Erik Hofmann est un luthier spécialisé
dans la fabrication de guitares classiques de concert, de copies
de guitares romantiques ou anciennes, ainsi que dans la restauration.
Il est installé à La Chapelle du Mont de France, petit
village situé près de Cluny en Bourgogne du Sud, dans
une très belle région chère à Lamartine
( son village natal Milly se trouve non loin de là).
De père allemand et de mère française, Erik
Hofmann a d'abord vécu en Allemagne avant de choisir la France
pour s'installer à son compte en 2000. La présence
dans la région de confrères renommés dans la
fabrication de violons ou de piano-forte a du peser dans son choix.
Laguitare.com
: vous avez une double activité de fabrication et de restauration
d'instruments anciens, quelle est la part de chacune ?
Erik Hofmann : Environ 50/50. Mes activités de restauration
répondent à la demande de professionnels ou de collectionneurs
désireux de retrouver une sonorité et une esthétique
qui respectent la volonté d'origine du luthier. Mes modèles
originaux représentent actuellement environ 6 exemplaires
par an, car ils me demandent chacun plus de 150 heures de travail.
Je fabrique aussi à la demande des copies de guitares romantiques
( 19ème siècle) ou plus anciennes. J'ai récemment
réalisé pour un client la copie d'une guitare Diaz
de 1581.
Laguitare.com : Et si vous nous parliez de
cette guitare Santos Hernandez qui se trouve actuellement dans votre
atelier ( NDLR : S.H. est considéré comme un des plus
grands luthiers du XXe siècle).
Erik Hofmann : C'est une guitare de 1919, la première
période de Santos Hernandez.. Vers la même époque
, en 1916, alors que S.H. travaillait chez Manuel Ramirez, Andrès
Ségovia en visite dans l 'atelier adopta une de ses guitares,
il l'a jouée en concert pendant 25 ans. Il existe aussi une
guitare, la " Inedita ", que Ségovia commanda à
Santos Hernandez et refusa finalement. Cette guitare resta dans
la famille du luthier jusqu'au début des années 70,
ce n'est donc pas celle là, car elle à été
acquise en France antérieurement. C'est un instrument qui
aurait pu disparaître, et qu'un membre de la famille où
elle se trouvait a eu la bonne idée de récupérer
avant d'apprendre que ça en valait effectivement la peine.
Son état a nécessité un démontage complet
avec le changement des contre-éclisses. Sinon toutes les
pièces d'origine ont été conservées,
en particulier la table très fine, entre 1.2 et 1.8 mm, a
pu être restaurée. Un vernis au tampon a été
appliqué par dessus le vernis d'origine qui donne sa couleur
à la guitare. Parmi les particularités de l'instrument,
on peut remarquer le " tornavoz ", sorte de cylindre conique
fixé sous la rosace et destiné à améliorer
la projection du son. Il y a aussi trace sur la tête de la
présence d'une septième corde.
Laguitare.com : Quelles sont vos influences, vos références
?
Erik Hofmann : la guitare romantique française, les
maîtres espagnols du début du XXe siècle tels
que Simplicio, Santos Hernandez, Aguado, mais aussi Hermann Hauser
et certains facteurs modernes, tels que Bernhard Kresse, Maurice
Ottiger, Robert Ruck et José Romanillos. J'ai beaucoup d'estime
pour le travail de mes collègues français Daniel Friederich,
Olivier Fanton d'Andon, Dominique Field, Maurice Dupont. Mais autant
que par la lutherie guitare, je suis influencé par la facture
des instruments du quatuor. D'après moi le luthier est plus
un artisan qu'un artiste. Le talent intervient, mais c'est le travail
qui permet d'obtenir les résultats. La chance, les rencontres
peuvent également jouer un rôle.
C'est un métier qui vit aussi du rêve, qui présente
des risques matériels , et le danger de devenir mono-maniaque.
En choisissant de m'installer à la campagne, je bénéficie
d'un climat de travail serein, mais sans les revenus complémentaires
liés au commerce de cordes, accessoires etc.
Laguitare.com : quelles sont les principales caractéristiques
de vos guitares ?
Erik Hofmann : les tables sont en cèdre ou en épicéa.
J'utilise un cèdre canadien plus clair et moins fibreux que
le red cedar habituel. Les barrages sont toujours en épicéa.
Pour le fond et les éclisses j'emploie essentiellement du
palissandre, de l'érable, mais aussi le bubinga et l'ovengkol..
Je recherche l'équilibre, une réponse sensible et
malléable et surtout un timbre assez riche et varié
pour durer dans le temps et ne pas fatiguer à la longue.
Un point qu'on oublie souvent et qui me semble essentiel: le confort
de jeu. Sur le plan esthétique, on peut citer :
- rosace unique pour chaque modèle, en 3 parties
- joint manche tête en V. Cette technique donne aussi une
bonne solidité, en cas de choc c'est le joint qui lâche
et la réparation est plus facile.
- chevalet original avec des formes arrondies et un système
de fixation des cordes inspiré de l'époque romantique.
Les cordes, auxquelles on fait un nud, sont fixées
sous la table d'harmonie. Un renfort en ébène a été
collé sous le chevalet. Cette technique contribue à
un meilleur équilibre du son.
Laguitare.com : vous utilisez des moules intérieurs
pour la fabrication de vos guitares
Erik Hofmann : je suis venu à cette technique employée
pour le violon après avoir commencé par des méthodes
plus traditionnelles. Peu de luthiers l'emploient, on peut citer
B. Kresse en Allemagne et Steven Barber en Angleterre ( Ignacio
Fleta, célèbre luthier de Barcelone, l' utilisait
également ).
Propos recueillis par Edouard H.
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