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• Jeff Kerléo - le Géo Trouvetou de la lutherie
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Je n'ai jamais rencontré Jeff Kerléo et ses instruments si ce n'est rapidement dans l'objectif de ma caméra lors des Internationales de la Guitare à Montpellier en 2011.
Ce luthier au parcours riche et atypique fera sans doute grincer les dents de certains puristes mais
ses créations méritent que l'on s'y intéresse de plus près.
Pour le salon Graines de Guitare, Jeff a décidé d'exposer un ukulélé, une classique et une manouche. Si le uke reste assez traditionnel, la manouche et la classique quant à elles ont été le fruit d'une longue réflexion.
En effet, pour le modèle manouche qu'il nomme "Osé", on retrouve l'idée que quelques luthiers adoptent : débarasser la table d'harmonie de la bouche et adapter le barrage afin d'agrandir la partie vibrante. L'évent étant reporté ici sur l'éclisse du haut. Assez osé en effet comme idée sur une manouche !
Pour la guitare classique, on retrouve l'idée d'une partie du barrage A-frame de George Lowden, avec deux barres en forme de "A" au dessus de la bouche qui viennent s'insérer dans le talon.
Quand on visite le site de Jeff Kerléo, on a l'impression de se retrouver dans l'atelier d'un Géo Trouvetou de la lutherie, tellement ses créations sont toutes différentes et concernent presque tous les instruments à cordes pincées !
J'ai hâte d'entendre et de voir ces trois modèles les 6 et 7 juillet 2013 à Moncourt Fromonville.
Si vous êtes curieux comme moi, vous savez ce qu'il vous reste à faire début juillet !
En attendant, je vous invite à découvrir Jeff à travers son parcours et la présentation de ses trois modèles. Jeff est aussi bavard qu'inventif, profitez !
Jacques Carbonneaux - le 04 février 2013 - Les coordonnées de Jeff Kerléo - Le site de Graines de Guitare |
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• Le parcours de Jeff Kerléo
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A 16 ans, en troisième (oui, je sais j’étais déjà à la bourre) j’ai voulu une guitare parce qu’un de mes copains de classe en avait une, sauf que mes parents n’en voyaient pas l’utilité… Bon ben, je vais me débrouiller, je vais me la fabriquer !
J’ai toujours été habile de mes mains, ça c’est de ma mère que je le tiens. Tout ce qui est manuel et artistique m’a toujours attiré. Dans ma jeunesse, j’ai fait du dessin, de la peinture (huile, aquarelle, pastel, fusain…), de la sculpture.
Au niveau étude, il était hors de question pour mon père de m’orienter vers un métier d’art, il ne voyait que par la mécanique : « c’est pas la femme qui est l’avenir de l’homme, qu’il disait mon père, c’est la mécanique ! »
C’est ainsi que je me suis retrouvé à 19 ans avec une batterie de CAP, BEP de tous poils : mécanique générale, tourneur, fraiseur, ajusteur, dessin industriel… Je ne regrette rien, et je peux même dire : merci papa ! En effet cela m’a permis plus tard, après avoir galéré un peu de petits boulots en sales boulots de trouver, à 28 ans, un bon job dans une grande entreprise française.
En 1982, grâce à un ami installé comme artisan tourneur fraiseur, Je me suis fabriqué quelques machines à bois, rabot-dégau, toupie, scie à ruban… je me lance dans l’ébénisterie, en amateur. Je fabrique mes meubles pendant mes loisirs. Puis une ou deux guitares pour moi.
D’autres guitares viendront petit à petit, pour des amis des parents. A l’époque, sans Internet, il n’était pas évident de trouver des plans et c’est en écumant les bibliothèques des villes du Finistère que je me suis constitué dès 1983 une documentation très fouillée et plutôt pointue.
J’y plonge encore un œil de temps à autre aujourd’hui ! Entre autre livre, j’avais dégotté à la bibliothèque de Gourin un magnifique bouquin sur l’origine de la guitare de CF Martin et son barrage en X à la Gibson Mark et le premier barrage Kasha, rien que ça ! Tu parles d’une révélation pour moi. Je n’ai juré que par Le docteur Kasha pendant des décennies.
Ma production de guitare est restée anecdotique et sporadique pendant très longtemps. Mais néanmoins, je m’étais astreint à fabriquer au minimum une guitare par an. J’ai copié les principales guitares électriques incontournables, Les Paul, Gibson SG, Fender Telecaster et Strato, Gibson L5… J’ai créé quelques modèles perso, mais un peu trop « Osés » pour l’époque…
Puis, en 2003 j’ai rencontré Matéo, très branché manouche. Sachant que je fabriquais des guitares en amateur, il me propose de lui faire une manouche type Selmer. Il avait acheté les plans (la petite et la grande bouche) chez François Charle. J’ai commandé les bois et en juin 2003 je sors mes deux premières manouches. Matéo étant un musicien qui bourlingue pas mal et qui rencontre plein d’autres musiciens, cela m’a fait connaître et d’autres commandes ont commencé à tomber.
La grande entreprise française pour laquelle je travaillais toujours à cette époque, m’a permis de passer à 32 heures par semaine. Dès lors, une grande partie de mon temps libre est dévoré par la lutherie. En 2004, je dessine et fabrique mon prototype qui deviendra le modèle Osé.
A la même époque, grâce à Internet, je découvre les autres luthiers français. Alain Quéguiner et Frank Cheval m’impressionnent particulièrement, mais aussi l’habileté commerciale et les multi-compétences de Maurice Dupont… La fibre du luthier, qui somnolait en moi depuis mes 16 ans, était en passe de m’accaparer tout entier. L’envie de me lancer me titillait de plus en plus, en 2009, je prends une année sabbatique, et en mai, je me déclare sous le statut d’autoentrepreneur et consacre alors tout mon temps à la lutherie.
La régularisation de mon nouveau métier me permet de suite de faire un peu de publicité et surtout de participer à des expos. La rencontre d’autres luthiers aux Internationales de la Guitare à Montpellier, en 2009, 2010,2011 et cette année m’a beaucoup apporté. En juillet, j’ai rencontré Frank Cheval lors d’une exposition aux Rencontres Acoustiques d’Astaffort. Je crois que je l’ai saoulé avec mes questions, mais il a fait comme si je ne l’embêtais même pas… Merci, Frank ! |
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Je peux dire que mon instrument de prédilection est la manouche, mais c’est certainement parce que c’est celle que je vends le plus… Quoi que cette année, ce sont les folks qui tiennent la tête. En fait, au fond de moi, je ne sens pas vraiment d’appétence distincte pour un genre spécifique. Chaque fois que je suis contacté par un client pour une nouvelle commande, je la prends et la réalise avec délice, quel que soit le modèle.
Quant à la réaction des guitaristes manouches en face de mon modèle Osé, le moins que l’on puisse dire, c’est que ça varie beaucoup. Les puristes, fans de Django jusqu’au slip, ne la regardent même pas. D’autres moins sectaires, s’y penchent, certains, n’aiment pas du tout avoir la projection dans la figure, mais d’autres apprécient le fait qu’on entende mieux les basses que sur une manouche « normale ». Jim Grandcamp (guitariste sur la tournée de Michel Jonasz en ce moment) a essayé mon modèle Osé en janvier 2012, il a été séduit, et par ses qualités sonores et par son confort de jeu. Mais il ne m’a pas passé de commande, hélas ! Le plus beau compliment que j’ai reçu sur ce modèle est venu lors des Internationales de la Guitare à Montpellier cette année, et il est venu de Jean-Charles Dugain. Il joue avec une réelle sensibilité, c’est un régal de l’écouter se laisser porter par son jeu… Il a donc pris mon modèle Osé, et ne l’a pas lâché pendant 45 mn. En remettant la guitare sur son stand, Jean-Charles, me dit : « si j’ai pu tenir aussi longtemps sur ta guitare, mec, c’est qu’elle est vraiment très bonne ! ».
Pour finir, avec mes futurs projets… Quoi te dire ??? J’en ai plein la tête et je ne les réaliserai certainement pas tous. Déjà, j’essaye d’améliorer encore un peu le modèle Osé, ainsi que mes manouches avec la bouche là où il faut pas, en travaillant le barrage.
Jeff Kerléo - le 04 février 2013
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