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Combien de fois
ai-je et après tout, vous aussi, avez-vous acheté
un disque rien que parce que la pochette était superbe ?
Vous, je ne sais pas, moi, plein. Celle là avec son ciel
bleu, la transparence de la guitare, le lettrage et la ferronnerie
ouvragée... Je suis client.
En fait, même si cette pochette, réalisée par
Thierry Lamouche, ne vous fait rien mais que vous aimez le
fingerpicking, François vous accueillera, vous
offrira un verre pendant que la pasta cuit et alors que vous bavarderez,
ce monstre de gentillesse vous ouvrira la porte de son univers.
Me voilà une fois de plus dans la situation que j'apprécie
le moins, je chronique un disque que j'aime, bien sur, mais dont
j'aime le mec qui le joue et là, c'est autre chose.
J'ai rencontré François lors de notre
premier festival de guitare à Castelmaurou,
ce type m'avait touché, aux antipodes de ce que je pouvais
imaginer être un adepte de Chet Atkins, Marcel Dadi
et consorts, François porte en lui une espèce
de magie, une douce folie terriblement contagieuse dont le premier
symptôme visible est, un humour terrifiant.
Il ne va pas aimer que je lui dise que je l'aime ce grand con, m'en
fous, François comme disent les ricains, tu
es un mec plus grand que la vie, ne change rien.
Ding, dong, fais la sonnette, des pas sur le gravier, la silhouette
de François qui se rapproche, "ah c'est toi,
viens entre, j'ai un truc à te faire écouter...".
Giguarentelle se met soudain à résonner,
ce titre ne pouvait pas être placé ailleurs qu'en ouverture,
d'emblée le talent de François met en valeur
les plus infimes nuances de la guitare que lui a fait Alain Quéguiner,
c'est une tarentelle en d'autre termes un morceau court (1.55mn)
joué sur un rythme enlevé. J'ai le sentiment d'avoir
goûté un apéritif dont je mangerais deux kilos
tant la saveur me plaît mais, je dois me rendre à l'évidence,
si c'est si bon, c'est parce que ce n'est qu'une mise en bouche.
Sur la lancée un Cht'i Rag de derrière
les fagots déboule avec sa basse chantante et ses accords
ou plutôt ses arpèges merveilleux, la ligne mélodique
est fascinante, putain à coup sûr le soleil devait
briller à chaque fois que François à
joué ce titre lors de l'enregistrement. Merveilleux, je le
répète, jusqu'au final hispanisant.
Il m'avait prévenu le François, sur ce disque,
il laissait transparaître ses origines, ses envies, ses amours,
ses influences italiennes. Il m'avait prévenu.
Oui bah, quand même, lorsque Sérénade
pour une poupée (italiennes ses influences
que je vous dit) arrive avec cette mandoline de Joël Roulleau
en intro sur une mesure, il n'y a aucun doute. Ce titre est une
pure merveille, plus qu'une influence c'est un véritable
hommage que François rend, écoutez cette façon
qu'on la mandoline et sa guitare de se mêler, pas une ne prédomine
sur l'autre, ici, tout est harmonie, grand, très grand titre.
Route de granite titre à la résonance
plus Celtique dévoile la passion qu'a François
envers cette musique dans son précédent méfait,
Tranquille le Chat,
une ballade irlandaise nous le signalait là, c'est plus Breton,
je reste fasciné par la technique de jeu qu'il déploie,
le petit coup sur la caisse joué à contre temps, le
rythme des arpèges que rien ne vient altérer. Belle
balade du côté des Bretons que je porte haut dans mon
petit cur.
Valse chinoise est un titre sur lequel l'humour auquel
je référais plus haut vient s'exprimer, bon comme
François est un type respectueux, il attend la toute
dernière fin pour se laisser aller, vous comprendrez lorsque
vous l'aurez entendu.
Un disque ou, François se dévoile plus que
d'habitude écrivais-je lus haut, sur le prochain titre, c'est
un mec redevenu tout petit qui se montre.
Rue du Cirque débarque avec une intro en droite
ligne avec le titre, les walking bass que joue ce grand cacou me
tuent, la précision, la justesse tout ça on s'en fout
parce que au delà de tout, elles sont belles ces notes, très
belles et en plus, elles suintent le plaisir, celui d'un petit garçon
devenu grand, ayant bossé dur, très dur pour nous
offrir ce titre. Putain de cadeau.
OK, quitte à se faire plaisir, pourquoi ne pas faire une
reprise ? Oh Suzanna débarque donc, le titre
a complètement été ré arrangé,
il sonne de façon totalement bluffante, putain c'est beau
le fingerpicking, je n'avais pas réalisé, promis demain
j'arrête mes barrés à la con et je jette mon
médiator aux orties.
Promenade à Paris nous emmène en balade
dans un Paris situé quelque part dans notre imaginaire, celui
des terrasses de bistros tranquilles, de rues ou on peut se marcher
sans que le soleil ne semble vouloir décliner. Chouette balade,
là encore.
Princesse Fiona fait suite et là, cela pourrait
être une berceuse, pas de malentendu, ce titre n'est ni lent
ni chiant (ou l'inverse), j'ai juste le sentiment qu'il a été
fait pour une enfant, c'est beau, plein de nuances, immédiatement
accessible. Elle a du bol Fiona d'être aimée
comme cela.
Papillon vole est le titre le plus "Dadiesque"
de mon point de vue, putain qu'il est beau ce titre, tout en lui
m'émerveille, la fluidité du jeu de François,
l'arrangement, les nuances de ce bijou. Une vraie tuerie, de bout
ne bout et pour finir, là encore un petit côté
hispanisant vient lier une mélodie interrompue un bref instant.
Superbe.
Quitter l'enfance et ses harmonies claquant d'entrée,
ce léger delay qui éloigne et fait se répéter
certaines notes, notes que l'on entend avec précision diabolique,
c'est terrible. Le sentiment premier est celui d'une boîte
à musique que l'on vient d'ouvrir et, d'où s'échappe
cette mélodie puis le morceau semble prendre une consistance
et enfin, on est envoûté par son côté
cristallin. Et dire que cela paraît presque facile...
François aime le Blues, on en a déjà
parlé tout les deux, il m'a un jour dit qu'il aurait même
aimé jouer de la guitare électrique, heureusement
qu'il n'en a pas trouvé. Chicken Blues est
le prochain titre, dès l'intro, on y est dans le Blues, un
titre là encore équipé d'un son terrifiant
entre les walking bass et les notes cristallines (je ne vois pas
comment les décrire autrement alors, pardonnez la répétition)
en plus un cacou vient faire un chorus électrique, un nain
de jardin puisqu'il s'agit de Manu Galvin. Ces deux là
savent jouer le belouze pas de doute, allez quitte à me répéter
à nouveau, putain de walking bass, elles me tuent.
Calabrisella nous ramène du côté
des influences italiennes, plus folkloriques et plus profondes que
contemporaines, il y a beaucoup de choses dans ce morceau, à
commencer par l'émotion, elle est là, à tous
les stades, cela n'a pas du être si simple que cela à
jouer. Que dire de ce titre ? Si un truc, "que bella cosa
Francesco".
Allez histoire de se remettre de ce voyage en Italie, un autre Rag
fait suite il s'agit du Rag Warendin, ce titre est
enjoué voir guilleret, jolie morceau mais le truc c'est qu'il
vient après le précédent qui lui porte une
très, très forte part d'émotion...
Le matin du Loup blanc vient conclure ce disque fabuleux,
de la même façon qu'il avait commencé, une douceur
courte, plus courte encore avec ses 1.32mn que le premier titre
et tout comme lui, ce dernier ne pouvait pas être placé
ailleurs dans ce disque.
Vous savez, si vous me lisez habituellement, il est clair que je
me laisse plus aller, j'écris volontiers de façon
moins académique. Là, je n'ai pas pu.
Je vous l'ai dit, j'aime ce mec, j'ai aussi appris à aimer
sa musique. François est un type à part, vraiment
timide d'où son côté délirant, tout en
paradoxes (humain donc), sa stature et l'épaisseur des ses
mains ne laissent en rien envisager qu'il est capable de jouer une
musique aussi douce que faussement facile.
Il m'a demandé de rédiger la chronique de son disque
si je venais à l'aimer, ça, ce n'est rien même
si cela m'a profondément touché, non vous savez ce
qui m'a définitivement fait comprendre à qui j'avais
affaire, c'est un mot, un mot tout bête qui accompagnait le
disque qu'il m'a envoyé, il avait écrit "surtout,
ne me fait pas de cadeau".
Pas de cadeau donc François, juste une sincérité
dans le ressenti et, toute l'honnêteté donc je suis
capable.
Merci à toi.
Ricardo le 30/09/2006
Lire une autre chronique de l'album sur Bridge
guitar review
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