Aviez-vous
besoin d'un moment de pause pour reprendre la vie de groupe ?
Romain
Humeau : Chacun des membres du groupe a fait quelque chose.
Sauf que pour moi c'était un disque médiatisé. Lorsqu'on est musicien,
on ne sait pas s'arrêter dans l'année. Il n'y a peu de pauses. Je
trouve plus d'inspiration en créant qu'en me reposant. C'est plutôt
en faisant des choses qu'on apporte de l'eau à son moulin.
L'album s'ouvre
sur un morceau rock en anglais : c'est une surprise ?
R.H.: Pas pour nous ! En tout cas, c'est délibèré de commencer
en anglais pour un groupe dit de « rock français ». Cela nous a
amusé de commencer en anglais. Nous ne sommes pas les seuls à le
faire : Superbus et Dionysos l'ont fait aussi. Chacun
a sa manière de le faire. Comme nous avons une volonté de mettre
les textes en avant. Nous faisons du rock mais aussi de la chanson.
Commencer avec ce titre en anglais, nous permet de commencer de
manière plus décontractée puis de rentrer dans le vif du sujet.
C'est une sorte d'ouverture.
Il est vrai qu'on prête plus attention aux textes en français
...
R.H. : Secrètement, je me suis dis que les textes en anglais
vont être décortiqués vu qu'on chante en français. Finalement les
textes ne sont pas spécialement profonds en anglais.(rires) C'est
toute l'astuce ! (rires)
D'où la surprise ?
R.H. : Exactement.
La voix en premier c'est une démarche franche du collier ...
R.H. : Il n'y a ni de vrai ni de faux rock'n roll. Dans le
rock anglo-saxon, il y a aussi des exemples de chanteurs francs
du collier comme Iggy Pop, les Beatles, Mc Cartney.
On est moins inspiré par la pop anglaise , même si Granddaddy
reste un groupe fabuleux que par le rock. Certains textes ne peuvent
être chantés comme une mélodie à chanter. Ces textes demandent une
attention qui peut être donnée de plusieurs manières. On évolue
quand même dans un climat sonore assez pesant et tendu. La voix
doit l'être aussi. C'est peut être le dernier album qui sera chanté
comme cela. Cela correspond à des envies.
Romain tu
écris, composes, joues de la guitare, chantes, arranges les morceaux
: comment font les autres membre d'Eiffel ?
R.H. : Ils sont dans la merde les autres.(rires)
Estelle Humeau : Chacun vient et joue sa partie. Romain donne
beaucoup d'éléments à la base pour chaque partie. Il lui vient en
même temps les textes, la musique et les idées de riffs. C'est vrai
qu'il amène beaucoup d'éléments à la base. Si un autre compositeur
entrait dans notre groupe en ayant l'intention de faire plein de
compos et ses parties de basses, ce serait plus compliqué. Mais
le groupe s'est monté ainsi. Ce qui n'empêche pas d'amener des idées,
de s'approprier les chansons à sa manière. Si Romain a envie de
bosser avec un groupe c'est aussi pour que les membres s'approprient
les éléments et les ressortent à leur manière.
R.H. : Je ne suis pas arrivé en voulant monter un groupe
et devenir compositeur et tout faire. C'est venu au fur et à mesure.
A aucun moment, je ne me suis dit : « tiens j'ai trente-cinq piges,
je vais écrire une chanson qui va marcher ! ». Tu fais pas mal de
choses et tu aimerais bien les jouer. Du coup, tu deviens compositeur
du groupe. J'ai une culture de groupe. Mais un groupe n'est pas
non plus un hydre à quatre têtes nées le même jour. J'aime le son
d'un groupe comme les Beatles, les Pixies... Même
David Bowie est un artiste solo qui joue avec un groupe
deux à trois ans. Quelque part, il a aussi une culture de groupe
en évoluant dans un son. J'aime l'idée qu'un des membres du groupe
arrive avec une chanson qui plait à tous et veuille la chanter.
Eiffel tourne depuis tellement longtemps qu'il y a un univers. Souvent
on n'a pas l'univers avec les accords et la mélodie mais l'essentiel.C'est
bien d'arriver avec une manière d'avancer les choses.
Billy Corgan
des Smashing Pumkins rejouait des parties de batterie lorsque cela
ne le satisfait pas. Est-ce quelque chose que tu fais Romain ?
R.H. : Beaucoup de groupes l'ont fait comme les Beatles,
les Stooges, les Pixies et même Noir Désir.
C'est très bien. Ce n'est pas pour dire si l'un ou l'autre est bon
ou pas. Sur un disque, on ne dit pas les mêmes choses que sur scène.
La liberté n'est pas pareille.
Qu'est ce que tu entends par « liberté sur disque » ?
R.H. : Par exemple le procédé d'overdub. On peut enregistrer
la basse, la batterie et la guitare. Ensuite on peut rajouter une
guitare puis enlever la première guitare. On peut bidouiller des
éléments de compositions a posteriori. Il y a du travail préalable
et a posteriori. C'est là où est la liberté. Ce n'est pas de savoir
qui a fait quoi sur la chanson. J'ai appris très récemment que Mc
Cartney jouait la batterie sur « Dear Prudence » ce qui ne m'empêche
pas d'adorer cette chanson.
Christophe Gratien : Cela m'a perturbé ! (rires)
R.H. : Le rendu de la chanson est le plus important. Ce n'est
pas qu'on s'en fiche humainement. Mais il n'est pas essentiel de
savoir qui a fait quoi sur la chanson. Ces détails sont pour des
techniciens de la musique. Le rock existe depuis quarante ans. Ce
genre de détails ne reste pas, mais plutôt l'émotion. Peu importe
le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !
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