Laguitare.com cherche un repreneur pour faire revivre le site autour de son contenu dédié à la lutherie et à la guitare haut de gamme. Pour plus d'infos, contacter Jean-Michel Langé par email : jml (arobase) guitariste.com
Jean-Yves Alquier est sans doute le luthier le plus fou et le plus génial que j'ai pu croiser depuis ces 12 années où je découvre le travail de nos artisans luthiers.
Il exposait cette année au Salon de Guitare de Montréal pour la 4ème fois. La première année, en 2008, il était resté sobre et proposait sur son stand des guitares "normales", une classique et une arch-top. C'est la deuxième année, en 2009, qu'il a commencé à péter un câble :-) avec son modèle conceptuel, la "Air mail, Charlie Christian Titanium Tribute concept". Puis en 2010, ce fut le tour de la "Papaléocada".
Cette année, il bat tous les records avec cette sublime 8 cordes nylon nommée "Gnossienne". (voir photos ci-dessous) Pour en savoir plus sur ce modèle que nous n'avons pas pu jouer et filmer par manque de guitariste adapté :-), j'ai souhaité lui poser quelques questions dans une courte interview que vous trouverez ci-dessous.
Une petite soeur prototype à sept cordes (Contrapunctus XV !!!) était aussi présente sur son stand dont les photos sont aussi ci-dessous.
Je regrette de ne pouvoir vous faire entendre ces deux instruments mais je ne vais pas vous laisser comme ça et je vous propose de voir et d'entendre en vidéo, trois autres modèles de Jean-Yves. Eh oui, il est venu avec toute la famille le catalan !
Guitare classique Juliette 2
Le concertiste Karl Marino a joué sur cette guitare dont les caractéristiques sont les suivantes :
Table en épicéa
Fond et éclisse en ébène de Macassar
Manche acajou
Touche ébène
Chevalet ébène de Macassar
Modèle de concert à 3900 euros
Guitare Folk Alcatraz
Michel Gentils a joué cette guitare que je trouve très équilibrée, chaleureuse et avec un son boisé très prononcé.
Table en épicéa
Fond et eclisses en Zébrano
Manche en acajou
Touche ébène Particularités :
Leger pan coupé et tombant
Equipée d’un micro passif (très leger ) schatten design
Guitare électrique Léocaster
Guitare jouée par Brice Delage :
Type ‘stratocaster’ hommage à Léo Fender
Corps en aulne ondé
Manche en érable ondé
Touche en bois de violette (palissandre)
Micros custom ‘benedetti’ (caractéristiques : bridge : 18.8K, middle :17.9K, neck :17.6K aimant terre rare, plot à vis , son pos 1 : jazz, pos 2 : blues, pos 3 : rock…. plus intermediaires) objectifs se rapprocher des P90 / cf look, dans un format strat.
Particularités :
Manche collé ,
Pas de vibrato, le son !!
Guitare 7 cordes nylon Contrapunctus XV
Guitare prototype 7 cordes nylon avec un cordier fait maison collé sous la table et non sur la table avec 7 plots sortants.
Le chevalet est collé sur la table, il est en cyprès et le sillet est en carbone.
Le corps est en cocobolo
La table est en épicéa chenillé.
Les mécaniques sont des gilberts tuners
Llle est équipée d'un micro Ischell (marque française)
Guitare 8 cordes nylon Gnossienne
Voici les caractéristiques de cet OVNI telles que je les ai reçues du luthier :
"Electro acoustique 8 cordes nylon hommage à Erik Satie….(le pauvre….)
A.E.A.D.G.B.E.A
Suite et fin du triptyque commencé il y a deux ans avec la ‘Air mail spécial’ et la ‘Papaléocada’. La première était là pour montrer qu’on peut faire du design guitare… en France aussi… La deuxième était là pour bousculer une icône américaine, en montrant qu’on pouvait changer un truc immobile depuis 1927 en faisant preuve de technique… même en France…. et la troisième est là pour montrer qu’en faisant n’importe quoi avec un peu d’idée on peut bouleverser les idées reçues … et faire quand même une guitare… toujours en France.
Son concept est plus idéologique que pour les deux premières, mais il est l’aboutissement du tryptique… le tout en rendant hommage à la musique en général… et à... UBI France.
Cette guitare sous une forme moderne doit avoir le timbre d’une guitare baroque.
Elle vise à briser un peu les conventions de la guitare classique en montrant que chaque élément de fabrication conventionnel pris à contre-pied, peut au final, donner ... une guitare classique… qu’on le veuille ou non.
Chaque corde possède son propre diapason et donne ce que les américains appelle un fan bracing (qui existe depuis le 17eme siècle en réalité…cf Orphareon 1617). Le tout est scallopé mais dans le sens opposé au sens normal afin que le toucher en bord de touche reste normal.
Le scallopage est là pour ouvrir des perspectives nouvelles aux guitaristes classique même si cette idée est une peine perdue.
La tête est ouverte pour... le look et la légèreté … les deux barres centrales sont en carbone.
Les mécaniques sont des Baljak, modèle Inga (seul élément purement ‘classique’ du bidule).
Corps : entièrement en épicéa sculpté à la gouge.
Table : en épicéa à l’intérieur du corps, barrage en lamellé de carbone et d’épicéa.
Pontet coulissants en carbone agissant comme des pistons sur la table, cordier aluminium chromé coulissants et réglable en hauteur, touche en composite, manche en acajou, frette suspendues (!!!!) en inox, placage tête en aluminium chromé, micro Highlander à condensateur .
L’unique idée du concept est :
Maintenant il va falloir inventer le guitariste qui pourra jouer dessus (en réponse à Maurice (Maurice Dupont NDLR) qui m’avait dit l’année dernière : "c’est dommage, en faisant un lap-steel non transformable en guitare normale, tu te coupes de 80% des guitaristes").
Il n’avait pas réalisé que mon concept propose des guitares monomaniaques à usage unique … par définition... du coup pour pousser le bouchon, je me suis coupé de 100% des guitaristes existants. En faisant quand même une guitare (et oui !!!!).
La poule avant l’œuf pour une fois.
Pour plus de renseignements, contactez moi, je ferai ce que je pourrai
Jean-Yves Alquier - ses coordonnées en haut de cette page
INTERVIEW DE JEAN-YVES ALQUIER par JACQUES CARBONNEAUX
LG - Ta première édition à Montréal en 2008 était plutôt sobre, avec des guitares, comment dire, normales !! Ensuite, en 2009 et toujours à Montréal tu exposais ton premier OVNI : la Air mail, Charlie Christian Titanium Tribute concept, puis en 2010 la papaléocada. Cette année encore tu recules les frontières de l'impossible avec un nouveau modèle (Gnossienne') sorti tout droit de ton imagination.
Pourquoi cette quête du conceptuel ? il doit bien y avoir une raison ?
La réponse est presque dans la question, comme tu l'as dit, la première année, j'ai réalisé des guitares normales et comme 98% des luthiers, je suis passé quasi inaperçu... ce qui, vu l'investissement, n'était pas de bonne augure. Je me suis dit qu'ensuite la meilleure façon de se faire de la pub était de se bouger dans les grands événements (après 6 années de publicité payantes dans les revues spécialisées françaises je n'ai jamais eu un seul coup de fil).
J'ai donc fait un tour du salon pour analyser un peu la situation et au fil de mes pérégrinations, j'ai commencé à élaborer une idée de guitare construite à l'inverse de ce que je voyais, c'est à dire des guitares magnifiquement bien réalisées, mais la plupart conçues à l'image du tuning dans l'automobile où plus tu en mets, "plus tu en mets" malheureusement. (c'est un peu le défaut à mon sens de beaucoup de luthiers américains).
A leur décharge, je dois dire que je suis quand même un admirateur de Ken Parker.
Je me suis dit qu'il fallait prendre celà à contre pied et faire quelque chose qui n'existait pas en essayant de lorgner plus vers le design que la performance technique inutile, un truc qui attirerait l'oeil sans le choquer, pour le surprendre, sans tomber dans la surenchère. Un truc pas évident parce qu'essayer de garder l'essentiel et balayer le reste, c'est un peu comme construire un solo avec uniquement trois notes, les bonnes.
On était en Amérique du nord, alors j'ai fait une guitare de jazz en hommage à Charlie Christian.
Il fallait la voir de loin alors je l'ai faite rouge. Pour le fun, j''y ai ajouté sa couleur antagoniste, le turquoise, puis, je me suis mis dans la peau d'un dessinateur des années quarante à qui on aurait dit : "dessine la guitare que Charlie Christian aurait eu en l'an 2000". Un truc un peu kitch mais classe. Le tout en créant l'idée du concept unique, 1 exemplaire et un seul, dont les pièces sont toutes faites sur mesure pour l'instrument.
Pour la deuxième, j'ai surfé sur le succès de la première en ma disant qu'il fallait que je démontre qu'elle n'était pas l'effet du hasard. La difficulté a été qu'elle ne devait pas subir la comparaison avec la première. J'ai donc décidé de faire un triptyque pour que la troisième justifie les deux autres en fermant la boucle.
Pour réaliser la 'Papaleocada' , j'ai à nouveau fait le tour du salon de Montréal afin de dénicher la seule guitare qui n'était pas représentée. Aucun tricône, bingo ! restait plus qu'à le réaliser.
Dans l'idée du triptyque, j'ai décidé de prendre des éléments communs : la forme, le rouge et le métal, en gros le même concept et de le torturer au point d'en sortir un truc aux antipodes, une sorte de morphing.
Comme on était encore en Amérique du nord, j'ai torturé l'icône américaine....heu....le tricône américain....sans un certain plaisir je dois l'avouer....
pour le reste (cf. la guitare.com Montréal 2010).
Devant la stupeur de la deuxième année, j'ai enfoncé un peu le clou en revenant à mes premières amours et j'ai décidé de fermer la boucle en m'adressant à 0% des guitaristes existant pour leur prouver que l'on pouvait faire une guitare classique sans utiliser un seul argument de la guitare classique conventionnelle, en mettant la poule avant l'oeuf et en martelant : "ceci est une guitare, il reste juste à inventer le guitariste qui pourra la jouer".
Elle s'appelle 'Gnossienne' et rend hommage à Erik Satie.
LG - A voir ces trois modèles que l'on considère à première vue plus comme des oeuvres d'art plutôt que des instruments, sont-ils plus destinés à un musée qu'à la scène et le studio ?
Effectivement, elles sont plus destinées à marquer les esprits, d'ailleurs je les appelle mes guitares publicitaires, mais elles n'en restent pas moins des guitares et elles fonctionnent parfaitement dans le style qui leur est destiné. Elles peuvent être jouées sur scene (cf Zeb Heintz à Montréal) ou en studio, mais leur objectif est plus de marquer et de donner une autre vision de la lutherie même si celle ci peut trouver des détracteurs.
LG - On a du mal à imaginer le travail que nécessitent de tels instruments. Peux tu nous donner une idée du temps nécessaire pour la réalisation par rapport à une guitare "normale" ?
Le temps est relatif, il ne concerne pas que la fabrication. Je travaille surtout la nuit au chaud dans mon lit, et je réalise mes guitares en trois dimension jusqu'à ce qu'elle soit totalement achevées dans ma tête et qu'elle puissent tourner. C'est moins compliqué que de faire ça sur un ordinateur. Une fois qu'elles sont achevées virtuellement, le reste est plutôt simple parce que je n'ai qu'à copier et coller l'ensemble dans la réalité. Si la guitare tourne en trois D, avec l'expérience, tous les problèmes techniques sont évités.
Quand le cerveau construit l'instrument, pour éviter de pleurer à la réalisation, il prend bien soin de pointer le doigt sur les trucs à ne pas faire.
Le plus long est de trouver et de payer les pièces et le bois. Quand tout est posé sur l'établi, il ne reste plus qu'à assembler sans improviser. Un jeu assez simple et qui me prend relativement peu de temps (entre 1 et 2 mois, sachant que mon temps n'est pas uniquement dévolu à cela).
J'ai aussi un atelier à faire tourner tant bien que mal. En gros, je ne mets pas plus de temps qu'une guitare normale en nombre d'heures alignées.
LG - Pour parler de tes autres modèles plus classiques, j'ai été charmé par ton modèle folk "Alcatraz".
Peux tu nous parler de cette essence peu connue qu'est le zébrano que tu as utilisée pour le dos et les éclisses ?
La guitare Alcatraz est née de mon envie de faire une guitare folk sur le modèle de ma classique "Juliette", en proposant un accès aux aigus plus facile.
Le zebrano possède un look sympa et la particularité d'avoir une densité proche d'un palissandre. Le nom de la guitare vient de la ressemblance que je lui trouve avec un pantalon de taulard, celà ne va pas plus loin que ça. Sinon pour le son, j'ai opté pour quelque chose de clair, propice aux accords ouverts de type celtiques.
C'était l'inspiration du moment.
LG - En tant que luthier, tu te considères plus comme un maître d'art ou un maître artisan ?
Je ne me considère ni comme l'un ni comme l'autre.
Pour être considéré comme un maitre d'art, il faut être mort (....) et pour être un maitre artisan, il ne faut surtout pas dépasser les bornes et correspondre parfaitement à ceux qui vous jugent sans trop les froisser. Je ne suis pas encore mort et je ne suis pas sur que mon travail ne froisse pas la vieille garde.
J'essaie juste de montrer que l'on peut aussi envisager la guitare autrement que comme un produit.
Interview réalisée par Jacques Carbonneaux le 21 juillet 2011
Jean-Yves Alquier - Guitare classique Juliette 2
par Karl Marino
Jean-Yves Alquier - Guitare électrique Léocaster
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Jean-Yves Alquier - Part I - Guitare folk Alcatraz
par Michel Gentils
Jean-Yves Alquier - Part II - Guitare folk Alcatraz
par Michel Gentils
Luthier au Soler dans le sud de la France, je suis à l'origine spécialisé dans la guitare classique de concert et j'affectionne particulièrement la réalisation d'instruments répondant aux exigences parfois étonnantes des guitaristes, dont l'unicité demande un travail d'imagination certain. Cette année, mon travail sera consacré aux cordes de nylon avec quelques surprises...