Edouard H.
: Quel est, en quelques mots, ton parcours ?
Benoît Fischer : J'ai d'abord pratiqué
la guitare, en commençant par une formation de base classique,
puis en passant à la guitare électrique et folk.
C'est l' attrait pour la technique qui m'a conduit à fabriquer
ma première guitare, par curiosité ; mais en finissant
mon premier instrument, j'ai vite compris qu'une histoire commençait,
le chemin que j'allais suivre s'est imposé comme une évidence.
Mon parcours est celui d'un autodidacte, ma formation scientifique
en physique chimie à la fac de Reims ne me prédisposant
pas spécialement à ce métier. Après
une période où la lutherie devait cohabiter avec d'autres
activités , je suis passé à un engagement à
temps complet en 98.
A mes débuts j'ai conçu quelques guitares électriques
qui m'ont donné beaucoup de satisfaction. Néanmoins
j'ai rapidement évolué vers le folk, qui m'a permis
d'explorer une démarche de création complète
contrairement à la guitare électrique, où la
conception de la partie électronique m'échappait en
partie. Certains luthiers électriques vont jusqu'à
la fabrication des micros et autres composants de la chaîne
de production du son comme les amplis, ce n'est pas la voie que
j'ai choisie.
Par la suite j'ai abordé l'univers de la guitare classique.
L'approche est-elle différente entre le folk et le classique
?
Il s'agit dans les deux cas d'une démarche de création
complète.
Mon souci est d'optimiser le travail et de m'inscrire dans une amélioration
permanente des instruments que je réalise.
La guitare folk peut de prime abord donner une impression très
grande de liberté, par exemple dans la forme et le style
de sons. La guitare classique présente moins de variété
dans ses aspects les plus immédiats. On peut la comparer
en cela aux instruments du quatuor pour lesquels un certain nombre
de caractéristiques générales sont prédéfinies
. Mais avec des données de référence qui sont
relativement stables, la guitare classique offre des possibilités
extrêmement subtiles de recherche et de différentiation,
à l'intérieur desquelles la personnalité de
luthier peut s'affirmer. Dans les deux cas il s'agit du travail
de toute une vie, et je ne continuerai les deux démarches
que dans la mesure ou j'estimerai que cela ne nuit pas à
la qualité du résultat.
Quelles qualités recherches tu dans tes instruments ?
L'instrument doit avant tout me plaire. Pour le reste il est difficile
de décrire par des mots le son attendu. Il y a bien sûr
les qualités d'équilibre, la longueur du son, la projection,
la profondeur des basses ou la clarté des aiguës, mais
au final il s'agit surtout d'avoir une étincelle qui se produit
lorsqu'on monte les cordes pour la première fois. J'aime
l'idée que la guitare finie puisse ensuite séduire
un musicien au hasard. Les relations avec les musiciens sont alors
très enrichissantes.
Le contact de mes confrères luthiers m'est également
précieux pour progresser, des échanges avec Maurice
Dupont ou Alain Quéguiner m'ont beaucoup apporté,
de même que l'étude des références du
passé comme Martin pour le folk ou Hauser pour
le classique.
Quels sont les bois que tu utilises, avec quels outils ?
Essentiellement l'épicéa pour les tables, et le palissandre
des indes pour le fond et les éclisses. Pour les filets et
les rosaces des bois tels que l'érable, l'amarante, le padouk
de couleur orange (corail), qui se marie bien avec le palissandre
; j'ai aussi employé de l'érable ondé pour
des fonds et éclisses de folk avec des résultats très
satisfaisants
Pour ce qui concerne les méthodes, je m'attache à
réaliser un travail d'artisanat soigné. Dans certaines
tâches pour lesquelles une réalisation purement manuelle
n'apporte pas d'avantage particulier, je m'appuie sur des machines,
ce qui me permet de me concentrer sur les tâches manuelles
les plus importantes pour la qualité du résultat final.
As tu un vernis de prédilection
?
J'ai choisi le vernis polyurethane, plus solide, qui résiste
mieux aux petites rayures, et dont j'adore le fini bien transparent.
En conclusion, comment
définirais tu ton approche de la guitare ?
J'apprécie la sobriété des formes et de la
décoration, la pureté du son.
Tout comme le jeu d'un bon musicien doit paraître facile à
l'auditeur , je cherche à réaliser des instruments
dont la beauté s'affirme de manière naturelle, sans
que tout le travail qui a été nécessaire ne
transparaisse.
Edouard
H.
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