Cette rarissime biographie bien documentée est tirée
du site officiel de JJ Cale (http://www.jjcale.com).
Site indispensable pour tous les fans.
Elle couvre la période des débuts de
JJ Cale jusque l'année 1992. Elle parut dans le receuil :
The
Very Best Of J.J. Cale songbook
Nous y avons ajouté nos propres commentaires
concernant les années suivantes jusqu'à nos jours
2001.
Nous espérons
que cet article sera non seulement instructif mais aussi représentatif
de cet atypique, décalé et modeste personnage qu'est
JJ Cale, guitariste et compositeur hors du temps, inspirant tant
guitaristiquement que vocalement, les plus grands. De Clapton à
Knopfler. Excusez du peu.
Coïncidence ou pas, l'expression
"décontracté" (Laid-Back) devint d'usage
courant à la période même ou sortit le 1er album
de JJ Cale. "Decontracté" n'était pas synonyme
de lent. C'était un état d'esprit applicable à
n'importe quel tempo. Une chanson rapide pouvait être aussi
decontractée qu'une chanson lente. Tout dépendait
de l'approche.
Cale est arrivé au moment ou des suites interminables
emplissaient des faces entières d'album, avec des titres
long comme des paragraphes. Au milieu de tout ça, Cale débarqua
en s'ajustant sur les bons vieux formats pop, ces morceaux qui disaient
juste ce qu'ils avaient à dire en 3 minutes chrono.
Sa seule concession au monde moderne fut juste d'étirer
parfois une chanson vers les 4 minutes. Non, qu'il ne puisse jouer
un pièce de 20 minutes, il n'en voit simplement pas l'intérêt.
Dans un monde porté vers l'excès, Cale devint un virtuose
de l'économie. Même ses titres d'albums expriment tout
en peu de mot "Naturally, Really, Okie, Five
".
Cale semble être fier de s'être protégé
de la célébrité "J'ai vite découragé
ceux qui me voyait en vedette" dit Cale "Ton ego te flatte
: 'Hey, je suis quelqu'un d'important' mais moi, je savais bien
que la plupart du temps je ne voudrais être que John Cale".
Quelqu'un qui le connaissait depuis l'école le peint en raton
laveur rusé sur la pochette de son premier album. Tu l'aperçois
parfois dans ton champ de vision et il disparaît aussi vite.
Il retourne vers le lac. Vers le désert. Vers son mobile
home
JJ Cale a donné
peu d'interview en 25 ans. On a coutume de dire qu'une interview
de Cale a la régularité de la Comète de Halley.
Seules les questions techniques sur les guitares ou les équipements
de studio font jaillir des réponses précises. L'intimité
du personnage n'est connue que de lui seul. Les chansons de Cale
sont souvent tordues, truffées d'ironie, mais elles sont
profondément révélatrices. Cale est devenu
-de son propre choix- le Howard Hughes du rock'n roll. Si c'est
une attitude, c'est une de celle qui a rendu fou tous ceux qui ont
travaillé avec lui durant ces 25 années. Si cale pouvait
écrire ses chansons, faire ses disque et ne jamais se montrer,
il le ferait probablement sans hésiter.
Cale est né à
Oklahoma City. Il grandit et alla à l'école à
Tulsa. "C'était une chouette ville de nightclubs"
dira-t-il "Beaucoup de bars. Ils ne payaient pas beaucoup,
mais on s'amusait tellement qu'on en oubliait notre pauvreté.".
Ses premières influences proviennent des disques de rockabilly
de Memphis, et des joueurs de blues comme Clarence "Gatemouth"
Brown et Billy Butler.
JJ Cale : "En essayant de jouer comme eux, je me suis planté,
et je suis arrivé à mon propre style"
Dans cette mouvance rock autour de Tulsa, on trouvait aussi David
Gates, qui formera plus tard Bread, Russell Bridges rebaptisé
lui-même Leon Russell, Carl Radle et Jimmy Karstein
qui rejoindront Cale plus tard. Tout ce petit monde atterrit à
Los Angeles. Russell en premier qui en revint en disant que la-bas
on pouvait vivre en faisant de la musique. Cale ira en 1964 : "Quand
je suis arrivé à Los Angeles, j'ai décidé
que quelque soit le salaire (de musicien), ce serait toujours mieux
que danser la polka. Je n'aime pas sortir du lit trop tôt".
Cale sera producteur dans le home-studio de Leon Russell à
Sky Hill Drive et c'est la qu'il rencontrera Snuff Garrett,
qui fut à la tête de de A&R chez Liberty Records.
Garrett avait découvert Bobby Vee et était producteur
indépendant en partenariat avec Gary Lewis, Brian Hyland
et quelques autres. Il fit entrer Cale chez Liberty en 1965, et
l'installa comme ingénieur aux studio Amigo. Durant cette
même période, Cale jouait régulièrement
au Whiskey A-Go-Go, en alternance avec Johnny Rivers. C'est
le propriétaire du Whiskey, Elmer Valentine, qui lui
suggéra de s'appeler JJ Cale.
En 1966, Garrett démarra
Viva Records. Il y a un véritable culte (surtout en Europe)
pour dénicher l'album de Cale chez Viva : "Take
a trip down Sunset Strip by the Leather-Coated Minds".
C'est un album qui reflète bien les sentiments de Cale pour
les cotés expérimentaux de la musique et de la technologie.
"After Midnight" est sorti de ce projet.
D'après Cale, c'était, au départ, un instrumental
pour cet album mais il en fut débarqué et relégué
plus tard en face B d'un single chez Liberty en 1966. Cale jouait
à Atlanta lorsque quelqu'un dans la foule hurla : "Let
it all hang out". Les paroles de "After Midnight"
prirent forme ce jour la.
C'est probablement en 1968
que Cale vint pour la première fois à Nashville. Il
avait travaillé à new York et Los Angeles pour Garrett,
produisant Brian Hyland, Blue Cheer et d'autres. Audie Ashworth
et Garrett mettaient sur pied une compagnie de production financée
par Hubert Long, propriétaire d'une agence de réservation
et de la maison de publication musicale Moss-Rose. Audie avait travaillé
chez Moss-Ross à peu près à tous les postes.
Il persuada Long d'installer un studio, utilisant une vieille console
provenant du studio Bradley's Barn. Snuffy raconta à Ashworth
qu'il cherchait quelqu'un pour l'aider. "J'ai ton homme"
lui dit-il "JJ Cale. Il peut bosser dans le studio avec les
musiciens"
Cale roula vers Nashville dans la Mustang 65 donnée
par Garrett, et prit place dans les bureaux de Hubert Long.
Audie : "Cale avait un son
différent. Une approche particulière de la guitare
et du songwriting. On a essayé de produire quelques disques
pour Dot Records, mais rien ne marchait. Ce dont je me souviens
c'est de Cale disant : 'Snuffy est malheureux. Il réclame
sa voiture, je pense que je vais devoir repartir à Oklahoma''.
Il plaqua tout et repartit à Tulsa reprendre ses tournées
dans les clubs."
Il y a plusieurs versions
concernant la manière dont Clapton en est arrivé
à enregistrer "After Midnight". Clapton travaillait
avec un pote à Cale, Carl Raddle, au sein de Delaney &
Bonnie, et, dans une des versions de cette histoire, Clapton
aurait entendu la chanson sur une bande enregistrée par Radle.
Les souvenirs de Garrett racontent que Jerry Ivan Allison,
qui fut batteur de Buddy Holly, avait entendu le disque de Cale
de chez Liberty. Allison, traînant parfois avec Clapton, décida
de lui offrir la chanson (déjà 3 ans d'age) de la
part de Garett. Cale a sa propre idée. Il dit que c'est sa
propre mère qui l'a envoyée à Clapton !! De
son coté Clapton raconte : "Delaney disait que
quelqu'un devrait reprendre cette chanson. Il me dit que si je ne
le faisais pas, il le ferait. Delaney fit d'ailleurs une version
avec les mêmes pistes en mettant juste sa voix à la
place de la mienne. On en a discuté, et il a cédé".
Bobby Keys, qui
avait travaillé avec Cale à Los Angeles, et travaillait
avec Delaney & Bonnie, téléphona à Cale
pour lui dire que Clapton avait enrgistré "After Midnight".
Mais Cale entendit ce qu'il avait coutume d'appeler des sornettes.
Il n'y prêta guère attention jusqu'à ce que
le morceau lui parvienne dans son auto-radio à Tulsa. Il
n'avait jamais entendu une seule de ses chansons en Radio auparavant.
"After Midnight" devint un hit du Top 20 fin 1970.
Audie Ashworth : "J'ai appelé Cale
pour lui dire : il serait peut-être temps que tu te bouges.
Fais un album. Rassemble tes chansons".
Il m'a répondu "Je ferai un 45t".
J'ai insisté "Non, un album".
"J'ai pas assez de chansons".
"Ecris en d'autres !".
"Trois ou quatre mois plus tard, il m'a rappelé : 'J'ai
les chansons'. Et il est venu. Il conduisait une Volkswagen à
cette époque. Il est arrivé avec son chien, Foley.
Il m'a tout joué".
Ashworth entendit un JJ Cale différent. Cale
avait travaillé un sorte de mélange de country, blues
et rockabilly. Le temps d'être honnête envers lui-même
était arrivé.
Ashworth se souvient
"nous sommes allés tous deux aux studio de chez Moss-Rose
et on a fait les prises de 'Call me the Breeze', 'Crying Eyes',
'Rivers Runs Deep' et 'Crazy Mama'. Il jouait de tous les
instruments et on utilisait une boite à rythme. On avait
besoin de matériel pour 'Crazy Mama', alors j'ai appelé
Jerry Bradley, le fils d'Owen, en lui disant que j'avais
besoin d'un multi-piste. Il m'en a filé à un prix
ridicule. Je lui ai promis plus d'argent si on le vendait. On travaillait
la nuit. J'ai mis en place un groupe de musiciens, Karl Himmel
à la batterie, Tim Drummond à la basse et Bob
Wilson au piano. Eric était à Nashville pour le
Show TV de Johnny Cash et Carl Raddle l'accompagnait. J'ai appelé
Carl : "Amène Clapton, on fait un album avec JJ. Clapton
n'est pas venu, mais Carl, oui. Il vint et joua de la basse sur
quelques titres, notamment 'Crazy Mama''. Il manquait quelque chose
à ce morceau. Que diriez vous d'une Slide ? J'ai appelé
Mac Gayden, il est venu, s'est installé et a fait
sa prise. JJ a dit 'Enregistré ! Terminé ! On rentre'.
Mac dit "Je peux le faire mieux''. Cale a répondu "Tu
ne peux pas faire mieux".
Ashworth termina avec douze
chansons. A Los Angeles, Denny Cordell venait de lancer Shelter
Records en janvier 1970, en partenariat avec Leon Russell. D'origine
Irlandaise, Cordell avait démarré en Angleterre en
produisant les Moody Blues et en vendant des produits dérivés
"Beatles". Ensuite il démarra Regal Zonophone afin
d'enregister The Move et Procol Harum. Il débarqua
aux USA avec la troupe de Joe Cocker, vendant au passage
sa part de Regal Zonophone pour démarrer Shelter Records.
Shelter avait son quartier général à Hollywood.
Audie "Carl
Raddle boucla l'affaire avec Shelter. Il appela Leon : 'L'album
qu'ont fait Cale et Audie vaut vraiment le coup. Je pense que tu
devrais l'écouter'. 'Ok envoie moi une copie'. On a vite
copié les bandes et on les a envoyées à Carl.
J'ai toujours su que Leon nous signerait, mais c'est bien plus tard
que j'ai appris qu'il n'en avait rien eu affaire de la bande, mais
qu'il l'avait déposée sur le bureau de Denny Cordell,
et Cordell a adoré.
Le premier single 'Magnolia' avec
'Crazy Mama' en face B sortit le 5 juillet 1971. Il
ne fit pas beaucoup de vague, sauf à Little Rock ou Wayne
Moss, le DJ de la station locale (KAAY) passait la face B en
boucle. Wayne n'arrêtait pas de passer des coups de fil a
Ashworth en disant '"Hey ! Vos gars se sont plantés
dans les faces du disque". Finalement, Ashworth passa le message
à Cordell et juste avant Noël, Shelter ressortit 'Crazy
Mama' en face A avec 'Don' t go to Strangers' en face
B. Le nouveau 'couple' grimpa dans les charts jusqu'à la
22ème place. La plus haute place de tous les temps pour Cale.
Le premier album 'Naturally' sortit peu après.
Rolling Stone appela pour une interview durant laquelle Cale 'monosyllaba'
son parcours jusqu'à cet album.
Cordell l'embarqua en tournée. Pendant ses jours
de relache, Cale volait s'envoler vers Tulsa retrouver ses marques.
Les habits du vedettariat lui seyaient mal. Ashworth se souvient
de Cale lui disant : "Envoie moi le fric, et laisse les petits
jeunes devenir célèbres." 'Naturally' avait suffisamment
créé d'excitation pour donner à Cale le statut
de vedette, mais il prit la décision réfléchie
de ne pas le devenir.
Le travail du second album,
'Really', commença en Avril 1972.
Audie : "On a démarré chez
Quadraphonic à Nashville, fait quelques trucs à Muscle
Shoals et rajouter des cuivres au studio Barn. Cale aimait visiter
plusieurs studios et jouer avec des musiciens différents.
Il y avait plus de moyens pour 'Really' pourtant il était
clair que Cale avait une notion très particulière
de la manière de faire un disque. Il inversa l'équation
de Nashville qui dit que tout se fait autour de la voix. Dans un
mix de Cale, les instruments solos et la voix émergent à
peine, et il ne sont jamais réhaussés. Le son d'ensemble
est étonnant pour si peu d'instruments et si peu de notes.
Audie : "Cale voulait toujours atténuer
la voix. On s'asseyait près de la console, et chacun de nous
deux empêchait l'autre de toucher aux potentiomètres.
Il était sans arrêt en train de baisser le fader de
la voix. Il remixait sa voix au lit. Il disait que cela te concentrait
sur la musique plutôt que de t'en distraire. Les gens "entraient"
dans la musique. Il avait des idées bien arrêtées
sur le mixage."
L'avantage d'être
chez Shelter était la relative absence de pression autour
de la date de sortie d'un album. Les albums sortaient quand ils
étaient prêts. Cale écrivait généralement
seul. Ashworth "Dès lors que le premier album fut un
succès, il fallait d'autres chansons et Cale disait "J'ai
mis 30 ans pour assembler ce premier jet de chanson". Il y
avait une vague régulière de démo de gens désirant
placer une chanson sur un album de JJ Cale, mais il rejetait tout.
Il disait '"Tu sais, j'ai une amplitude vocale de trois notes.
Je ne peux pas faire cette chanson. C'est trop haut sur le pont.
Il faut faire simple pour que les gens comprennent. J'ai juste besoin
d'une petite niche, pour moi tout seul". Ashworth décrit
Cale comme "très conscient d'essayer d'être original
et sérieux dans la création d'un disque qui tienne
dans le temps. Il a une approche absurde du studio. Il amène
les chansons et un sac bourré d'idées d'arrangements.
Il fabrique sa chanson avec sa guitare en évoluant au fur
et à mesure qu'il avance, mais il est ouvert à toutes
idées.
Le 3ème album 'Okie'
fut plus un disque maison que 'Really'. Le morceau, titre de l'album,
a carrément été enregistré sous le porche
de chez Cale et une majorité d'autres le furent dans sa maison..
"Cajun Moon" sortit comme premier single.
Le crac des sessions de Nashville, Reggie Young, un ancien du Bill
Black Combo, fit le solo. Un autre titre "Anyway the
Wind Blows" est une leçon de chose sur le fait
de rester simple. Un seul accord, une guitar Harmony à 50
dollars (personnalisée avec quelques centaine de dollars
de matériaux) et la simplicité des riffs de blues.
Cale paya un batteur pour la session, mais c'est une boite à
rythme qu'on entend sur le disque.
Cale partit ensuite pour
Nashville en 1975, Ashworth et lui créérent leur propres
studio, Crazy Mama, dans la masion d'Ashworth. Celui-ci raconte
: "John disait qu'on avait suffisamment loué et payé
d'heures de studio pour se payer notre propre équipement".
"J'amènerai la console, tu amèneras
ton Ampex 16 pistes. Il s'accapara une chambre ou il restait occasionnellement.
Il avait insisté pour que le studio ne soit pas trop décoré.
Il ramena une autre console de sa maison sur le lac, et enregistra
ici à mes cotés". Cale acheta une maison près
d'Andrew Jackson dans le Tennessee à Hermitage. Il était
assez éloigné pour que personne ne puisse lui tomber
dessus à l'improviste. disait-il. L'achat fut d'autant plus
facile que Lynyrd Skynyrd avait mis " Call Me the Breeze"
sur leur multi disque d'or 'Second Helping'. IL y
avait plein de truc à faire à Nashville, mais en fait
Cale participa rarement aux sessions des autres. Il joua sur l'album
d'un chanteur français, Eddy Mitchell, travailla sur
"Comes A Time" de Neil Young et "Angel
Clare" de Art Garfunkel. Il produisit, pour
Shelter, l'album du bluesman de Chicago, Jimmy Rogers, sinon
comme dit Ashworth "Cale était toujours occupé
à ne rien faire". Il acheta un mobile home Airstream
et le parqua à KAO, une résidence pour mobile home
près de Opryland, et vivait la de temps en temps. Comme il
détestait l'hiver à Nashville, il embarquait son mobile
home en Floride ou en Californie.
Il s'était passé deux
ans entre "Okie" et "Troubadour".
"Hey Baby" fut le premier single issu de
'Troubadour'. Il resta 3 semaines dans le Hot 100. La face B était
"Cocaine". Cale avait apporté la
chanson à Ashworth en la présentant comme une pièce
de jazz dans le style Mose Allison.
Ashworth dit "Tu veux te faire de l'argent ? "Ouais"
répondit Cale. "Et bien tire donc de ce morceau une
chanson rock. Il repartit chez lui et changea les arrangements,
il tripla l'enregistrement du riff et refit la partie de basse.
Reggie Young fit le chorus. Et on réenregistra l'ensemble.
Reggie dit "Laisse moi le refaire. Je peux l'améliorer".
Cale répondit "Non, impossible ! C'est terminé
!".
En avril 1976, Cale surmonta sa peur de l'avion et vint
en Europe pour la promotion de Troubadour. "Je jouais au Hammersmith
Odeon à Londres lorsque que Carl Radle et Eric (Clapton)
vinrent s'asseoir avec nous" raconta-t-il à Nicky
Horn pour Channel 4. "On est tous descendu au studio, et
Eric nous a surpris avec sa version de "Cocaine". Ma version
était sortie depuis un an et je ne trouvais personne pour
la jouer. Le plus dingue de l'histoire, c'est que 5 ans après,
tu t'asseyais dans un bar et t'entendais tout le monde jouer ça".
La version de Clapton sortira sur "Slowhand" et
en face B de "Tulsa Time". Tant de compositeurs
se serait damnés pour une seule reprise de Clapton; Cale
en eu plusieurs.
Cale et Don Williams ont eu
une énorme influence sur le Clapton de cette époque.
Clapton a dit un jour que "Lay Down Sally"
était aussi proche qu'il était possible pour un Anglais
de ressembler à JJ Cale. De son coté, Cale n'a jamais
ressenti le succès de Clapton, comme étant le sien.
"Eric Clapton ramassait les idées" dira Cale plus
tard "Il en a pris quelques unes chez moi comme j'en ai pris
chez d'autres avant moi. C'est très flatteur de savoir que
des gens de cette trempe écoute ce que vous faites. C'est
toujours fantastique quand les gens reprennent mes chansons et les
rendent agréables au public. Pour beaucoup de personnes,
il est difficile d'écouter ma propre version parce qu'elle
est très brute, un peu approximative sur les bords et qu'elle
sonne pas finie, mais c'est ça que j'aime, ne pas trop enjoliver.
Le succés de 'Cocaine'
signifait que Cale se trouvait encore à la croisée
des chemins. Il aurait pu se lancer dans une tournée et sortir
un nouvel album dans la foulée. Dans ses concerts, il découvrait
ce qu'il appelle une jeune foule 'boogie'. "Ils voulaient quelqu'un
qui les éclate". Dit-il. Il aurait pu profiter de tout
ça et y aller à fond, au lieu de ça, il repartit
à Nashville et s'occupa à installer un studio dans
sa maison. L'album suivant "5"ne parut pas
avant 1979. Audie Ashworth croyait fortement en "Sensitive
Kind" et y ajouta des cordes. "Je le souhais plus
aérien, je me creusais la tête pour l'améliorer".
La radio ignora superbement la version de Cale, mais Santana
en fit une reprise qui se classa au milieu du Hot 100.
En 1980, le New Musical
Express de Londres en voya un journaliste Français, Philippe
Garnier, interviewer Cale. Cale semblait totalement immergé
dans son matériel de studio. "On pétrit la farine
pour faire le gateau" disait Cale pour essayer d'expliquer
pourquoi il devait maintenant maîtriser la technologie des
studios. Il voulait que ses albums soit entièrement siens.
Au fur et à mesure, Garnier se rendit à l'évidence
que Cale irradiait de bonheur et ne semblait absolument pas avoir
de regret sur le cheminement qu'avait pris sa carrière.
Finalement, Cale quitta Nashville et repartit vers la Californie
en 1980. Sa sur habitait la Californie du sud. Cale vendit
son bateau, empila tout dans son mobile home et repartit s'installer
à Anaheim. Il resta quelques temps dans son mobile home.
Si quelqu'un voulait le joindre, il devait laisser un message chez
Ashworth et attendre que Cale rappelle. Cale possédait le
top de la technologie numérique, mais il n'avait pas le téléphone
!!
Le dernier album chez Shelter,
"Shades", sortit en 1981. Peu de temps après,
Denny Cordell lacha Shelter Records. Le nouvel label de Cale, Phonogram
International, acquit donc les droits des 6 albums chez Shelter.
Le premier album chez Phonogram (sous le label Mercury),
"Grasshopper", sortit en 1982, C'est un
album délicat, varié, qui marcha fort en Europe mais
moins bien aux USA. Le suivant "Number 8",
sorti en 1983 et se vendit peu, il est à remarquer que pour
la première fois Cale avait accepté de mettre sa photographie
sur la pochette.
Ce n'est pas avant 1989 que Cale signera
un nouveau contrat avec Silvertone Records en Angleterre, une compagnie
créée par Andrew Lauder, le fondateur de Demon/Edsel
Records. Le premier album de Cale chez Silvertone fut "Travel-Log".
Cale fera une tournée pour la promotion de cet album. Dans
une interview accordée à Dave Hoektra pour
le Chicago Sun Times, Cale dira qu'il avait passé les 6 années
précédentes à faire du vélo, tondre
la pelouse chaque samedi, et écouter du rap et Van Halen.
Les années à Los Angeles avait rendu sa musique "plus
clinquante, urbaine". Hoekstra s'étonna des arrangements
amples de Al Capps sur "New Orleans"
qui donnaient à l'ensemble l'impression d'une joute entre
une parade type Dixieland et un orchestre à cordes. "Al
Capps m'a réellement scié" disait Cale "J'aime
tellement ce qu'il fait que j'étais prêt à ne
pas mettre ma voix et à en faire un instrumental". Comme
toujours, il était heureux d'expliquer quel modèle
de basse sonnait le mieux sur tel ampli, mais sorti de ça,
il était affligeant de banalités.
En 1992, Cale sortit son
10ème album au titre à la logique implacable "Number
10". La grâce langoureuse était intacte.
"Artificial Paradise" comporte certainement
le meilleur solo de Cale. Les habituelles précisions et économies
s'étaient mariées dans un impeccable flot d'idées.
La tonalité est unique, propre à Cale. Sur "Jailer",
la guitare de Cale interagit avec l'orgue de Spooner Oldham
pour apporter une couleur plus sombre.
En 1994, Cale signe avec Virgin Records. Il avait acheté
une maison et du terrain dans un semi-désert de Californie
du Sud. Le premier album chez Virgin, "Closer to You",sortit
avec une rapidité inattendue. Cale avait acheté une
nouvelle Martin personnalisée "Une bonne guitare t'inspire"
dit-il à Paul Trynka "J'ai écris 8 chansons
en une journée. Ensuite j'ai loué les studios Capitol
à Hollywood et j'ai enregistré l'album en 2 jours
avec tous les vocaux en une prise. J'ai tout ramené à
la maison ou j'ai commencé les over-dub".
Cela fait presque 25 ans
qu'un raton laveur pimpant, ressemblant à un personnage sorti
d'une histoire de Lewis Caroll, nous a fait pénétrer
dans l'univers de JJ Cale. Cale a probablement duré parce
qu'il marche à son rythme.
12 Albums. Peut-être 50 concerts par an. Les
disques de Cale restent remarquablement frais, hors d'atteinte du
rock ou autre frénésie musicale. Il faisait un jour
remarquer que ses disques étaient des démos, enregistrés
si simplement qu'un autre musicien y prendrait intérêt
et les ré-enregistrerait. Comme ça, ça ferait
plus d'argent. Vous n'êtes pas obligés de croire cela,
quoique ! C'est de l'art qui dissimule l'art.
Comme toujours, Cale est très occupé
à ne soit disant rien faire. La texture musicale, et la finesse
mélodique sont les marques de fabrique de cet artisan. Ce
sont des disques fait main, riches en nuances et détails.
Trouver une musique plus individualiste est impossible.
JJ Cale est réellement un Américain à part.
Un ami possède un lecteur CD
très particulier. En effet, une fois un disque inséré
dans le tiroir, la platine lit le cd jusqu'au bout. Jusque la rien
d'ahurissant, mais arrivée en fin de disque, cette platine
relance automatiquement la lecture du cd, qui plus est, en bloquant
le tiroir. Le seul moyen d'arrêter cette machine infernale,
c'est de mettre le lecteur hors tension ! Pratique pour les soirées
!!! N'importe
quel être humain sensé (et mon ami l'est) se débarrasserait
de ce genre d'objet, ou tout au moins le ferait réparer.
Et bien, croyez moi sur parole, cet ami n'a jamais jugé utile
de passer à l'acte !!! Pourquoi ?
La
réponse est simple et évidente. Parce qu'il adore
JJ Cale et qu'il ne possède qu'un seul album. Et qu'avec
son type de lecteur, il a l'impression valorisante de posséder
l'intégrale du personnage. Ce que tout le monde pense. Il
met le cd en début de soirée, et sans que personne
ne s'en rende compte, vers 2h00 du matin, c'est toujours le même
disque qui tourne, sans avoir le moins du monde lassé un
seul des invités auditeurs. Bon d'accord, ce n'est pas vraiment
pour une soirée dansante mais plutôt pour une soirée
cool entre amis.
Cela
résume assez bien l'effet JJ Cale, sa personnalité,
la constance de sa carrière et ses admirateurs. Dont je suis.
Le '5 ' étant dans mes disques de chevet en
tant que guitariste (CF Mes
CD)
Pour continuer et
terminer temporairement cette biographie, on peut dire que JJ Cale
a tenu toutes ses promesses. En effet depuis la sortie de son album
"Closer to you" en 1994, n'est paru qu'un
seul album de nouveautés (enfin ! nouveautés dans
la continuité) "Guitar Man" en 1996.
Ensuite, il a laissé sa maison de disque bosser pour lui
en éditant best of, coffret et live. En tout quatre parutions.
"Anyway the wind blows" en 1997 (2 cd),
"The very best of JJ Cale" en 1998 (1 cd),
et le "Live" en 2001. Bref ! fidèle
à lui-même, il passe toujours son temps à être
occupé à ne rien faire. Disons plutôt qu'il
ne dédaigne pas laisser aux autres le soin de gérer
sa carrière.
Avec le recul,
il est certain que JJ Cale fait partie des mythes. Et son "Live"
de 2001 nous prouve que, malgré son désir
de passer inaperçu et de rester dilettante, il est devenu
une grosse machine, aux prestations et au son impeccables . Ce disque
nous démontre aussi que, contrairement aux idées reçu,
la musique de JJ Cale est loin d'être decontractée,
bâclée voire flemmarde. Gros camion, gros son, grosse
production, on est bien loin des débuts. Trop peut-être
diront certains nostalgiques. A ceux-la, je dirais simplement "patientez
donc jusqu'à son prochain album de nouveautés !! et
la, vous verrez que rien n'aura changé".
Pour
conclure sur l'effet JJ Cale, je citerai de mémoire Philippe
Garnier qui disait à l'écoute d'un album le '5'
justement :
"
soudain sans vous en rendre compte, dans votre chaise
longue, vous sentez votre orteil du pied droit battre la mesure".
Bonne sieste à tous.
jph
décembre 2001
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