Inutile
de le cacher, nos références classiques coté guitares avoisinent
le zéro absolu. Non par manque de goût ou de curiosité, mais simplement
par manque de rencontres dans ce domaine, tout simplement. Nous
sommes tous nés guitaristes folk/rock/blues/picking sans passer
par la case "classique". Cela ne nous empêche nullement d'apprécier
ce genre (la démarche est quelque peu la même coté jazz), mais
cela nous pose toujours beaucoup de difficultés à en parler ou
à en écrire.
Pourtant quand le hasard (va falloir l'embaucher
celui-la car il fait du bon boulot) nous met en relation avec
une personnalité étonnante de ce monde, on passe le cap du ridicule
et on se lance. Parce que l'émotion prime avant tout. C'est ce
qui m'est arrivé avec Emmanuel Rossfelder avec qui je suis
entré en contact tout à fait par hasard et pour le plus grand
plaisir. Et j'espère, le vôtre aussi. En préambule à mes impressions
liées à l'écoute de son CD "Danses Latines", sachez
qu'Emmanuel distribue lui-même ce disque, notamment lors de ses
concerts. N'hésitez vraiment pas à le contacter si vous êtes intéressés.
Sa gentillesse fera le reste.
D'emblée, et sans retenue, disons que ce cd est parfait.
Tant dans son équilibre musical, passant des grands classiques
d'Isaac Albeniz -Asturias, Sevilla- ou de
Francisco Tarrega -Recuerdos de la Alhambra, la Gran
Jota- aux plus surprenantes pièces de Agustin Barrios
et surtout aux complexes tangos de Astor Piazzola, que
dans les extraordinaires interprétations qu'en tire Emmanuel.
L'ensemble magnifié par une splendide prise de son, toute dédiée
à l'équilibre sonore de la guitare. On la croirait dans la pièce,
et c'est peut dire.
Le disque débute par ce classique des classiques
qu'est Asturias. Et la, comme le précise Emmanuel
dans l'interview, on comprend mieux la valeur qu'apporte un interprète
d'aussi grande classe à ce type de morceau tant entendu. Moins
fougueux que certaines interprétations, celle d'Emmanuel est d'une
finesse extrême. Un véritable déluge de notes d'une très grande
beauté, sans esbroufe. Dans la foulée, Sevilla vous
emporte. La ou certains jouent bien souvent des basses quelque
peu métronomiques, Emmanuel a l'art de les faire glisser, vibrer,
vrombir même parfois. Sa guitare est puissante et chaude dans
ce registre. Il arrive même à nous distraire de la mélodie des
aigus de Recuerdos de la Alhambra par la finesse
du contre-chant des basses. C'est hypnotique. Et dans La Gran
Jota, fougue, technique, virtuosité vont vous couper le
souffle.
Les surprises viennent des pièces d'Agustin Barrios.
Les deux valses sont enjouées, mélodiques. En fait, peu "classiques".
Et sur Julia Florida, on retrouve avec plaisir ces
duels mélodiques basses/aigues, qu'affectionne visiblement Emmanuel.
Les deux derniers morceaux de cet album sont certes plus difficiles
d'accès. Ces tangos d'Astor Piazzola déroutent le non-initié
(j'en suis), par leur dissonance, l'enchevêtrement mélodique,
bref par une perte de repère. Mais l'émotion de l'interprétation
est si forte qu'on adhère plutôt facilement. Prouesse d'Emmanuel
Rossfelder.
C'est pour moi,
en tout cas, une formidable surprise. Pas de reproche à ce CD.
Il conviendra tout autant aux néophytes (la preuve) qu'aux plus
avertis. De la guitare magnifiée par un interprète hors pair et
ô combien exigeant (voir interview).
Jph
le 01 janvier 2002
Pour ceux qui souhaitent
voir Emmanuel Rossfelder sur scène, dans la mesure du possible
nous mettons ses dates dans nos news, sinon contactez le :
emmanuelrossfelder@hotmail.com
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