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22 décembre
2007, 6h00 du mat. L’hiver québécois est déjà
bien installé. Déjà 90 centimètres de
neige au sol… Un noël blanc. Yé!
Je suis installé
à la fenêtre pour y attendre mon ami Joe. Depuis déjà
6 mois que nous préparons ce périple… J’ai
du vendre plusieurs guitares pour amasser assez de sous. Et surtout
j’ai dû négocier mon entrée au cénacle…
Une rencontre
à Boston, puis plusieurs emails restés sans réponses
et finalement deux conversations téléphoniques ont
été nécessaires avant qu’il accepte ma
visite. Je suis chanceux d’être tombé sur un fan
de jazz… Mon affiliation au Festival International de Jazz
de Montréal a joué en ma faveur.
«Il»
c’est Mark (nom fictif). Mark est un jeune américain
dans la quarantaine qui a fait fortune en vendant son entreprise.
Et que fait-il avec ses millions? Il s’est constitué
l’une des plus impressionnantes collections de guitares vintages
au monde…
Mais en ce matin
du 22 décembre, je ne le sais pas encore. Ou plutôt,
je n’ai pas pris la pleine mesure de ce que je vais découvrir
aujourd’hui.
Il a été
clair. Il n’est pas un magasin. Il n’a pas de site web.
Et chose très étrange, Google ne donne aucun résultat
avec son nom… Pourtant, on m’assure qu’il est un
«gros joueur». Une grosse pointure quoi. Et Mark a accepté
de me recevoir dans sa voûte: l’endroit où sont
entreposées ses guitares. Je n’ai donc rien à
perdre, si ce n’est qu’une journée épuisante
de voyage, car je devrai faire environ 6 heures de route à
l’allée et 6 heures de route au retour.
Heureusement,
la température est de notre bord… Ciel clair, peu de
trafic et voie déneigée.
Et on ne s’ennuie
jamais avec Joe, mon copilote.
Joe, c’est
tout un numéro. Début soixantaine, italo-québécois
à la retraite, cet homme ne joue pas une note de guitare,
mais possède une collection de guitares vintages bien plus
impressionnante que la mienne. Et les guitares vintage, il connait
ça. Je ne suis pas gêné de le dire. La plupart
de mes connaissances, je lui dois. Il m’a pris sous son aile
et depuis quelques années, il me transmet son savoir. Il
est en quelque sorte mon mentor vintage! C’est avec lui que
j’ai démonté en pièce ma première
Stratocaster. Je me sentais un peu comme un jeune puceau au bordel!
J’étais nerveux et j’avais peur de tout briser…
Mais avec patience, Joe me raconte chacune des guitares. Comme une
aventure. C’est fascinant!
Bref 6 heures
de routes avec Joe, c’est 6 heures de routes à parler
guitare : comment il a mis la main sur une Gibson Super 400 des
années 50, ce qu’il faut regarder pour identifier le
corps d’une Stratocaster de la fin des années 60, la
valeur supérieur d’une Telecaster du début des
années 70 si elle n’a qu’un seul «string
tree» vs celles qui en ont deux…
Comme à
l’église
Nous y sommes.
Le bâtiment ressemble à une immense église transformée
en centre d’affaires. Au rez-de-chaussée, on y trouve
un bureau de poste, le fisc américain et quelques bureaux.
On retrouve
Mark au deuxième. Il ouvre une porte vitrée. La pièce
est tout petite, du moins c’est ce que je crois au premier
regard… Mais la pièce est dense… Très dense.
Il allume la
lumière et nous découvrons une pièce de 10
mètres de large sur 14 de profond. Une pièce remplie
de guitares…. Une forêt de guitares. À vue de
nez j’en compte près de 100.
C’est plus
fort que moi : je recul d’un pas. Silence. Je ne sais que dire…
Mes yeux s’habituent
à la pénombre de la pièce et découvrent
un ilot de Gretsch : White Falcon, Country Gentlemen, Chet Atkins,
Country Club, etc… Elles sont toutes là!
Mark nous encourage
à entrer. Devant moi un écrin. Une magnifique guitare
jazz «archtop» est sous une cage de verre. Je ne rêve
pas : une D’aquisto. Mark explique : «c’est la dernière
que D’Aquisto a construite avant sa mort.» Wow!!!
Cette section
de la pièce est peuplé d’archtop Gibson et de
lutherie : ES 175, ES 300, Super 400, ES-5, Birland, Johnny Smith,
L-5. Ma foi je suis dans un musée!!! Un peu plus loin j’aperçois
une archtop du grand John Monteleone. Impossible de la manquer avec
son design moderne. Et sur le mur trône fièrement une
archtop de la canadienne Linda Manzer, créatrice des guitares
de Pat Metheny.
Je réalise
que je tremble un peu. En fait je suis si nerveux que j’ai
aussi la gorge sèche.
Je me retourne
et au même moment Mark pointe l’autre coin de la pièce
en m’expliquant que c’est son coin acoustiques. C’est
incroyable : on dirait un conventum de Gibson et de Martin. Des
guitares des années 40, 50 et 60 : Southern Jumbo, J 200,
D-18, Hummingbird, OO-18, OOO-28, D-28…
Joe aussi est
sous le choc. Je le constate par son silence.
Mais nous n’avons
rien vu encore.
Marc nous explique
qu’il occupe l’ensemble du deuxième étage
de ce building : 50 mètres de guitares de collection!
Et nous passons
par une arcade pour tomber dans sa pièce Gibson «solidbody»
et «semi-hollow». Bon là on passe aux choses
sérieuses… Un mur de Gibson Les Paul Goldtop, un coin
de Gibson SG rouges, un tas de LesPaul Jr, un lot de ES-335 cerises.
Et ici et là, des modèles spéciaux et uniques.
Autre arcade
et rebelote mais dans le monde merveilleux de Fender. C’est
une pièce plus grande encore. On y trouve une armée
de Fender. Je capote (version québécoise de je vie
un bonheur incommensurable) : sur le mur à droite en entrant
est suspendue une Fender Telecaster ayant appartenue à Stevie
Ray Vaughn. Mark a eu la bonne idée de placer une photo de
Stevie avec cette guitare juste à côté. Je suis
au paradis des guitaristes!
Et tout autour
de cette pièce, sur les murs, sur des podiums et même
dans les marches d’un escalier, on est éblouie par des
dizaines de Fender Stratocatser et Telecaster des années
50 et 60.
Joe est sous
le choc aussi. Il répète sans cesse à Mark
qu’il est impressionné par sa collection. Moi je suis
silencieux. Les mots me manquent.
Mark content
de son effet ouvre un étui et me montre une Fender Telecaster
1951 : une Blackguard!
Une des choses
qui m’impressionne le plus est la collection de Fender Telecaster
Thinline de couleurs spéciales. Ce sont toutes des guitares
produites en petites quantités, certaines sont uniques :
rose bonbon, jaune canari, bleu cyan. Et ses exemplaires sont toutes
comme neuves. Impressionnant!
Grosso Modo,
il possède toutes la Stratocaster de toutes les années
et de la plupart des couleurs… Ouch!
Dans les escaliers,
il a tous les modèles Fender en Sonic Blue (années
60!).
Eh oui l’escalier,
car au dessus de ces pièces, il y a d’autres pièces…
Une pièce pour les Ibanez rares, les PRS Dragon et les guitares
européennes: Eko, Hofner, Italia et autres…
Puis une pièce
pour les guitares classiques, et une pour les resonators…
Jamais je n’aurais
pensé voir tant de guitares de grande valeur au même
endroit!
Shopping!
Bon les vraies
affaires commencent… Je lui annonce le budget dont je dispose
et lui dit que j’hésite entre une Stratocaster, une
ES-335 ou une Telecaster…
Il hésite
et se gratte le menton. Puis il me regarde avec un regard gêné
et me dit qu’il n’est pas sûr d’avoir de guitares
à ce prix là… À ce prix si bas veut-il
dire!!! Imaginez, je me prépare à acheter la guitare
la plus dispendieuse que j’ai jamais achetée et pour
Mark, c’est le bas de gamme!!!
Heureusement
après quelques minutes de recherche, il dégote une
Fender Stratocaster 1969 qu’il peut me vendre… Fiou!
Et là,
mon ami Joe prend charge… Il questionne sur l’origine
de la guitare. Mark en gars honnête nous offre de «l’ouvrir»,
histoire de nous assurer que la guitare est bien 100% originale.
Je vous l’avoue, sans Joe j’aurais acheté la guitare
et je serais partie sans l’ouvrir, trop intimidé par
toute la situation. Mais Joe, en vieux loup de la guitare vintage
ne se fait pas prier et équipé d’un tournevis,
rapidement, défait le manche pour dater la guitare. C’est
bien un manche de 1969. Tout va bien. Puis il dévisse le
«pickguard» et examine les micros. Tous des 69, c’est
noël.
C’est en
replaçant le «pickguard» qu’il lance un
petit oh… Mark tout de suite est à l’affut…
Joe montre du doigt les cavités dans le corps. Quelque chose
est louche. Mark croit que c’est normal pour une 1969. Joe
challenge cette opinion. Mark décide d’appeler un de
ses amis expert en Stratocaster. Merde, il est d’accord avec
Joe. Le corps n’est probablement pas original.
Mark veut en
avoir le cœur net. Il prend le corps et l’apporte dans
un petit bureau. Il ferme la lumière et allume une «blacklight».
Il m’explique que cette lumière passe à travers
le fini de la guitare, comme un rayon X. Joe s’exclame : voilà!
Tout est clair,
avec la lumière on voit que le corps a été
modifié, puis a été rénové. Cette
guitare vient de vivre un crash boursier! Elle perd 50% de sa valeur
sur le coup.
Évidemment
Mark est désolé. Il ne le savait pas, j’en suis
sûr.
Mais moi je
me retrouve sans guitare!
Mais Mark en
bon prince me dit de patienter un instant. Il revient avec une Fender
Stratocaster 1968. Il m’explique que Jimmy Hendrix jouait une
68 à Woodstock.
Je lui dis que
si c’est bon pour Jimmy, c’est bon pour moi. Je prends
quelques instants avec la guitare. Un sel accord de sol me convainc
que nous sommes faits l’un pour l’autre. Cette guitare
résonne comme les cloches de Notre-Dame de Paris. Et elle
se glisse dans mes mains comme les courbes de ma douce épouse.
Mark me montre
le case, d’origine, avec à l’intérieur,
la «strap» d’origine, le fil d’origine, le
linge d’origine et le livret d’instruction d’origine.
Une vraie pièce de collection! Mon Saint Graal!
Le retour a
duré près de 9 heures (maudite neige québécoise).
Mais on s’en foutait. Nous venions de vivre un moment de grâce…
Et sur le siège arrière, ma 68 dormait tranquillement!
Jacques-André Dupont - Le 24 février 2008 - www.guitarjunky.ca
- www.myspace.com/guitarjunkycanada
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Du 27 au 29 juin www.montrealguitarshow.com
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