Pour continuer dans notre dossier consacré aux inscrustations, nous vous présentons un des maîtres en la matière : Pierrick Brua.
Luthier spécialisé en arch-top, Pierrick réalise également des guitares à cordes nylon et acier. Il nous présente ici la réalisation d'une magnifique rosace sur une guitare classique :
"En lutherie guitare, les travaux d’incrustations se font généralement sur les têtes et les touches des guitares. La raison principale à cela est que ces parties de la guitare offrent une surface relativement importante qui permet au luthier de pouvoir s’exprimer pleinement, ainsi qu’une surface le plus souvent en ébène et donc noire. En effet, pour des raisons esthétiques, les incrustations sur une surface foncée permettent d’avoir une finition impeccable lors de la phase d’incrustation du matériau utilisé.
La partie de la guitare choisie pour faire une incrustation est ici la rosace, pour la bonne et simple raison que la guitare en question est une guitare classique de concert, sur laquelle il n’est pas vraiment traditionnel de faire une incrustation sur la tête et/ou la touche.
La première difficulté est donc de faire un dessin qui conviendra à la surface très restreinte de la pièce à incrusté (14mm de large) ainsi que la forme de cette pièce (un cercle).
J’ai opté pour une composition florale d’iris, inspirée de l’œuvre d’Alfons Mucha, génie absolu du dessin Art Nouveau de la fin XIXème, début XXème siècle. Ce dessin une fois réalisé présente l’avantage d’une composition un peu abstraite, parfaite pour le peu d’espace disponible. Lorsque je fais un travail d’incrustation sur un instrument, une fois le dessin terminé, je fais généralement plusieurs photocopies de celui-ci. Cela me permet ensuite de découper avec un scalpel toutes les pièces et de les coller sur mes morceaux de nacre.
Les nacres utilisées pour cette composition sont de trois sortes : de la nacre blanche, verte et bleue. Bien d’autres matériaux peuvent être utilisés pour des incrustations : des métaux, de la pierre, du bois, de l’os et bien d’autres encore. Pour cette composition je me suis limité aux seuls coquillages.
Vient ensuite la seconde difficulté : la découpe des pièces de la composition à la scie de bijoutier. La difficulté vient ici plus de la taille de chaque pièce, parfois moins de 3 mm², que de leur nombre, à savoir 55 pièces pour cette incrustation. Mais avec de la patience et de l’expérience, on arrive à faire des découpes qui ne nécessitent presque plus de retouche à la lime. La nacre telle qu’on l’utilise en lutherie (entre 1 et 2mm d’épaisseur) étant un matériau relativement cassant, il est important de travailler plutôt lentement, en changeant régulièrement la lame de la scie.
Une fois toutes les pièces découpées et numérotées, vient la troisième difficulté : l’assemblage des pièces entre elles. Les pièces doivent en effet s’imbriquer les unes dans les autres le plus précisément possible. Je colle toutes les pièces avec de la cyanolite avant des les incruster dans la pièce d’ébène.
La suite se compose du travail de défonce de la pièce d’ébène à l’aide d’une petite défonceuse, en essayant de rester au plus près du trait final. De l’incrustation en elle-même avec de l’époxy mélangée à de la sciure d’ébène ce qui permet de combler les éventuels jours entre la nacre et l’ébène, et enfin, après ponçage, de la découpe de la pièce d’ébène faisant apparaître la rosace terminée. Vient pour finir l’incrustation de cette dernière avec sa fileterie dans la table en épicéa de la guitare.
Avant de vernir la guitare, j’ai gravé certaines pièces de la composition. Un peu d’encre noire au fond de cette gravure fait apparaître les traits du dessin. Le vernis final emprisonne cette encre."
Pierrick Brua - Jacques Carbonneaux - Mars 2011 -
Coordonnées de Pierrick Brua
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