Un salon maigre en exposants mais riche en potentiel

Avec un stand d'exposition dont le tarif a doublé depuis l'année dernière, le salon s'est privé d'une grande majorité des luthiers français présents l'an passé ou souhaitant y participer cette année, passant de 70 exposants à moins de 30. Malgré tout, Armel Amiot, responsable du salon depuis 2015, a réalisé un travail plus que compliqué avec, au bout du compte, un résultat qui mérite respect et félicitations !

Les chiffres et un premier bilan : 2000 visiteurs sur les deux jours et demi, 1100 billets vendus pour le festival et ses concerts. La convivialité, l'accueil et l'organisation, le tout orchestré par Armel Amiot et son équipe, a été exceptionnel. Scène ouverte acoustique, démonstrations sur scène, master-class, débats ouverts, restauration, salles d'essais... tous ces points ont été très bien organisés et ont permis aux visiteurs de passer d'agréables moments.

Un salon au visage nouveau qui fait grincer les dents mais qui séduit par son potentiel

La grande nouveauté de cette édition a été de voir se dessiner un nouveau visage du Salon de la Belle Guitare, avec la présence de nouveaux acteurs autres que les luthiers artisans, avec des marques comme Eastman, Maybach, Larson Bros mais aussi des noms prestigieux de la lutherie internationale comme Santa Cruz, Collings, Atkin (UK) et Huss&Dalton, mais représentés au salon, non pas par les marques elles-mêmes mais par le magasin "Acoustic&Jazz" de la célèbre rue Douai à Paris. Les guitares Lowden avaient également un stand mais sans la présence du luthier.

Concernant les luthiers français, 6 facteurs de guitares et trois facteurs d'amplis et pédales: Franck Cheval, les frères Chatelier, Mathias Caron, Heaven Guitars, Olivier Fanton d'Andon, Yoann Charbonnier pour les guitares. IT-11 et Heptode pour les amplis et pédales et enfin Two-Notes (loadbox et simulateurs d'amplis).

Les luthiers étrangers : Maurice Ottiger, Soultool (Suisse), Ralph Bonte, Benoît Meulle-Stef (Belgique), MOV Guitars (Italie), Rosawood (Rep Tchèque).

Les écoles : Bend-Note, Atla. les fournisseurs de bois : Filbo, Bois de résonance, les importateurs : IMF, Voyage Air, les cordes : Savarez et Elixir. Pour finir, les assurances Verspieren et le média la Chaine Guitare.

Alors ce nouveau visage, il faut en penser quoi ?

Certains vont considérer que c'est un tort d'ouvrir le salon à d'autres exposants que des luthiers artisans et qu'il faudrait suivre le chemin qu'a souhaité prendre EGB avec son salon de Berlin, fermé à toutes les grandes marques et importateurs.

Pour ma part et pour l'avoir vécu en direct sur le salon ce week-end, je pense que c'est justement une très bonne chose que de mettre ces différents acteurs en concurrence loyale, et quand je dis loyale, je pense à une surface d'exposition équivalente entre l'artisan et une grosse marque ou un importateur.

J'ai pu tester et mettre en concurrence, en temps réel, des guitares de luthiers avec des guitares issues d'une production industrielle ou semi-industrielle, chose impossible à faire ailleurs puisque les guitares de luthiers ne sont pas, ou si peu, distribuées par les revendeurs. Pour prendre l'exemple des guitares flat-top, très présentes lors de cette édition, les acheteurs potentiels de guitares folks haut de gamme ont pu tester et mettre en comparaison des modèles Cheval, Chatelier, Charbonnier, Rosawood, etc. avec des modèles chinois Eastman, américain Santa Cruz, Collings etc.

Le bilan des tests effectués, que je vous présenterai dans un prochain reportage, est très positif pour les luthiers car la qualité de leur travail est à la hauteur et parfois bien supérieure à toutes les marques industrielles et semi-industrielles proposant du haut de gamme.

Si on pense "salon" aussi pour le musicien qui s'y rend, ce point est positif si l'on respecte certaines règles (équité de surface, cohérence des gammes de prix des modèles exposés, etc.).

La guitare classique a investi le Beffroi

La guitare classique manquait lors des précédentes éditions et la présence cette année du nouveau partenaire, le magazine "Guitare Classique" qui a programmé un concert et un concours pour élire la "Révélation Classique 2016". a permis d'ouvrir les portes du salon mais aussi du festival à la corde nylon. Les trois luthiers qui présentaient ce type de modèles ont pu concrètement apprécier des visites ciblées sur leur stand.

Perspectives d'avenir

Malgré le peu d'exposants, conséquence directe de la forte augmentation du tarif du stand, le potentiel du salon s'est avéré encore une fois cette année comme l'un des plus importants à ce jour en France. L'absence d'un vrai partenariat avec les luthiers français et l'association APLG est le cœur du problème pour que ce salon vive enfin le succès qu'il mérite. Il est donc indispensable que ces acteurs se rencontrent à nouveau afin de préparer au mieux la prochaine édition.

Je conclurai sur les propos de Pierre Journel où il écrit dans son reportage dédié à l'événement : "Je pense qu'il est important que les luthiers français s'organisent mieux en particulier autour d'un vrai projet fédérateur comme l'organisation d'un salon, que ce soit le Beffroi ou un autre. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. A cet effet l'APLG devrait s'inspirer de l'EGB (son homologue européen, auquel La Chaîne Guitare est aussi adhérent) qui organise chaque année avec succès, selon moi, le Holy Grail Guitar Show." (Pierre Journel - La Chaine Guitare - le 30 mars 2016)

Je peux témoigner, en tant que membre fondateur d'EGB (2012) et d'APLG (2013) et ayant assisté aux AG constitutives de ces deux associations, que ma première idée et proposition a été de mettre l'APLG au cœur du salon, lorsqu'il m'a été proposé d'organiser la première édition de Guitares au Beffroi en 2013. Mais contrairement à EGB, qui est seule à organiser The Holy Grail Guitar Show, l'APLG a du travailler en binôme avec un partenaire qui n'avait pas les mêmes objectifs pour cet événement. Cette quatrième édition est donc le fruit de ces divergences.

De plus, il ne faut pas oublier que l'APLG a mis en place dès sa création, des partenariats pour créer LE salon qui répondrait aux besoins de ses membres et du public des guitaristes. Graines de Guitare, Guitares au Beffroi et La Bellevilloise représentent tout de même ce qui n'a jamais vraiment été tenté en région parisienne avant la naissance de l'APLG.
Qu'elle s'organise mieux certes, je suis d'accord avec Pierre, car le résultat n'est pas au rendez-vous c'est évident. Mais contrairement à EGB, qui a focalisé tous ses efforts sur une seule action d'envergure, celle de créer un salon, avec une personne payée à plein temps pour s'en occuper, l'APLG a quant à elle engagé bien d'autres chantiers : la formation, un symposium, sa représentation auprès des ministères dont elle dépend (culture, économie, artisanat), la création d'une charte de qualité, etc. et cela issu du travail uniquement bénévole des membres du bureau. Cela prend donc plus de temps, demande plus de patience et d'opiniâtreté.

L'idée serait, en effet, qu'APLG organise seule son propre salon et finance un poste à temps plein comme le fait EGB. Mais avant de se poser cette question, il serait judicieux de revoir l'implication d'APLG dans l'avenir dun Salon de la Belle Guitare qui a prouvé, malgré les tempêtes, son vrai potentiel.

Jacques Carbonneaux - le 30 mars 2016 - Le site de Guitares au Beffroi