteuses qui
s'accompagnent plutôt que des chanteuses guitaristes.
Tu es plus
technique ?
Mademoiselle K : Je n'ai pas la prétention de me dire
plus technique. Il est vrai que j'étais guitariste avant
d'être chanteuse. Naturellement, je me présente comme
une guitariste. La guitare reste mon premier instrument avant la
voix. Depuis mes huit ans, je joue de la guitare alors que je ne
chante que depuis cinq ans. On passe un autre stade lorsqu'on ne
joue pas seulement des accords. C'est le cas. On passe une vraie
étape lorsqu'on arrive à jouer une mélodie,
ou un jeu tout en chantant. Cela m'interesse plus lorsqu'on est
guitariste et chanteur. Peu de chanteuses guitaristes y parviennent
: PJ Harvey, que j'ai découverte assez récemment.
Harmoniquement, je ne me sens pas proche d'elle, avec son influence
blues du delta où on reste sur le même accord. Sa musique
est très brute et très lancinante. Je citerais aussi
l'américane Lauren Haufmann. Elle faisait de bons
trucs à la guitare. Shanon Wright est une superbe
guitariste aussi. Son jeu et ses parties de guitares sont originales.
Avoir sa signature à l'instrument demande vraiment un mode
de jeu personnel. C'est en cela que j'admire Shanon Wright. L'intérêt
pour les chanteuses guitaristes vient de leur jeu. Par exemple,
Jeanne Cherhal a un vrai jeu au piano qui dépasse largement
trois accords. C'est une vraie pianiste.
Tu es de
formation classique. Comme s'est fait ce changement vers un style
rock ?
Mademoiselle K : Finallement, mon jeu n'a pas réellement
changé. J'ai seulement changé de guitare pour une
électrique avec des pédales. Mon jeu garde beaucoup
de bases classiques. Sur l'album, je joue beaucoup de morceaux au
picking, au doigt sans médiator. Toute l'intro et la partie
aigue de "Final" sont jouées en picking. Ma technique
est meilleure sans médiator. Même si je joue aussi
au médiator, je ne pouvais pas envisager ce morceau autrement
qu'au médiator.
Tes compositions
mêlent aussi beaucoup d'effets...
Mademoiselle K : Bien sûr. Mon guitariste Peter
(Pierre-Antoine Combard) a vraiment un jeu d'un guitariste
électrique. Il a débuté la guitare à
seize ans directement à l'electrique. Sur une note, il a
dix fois plus de puissance que moi. Il se sert beaucoup plus du
pouce sur le manche alors que je joue plus en barrés. Mais
c'est plus pratique de se servir du pouce. Grâce à
son expérience, il maîtrise davantage les effets et
les pédales alors que ces choses me sont plus récentes.
Mon jeu est beaucoup plus soft. Je compense en faisant des harmonies
plus tordues avec un jeu plus sec et plus brut. Les notes de Peter
sont plus tenues et très héroiques : c'est le guitar
hero. On se complète beaucoup. Ma façon de jouer n'a
pas vraiment changé, si ce n'est que je vais plus loin dans
les effets. C'est vraiment intéressant de passer à
la guitare électrique tout en gardant un mode de jeu venu
de la guitare classique.
Cela fait
un beau mélange.
Mademoiselle K : Ainsi on se marche pas trop sur les pieds.
Au début, on a connu quelques difficultés puisque
ma place en tant que guitariste était importante. Avant l'album,
nous nous sommes enfermés pendant trois mois en studio en
groupe. Nous avons beaucoup travaillé sur les arrangements.
Nous avons connus des désaccords. J'étais assez exigeante
et certaines des chansons les inspiraient moins. Parfois, Peter
joue des plans country que je n'aime pas (rires). Ce style ne correspond
pas à ce que nous faisons. Peter est capable de faire des
plans très barrés mais parfois il joue des plans trop
classiques de guitaristes de bases. D'ailleurs, il a un projet électro
expérimental, Arcan. Malgré les difficultés,
nous avons trouvé de bonnes compositions et un équilibre.
Peter a le sens d'une simplicité sur une chanson et d'une
certaine efficacité que j'aime garder.
D'ailleurs
ton album a une vraie efficacité. Est-ce quelque chose que
tu travailles ?
Mademoiselle K : L'efficacité ne m'obsède pas
du tout. D'ailleurs " Ca me vexe" a été
travaillé toute seule. Après un concert où
il n'y avait personne, j'ai écrit cette chanson. J'ai eu
une remise en question. A cette époque, d'autres musiciens
jouaient avec moi. Composée seule, cette chanson est le résultat
de plusieurs rencontres, pas seulement de ce groupe là. Elle
est à la fois efficace et d'une grande simplicité
reposant toujours sur le même riff de basse, les mêmes
suites d'accords.. J'aime les compositions simples allant à
l'essentiel, dans lesquelles le texte et la musique ne se perdent
pas . J'apprécie moins les chansons à textes. Même
si le texte est très bon, il me faut un bon équilibre
avec la musique. Sinon, c'est un " texte dit " ou une
" chanson pas chantée" comme le dirait Loïc
Antoine. L'équilibre est très important entre
les chansons plus efficaces et celles plus compliquées. Il
en est de même pour les chansons plus légères
et celles très tristes. J'aime aussi bien composer des chansons
consensuelles que des chansons complètement barrées.
Sur le deuxième album, j'essayerais de m'aventurer sur des
chemins moins banalisés. Pour le premier album, il me fallait
composer des chansons claires pour pouvoir par la suite passer par
des terrains plus obscurs...
Alors tu
penses déjà à ton prochain album...
Mademoiselle K : Sans savoir encore quelle voie je prendrais,
je songe déjà à mon second album. Nous jouons
beaucoup en groupe. Même si, ce sont mes textes et ma musique,
je n'ai pas fait la partie de batterie, de basse et de guitare...
Très clairement le travail se fait en groupe. Le son dépend
du groupe. En même temps, j'aime être seule pour écrire.
Alors ce n'est pas impossible que le deuxième album soit
en solo avec des synthés (rires). Parfois, il me vient le
besoin de me recentrer toute seule et faire des compositions plutôt
barrées.
Des compositions
barrées à la scène ?
Mademoiselle K : C'est évident. Plus nous jouons sur
scène plus nous nous sentons chez nous. On est libre : ce
n'est pas pour rien qu'on ne travaille pas dans les entreprises
! (rires). Lorsque je parle de liberté, c'est aussi dans
la composition. J'aimerais trouver le juste milieu entre une vraie
chanson avec un vrai sens et une autre avec un sens surréaliste
pouvant être sinueuse. Radiohead y parviennent très
bien. Ils composent de vraies chansons passant par des mondes incroyables.
J'aimerais bien réussir cela ...
C'est un
gros projet !
Mademoiselle K : Exactement (rires)
Quelles sont
tes influences ? Qu'est ce qui t'a donné envie de faire de
la musique ?
Mademoiselle K : La musique a toujours fait partie de moi. A
l'adolecence c'est devenu plus décisif. Au lycée,
une prof de musique géniale m'a fait découvrir la
musique classique, le jazz... Exceptée la guitare classique,
j'ai beaucoup écouté de musique classique, de symphonies,
de quatuors à cordes... J'ai pris conscience que la musique
permettait d'exprimer des choses qu'on ne peut faire autrement.
J'ai toujours eu envie de faire de la scène. Chaque année,
lors de la fête de la musique, j'enviais les groupes. J'avais
envie de faire le feu mais j'avais rien de spécial à
dire et aucuns textes... C'est à seize ans que j'ai commencé
à composer des textes. A vingt ans je me suis mise au chant.
Lors d'une fête de la musique, une version d'un live de -M-
au New Morning diffusée à la radio m'a scotchée.
Il était accompagné seulement par Vincent Ségal,
son violoncelliste. Les chansons de -M- sont originales et il a
le groove. C'est un des rares artistes francophones pour lequel
je me suis dit qu'on peut chanter en français sans être
ridicule. Certaines de ses chansons me touchent encore notamment
" la mort de l'âme". En live, il propose un superbe
arrangement mélancolique sur cette chanson. J'accrochais
peu avec des artistes français comme Noir Désir.
Avant d'écouter le texte, j'écoute la musique. C'est
surêment pour cela que j'écoute davantage de musiques
anglosaxonnes. Toutefois, c'est en aimant les textes de Noir Désir
que j'en suis venue à leur musique. Plus récemment
j'ai flashé sur le dernier album de Dionysos ! Dans la chanson
françaises, les arrangements sont trop déjà
vus même si le texte est bon. Mais Loïc Antoine est un
artiste qui m'a scotché. La première piste de son
album m'a fait pleurer. Son écriture est à la fois
simple et dense avec de fortes significations. J'adore sa manière
de déclamer ses textes et son interprétation est géniale.
Il sait aussi mettre en rythme son texte. Il dit que c'est de la
chanson " pas chantée ". Un jour j'aimerais reprendre
une des ses chansons. Il m'arrive de reprendre des chansons de façon
personnelle, notamment " La nuit je mens " (d'Alain
Bashung) lorsque les textes me parlent à un moment. Loïc
Antoine est un des rares artistes français qui m'a cidèré.
Récemment j'ai eu la même sensation en découvrant
Alain Bashung. Au niveau du son, les albums restent indémodables
et les arrangement ne sont pas connotés " années
80 ". La chanson "Vertige de l'amour" passe encore
très bien. Par contre, " Gaby " a mal vieilli.
Même si j'adore les textes, elle est vraiment typée
avec les synthés. J'aimerais faire un album assez brut, indémodable
qu'on ne puisse pas voir cinq ou dix ans plus tard qu'il a vieilli.
Jeff Buckley et Radiohead m'ont beaucoup marqué
à l'adolescence. Ils m'ont donné envie de faire de
la musique tout comme la musique excutoire de Nina Simone.
J'aime plutôt des voix blacks et d'hommes surtout pour l'interprétation
! L'interprétation a une grande importance. D'ailleurs, je
me suis plus trouvée une voix : je balllade sur les registres
entre voix de poitrine et voix de tête. Un exemple significatif
de maîtrise vocale reste les Beach Boys sur "
Girls only knows ", où ils modulent toutes les deux
mesures. C'est quelque chose d'instable harmoniquement mais totalement
maîtrisé. J'aime changer parfois d'un la mineur et
finir en ré bémol majeur.
Sur quel
modèle de guitare tu-joues ?
Mademoiselle K : Je joue sur une Jazz Master de 66. Rarement
je change de guitare pour chaque chanson. C'est plutôt selon
une période. Avant cette guitare, j'avais une Epiphone
de 69 un peu cheap. Elle n'a pas la rondeur de ma Jazz Master.
Peter, mon guitariste travaillait dans un magasin de musique (Oldies
Guitars). D'ailleurs, notre rencontre s'est faite dans le magasin.
Au moment d'être signé, je recherchais une super guitare.
Peter m'a proposé d'essayer une super guitare tout juste
arrivé dans son magasin. Tout de suite, cette guitare bien
scratchée sur le bois m'a plu. Elle a bien été
joué partout et super bien équilibrée. Son
son est très bon. Donc je joue que sur ma Jazz Master. J'ai
gardé mon Epiphone en guitare de secours. Le problème
de l'Epiphone vient du manche collé, beaucoup plus sensible
à la chaleur. Ainsi l'Epiphone se désaccorde beaucoup
plus vite de façon ingérable.
Surtout si
tu joues plus d'arpèges ...
Mademoiselle K : Exactement. Cela bouge beaucoup et c'est gênant.
On bouge pas mal, il faut que les guitares soient solides. La Jazz
Master est incassable et très stable. Elle tient super bien
la route sans se désaccorder. Comme je souhaitais un son
plus épais, j'ai essayé des Gibsons. Mais cela ne
correspond pas avec mon jeu. Tout de même, j'aimerais bien
avoir une SG, et non une Les Paul qui sont trop larges et trop tippés
seventies. J'aimerais trouver une guitare particulière avec
un son un peu bizarre ! J'essayerai d'autres configurations puisque
je joue sur un ampli Orange combo. J'aimerais bien essayer
une Baffle avec une autre tête. Bien que j'ai déjà
mon son, je peux trouver d'autres choses. Il y a pleins de choses
que j'aimerais chercher davantage avec les pédales... Il
y a des combines... (rires)
www.mademoisellek.fr
Emmanuelle Libert
le 5 juillet 2006
|