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Je me suis fait
avoir, sans rire, encore une fois devant mon clavier à me
demander comment rédiger une chronique sans décevoir
des mecs que j'aime.
Christophe Godin, en voilà un gus que je ne veux pas
décevoir et depuis notre rencontre et ce disque, le Pierrejean
Gaucher.
C'est Christophe qui m'a envoyé cette galette,
pour l'avoir rencontré un certain nombre de fois et, ne pas
être hermétique à son humour, avant même
de l'écouter, je me suis demandé ce que son influence
ferait faire à Pierrejean.
L'humour de Christophe apparaît lors des titres
communs, ce que j'ai découvert, c'est qu'au fond, maintenant
que j'ai rencontré Pierrejean, je ne suis plus
capable de savoir qui a influencé l'autre parce que, dans
son genre, il est pas mal non plus Pierrejean. Ces
deux là font la paire. Ce disque est de l'aveu de Pierrejean
"mi live, mi maison", il me l'a dit avec sourire
d'oreille à oreille, fier de savoir par avance que, malgré
le nombre de fois que l'on écoutera cette galette, déterminer
les séquences Live de celles jouées en studio va s'avérer
difficile voir, impossible.
Un truc me chiffonne par avance, bien qu'un type comme Christophe
Godin, pour qui le mot versatilité a du être
inventé, joue avec un musicien pas typé Jazz euh...Pierrejean
Gaucher au hasard, le sort de leur galette et donc la considération
qui y sera apportée par les "vrais" amateurs
de Jazz, risque fortement d'être jouée d'avance: Jazz
pour néophytes du genre.
Injuste au possible car l'esprit du Jazz est là. Le Jazz
n'est il pas l'expression de la libre interprétation ? De
l'improvisation ? N'est il pas par essence proteïforme ?
Si il est bien deux mecs pour qui les étiquettes sont désuètes,
c'est bien ces deux là, comme me le confieront Pierrejean
et Christophe lors de l'interview qu'ils m'ont
accordé, ce catalogage de rigueur les exaspère au
plus haut point.
Pierrejean à grandi au son de Deep Purple,
The Who, Frank Zappa, Yes, King Crimson, le rock seventies,
nous sommes loin des citations coutumières de la part d'un
Jazzeux (z'man ?) non ? Quand à Christophe,
la musique de ces trente dernières années, tous formats
confondus se sont mélangés dans sa tête et,
le résultat en est ce jeu de guitare totalement à
part.
Ce disque est donc à l'image de ces deux mecs, un mélange
d'influences réparties sur 17 titres. Les arrangements sont
tantôt jazzys tantôt...allez je me lâche, je vais
dire Godaïens, après tout Ségolène
n'est pas la seule à avoir le droit d'inventer des mots.
Pour comprendre, peut être faut il commencer par dévoiler
le track listing, véritable boite de Pandore, il y a de tout
(pléonasme assumé).
Quatre titres de Frank Zappa: Lumpy Gravy (titre
remontant à 1968), Zoot Allures (1975),
Sleep Dirt dont la version est sublime de douceur (1979)
et enfin Let the water turn Black jazzy en diable
avec une rythmique jouée sur guitare sonnant acoustique mais
qui n'en est pas une, (ce titre est tiré du disque We're
only in for the Money datant de 1968, le titre original est
Let's make the water turn Black).
Fidèle à la conception qu'avait Frank de
la musique, qui pourrait être résumée de façon
très, très, minimaliste à une considération
visant à penser que la musique doit vivre, ne pas demeurer
figée. Ces titres ne sont donc pas des copies "note
à note" mais bien la perception et, l'interprétation
qu'en font ces deux mecs hors normes.
Deux obscurs groupent anglais (coucou Chris) se voient ici
repris, il s'agit des Beatles pour un Eleonor Rigby
qui demeure mon titre préféré sur ce disque,
une merveille et, The Police pour une reprise de Roxanne
à tomber.
Il y des morceaux communs, les titres Introduction,
Conversation, Engueulade, Contine
et Set List, ces titres tiennent de l'interlude prolongé
et, complètement improvisés. Difficile de ne pas avoir
la banane sur Engueulade ou Contine.
Bien sur Pierrejean et Christophe y
vont aussi de leurs titres La grenouille et le Boeuf, Petit
coup de Blues pour Pierrejean et Au pays de
Gandhi, The Toy maker ainsi que Derrière les
sourires pour Christophe.
J'ai découvert
Pierrejean avec ce disque de fait, je n'ai pas de
recul sur d'autres interprétations de ces mêmes titres
mais, je suis devenu fan et ce depuis que je l'ai vu les interpréter
avec humour, décontraction et passion sur scène.
Christophe, je l'ai découvert avec son Metal
Kartoon puis, Gnô, la reprise qu'il fait de Au
pays de Gandhi se trouve ici magnifiée, bien plus orchestrée
que sur le premier disque cité, le tempo varie (me semble
t'il) lui aussi pour en faire un titre ensorcelant bref, du grand,
très grand Christophe.
Il y a aussi des choses qui rendent ce disque attachant et, définitivement
particulier, les interventions de Christophe, les
mots que s'échangent ces deux cacous en toute décontraction,
l'humour de ces deux là est contagieux, Christophe
prétendant être décalé d'un titre avec
Pierrejean et considérant donc que c'est pour
ça que cela sonne bizarre, Christophe prenant
le public à parti qui du coup, se marre franchement.
Que dire de
leur impros ? Smoke on the Water apparaissant sur
Lumpy Gravy, Au clair de la Lune sur un autre.
Euh bah si, un truc en fait Pierrejean m'a précisé
que ces plages, hormis le riff Zappaiën du premier titre,
sont vraiment totalement improvisées.
Vous aurez compris depuis le début non ? Ce disque est un
moment de pur plaisir, pas calculé, joué par deux
mecs dont le talent est sublimé par la complicité
qu'ils ont atteint.
Alors disque de Jazz ? Peut être. De Rock ? Mouais. Disque
hors normes, et inclassable ailleurs qu'au rayon "plaisir
à l'état brut" ? On se rapproche là.
Putain de disque ? Oui.
Vous trouverez
cette galette sur le putain de site www.guitareuroshop.com
tenu par un mec qui a non seulement mon respect eu égard
au musicien qu'il est (voir la chronique de son disque Bloody
Karma), mais aussi pour la passion qui le pousse à
distribuer ce qui lui plait sans autre forme de considération,
j'ai nommé Franck
Ribière.
Vous le trouverez également depuis peu dans toutes les FNAC
car la distribution est aussi assurée par DJAZZ Distrib.
Ricardo
Interview de Pierrejean
et Christophe.
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