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Qu'elle
provienne des musiciens noirs de ragtime-blues de Caroline
de Nord ou des mineurs blancs du Kentucky, la technique
du picking a libéré définitivement la guitare du carcan
de l'accompagnement, du second rôle de la rythmique.
Avec le picking, la guitare n'a besoin de personne !
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Vous avez dit
PICKING ?
Pour ceux qui ne
connaissent pas encore le picking, il s'agit d'une technique
consistant à jouer simultanément sur une guitare l'accompagnement
et la mélodie d'un morceau. Pour y arriver, le pouce de la
main droite (si on est droitier) prend en charge les basses
et donc la rythmique, pendant que les autres doigts, index
et majeur le plus souvent, s'occupent d'exécuter la mélodie
sur les cordes aiguës. La main gauche pose pendant ce temps
les accords sur le manche. Sur le principe, c'est simple.
En pratique on peut ainsi devenir totalement autonome et réussir
à jouer des partitions complètes sur une seule et même guitare
sans l'apport extérieur d'autres instruments. L'auditeur candide
a l'impression d'entendre deux instruments complémentaires.
Avec le picking et bien avant de s'électrifier, la guitare
a pris l'envergure d'un instrument soliste au même titre que
le piano.
Avant les disques
Bien sûr, limiter
l'invention du picking à Blind Blake et à Mose Rager (voir
ci après) serait totalement réducteur et historiquement incorrect.
Il en va du fingerstyle comme de toutes les techniques instrumentales,
c'est un long processus de recherche et d'innovation de quelques
instrumentistes illuminés qui aboutit à sa création ; en l'occurrence
les origines sont quelque part dans la deuxième moitié du
19ème siècle parmi les populations laborieuses du sud-est
des États-Unis, esclaves ou travailleurs, noirs ou blancs.
Même si rien ne le prouve, il semble que l'avènement du picking
ait été rendu possible par l'arrivée de la guitare à cordes
métalliques sous sa forme moderne, celle-ci permettant une
bien meilleure projection et une puissance supérieure à la
guitare classique. Ce qui est sûr, c'est que notre mémoire
de ces pionniers est limitée vers le bas par les débuts de
l'industrie discographique, on ne sait pour ainsi dire rien
de ce qui a pu se passer avant les années 20, avant que les
premiers disques de guitare aient été pressés !
COUNTRY-BLUES
: imiter le son du piano
Les tout premiers
guitaristes solistes à graver leur musique dans la cire furent
les musiciens de country-blues. C'est le marché des disques
réservés aux populations de couleur, les "race-records",
qui a permis à ces musiciens de se faire connaître et par
la même occasion de propager leur technique à travers les
getthos. Plusieurs d'entre eux ont été de vrais précurseurs
du picking et ont posé les bases de cette technique en dissociant
définitivement le rôle du pouce de celui des autres doigts
de la main qui "gratte" les cordes, la droite pour
les droitiers, la gauche pour les gauchers. Pour commencer,
Blind Arthur Blake cité plus haut, premier guitariste Ragtime-Blues
à avoir réussi à intégrer dans son jeu l'imitation du piano
ou d'un orchestre et peut-être aussi le seul à ce jour à l'avoir
si bien réussi ! Le travail de son pouce dans les basses est
tout bonnement hallucinant, avec des contre-temps et des variations
rythmiques démontrant une maîtrise parfaite de l'instrument,
de la technique et des spécificités du ragtime. Il faut écouter
"Seaboard Stomp" ou "Blind Arthur Breakdown"
pour constater la virtuosité de ce formidable guitariste noir
et aveugle dont on ne sait pratiquement rien.
Noir et aveugle aussi, Gary Davis est un autre grand novateur
du picking. S'il semble très vraisemblable que Blind Blake
utilisait l'index et le majeur en plus du pouce de la main
droite, Davis expliquait volontiers que seuls le pouce et
l'index étaient nécessaires à la mise en oeuvre de son style.
Il utilisait toujours des onglets qui lui donnaient un son
très percutant et précis, sur six et douze cordes, et son
jeu était d'une extrême complexité, rythmiquement comme mélodiquement.
En effet la seule utilisation de l'index dans l'aigu implique
la participation du pouce dans les passages plus riches, ce
qui donne une couleur particulière et très efficace en country-blues
et à la douze-cordes.
On ne peut pas raconter l'histoire du picking sans évoquer
Mississippi John Hurt. Musicien noir de country-blues, John
Hurt a symbolisé la technique de la basse alternée, base de
l'enseignement du picking actuel. Même s'il n'a pas été le
seul à développer cette technique, on peut citer aussi Élisabeth
Cotten, John Hurt a créé un son original et sa technique se
retrouve aujourd'hui chez beaucoup de musiciens "en activité".
Il n'utilisait pas d'onglet, pouce, index et majeur attaquaient
directement les cordes de sa guitare. Sa technique des basses
alternées, correspondant à la "pompe" ou au fameux
"boum-tchic" des rythmes à quatre temps, lui assurait
une base rythmique solide sur laquelle il brodait des mélodies
très élaborées bien qu'utilisant toujours des accords et des
positions simples. Son picking, intelligent, moderne, original
et ô combien musical, est véritablement une référence pour
les débutants et pour les autres !
tablature
de Mississippi John Hurt : cliquez ici
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