Interview de Matthieu Morand, guitariste et producteur d'Akroma, réalisée par Benjamin Sertelon
Bonjour Matthieu, pour commencer peux-tu nous présenter Akroma en quelques mots ?
Hello. Akroma est un projet que j’ai monté en 2003 avec Alain « Bob » Germonville, qui était auparavant le hurleur sur les 2 premiers albums de Scarve. Il venait de quitter le groupe et de mon côté j’avais envie de proposer une musique plus extrême que celle que je faisais dans Elvaron. Nous avions déjà bossé ensemble par le passé car j’ai enregistré et produit une démo de son ancien groupe Tormented Souls en 1998 et ça avait plutôt bien collé. Bob est, à mon sens, un des meilleurs chanteurs de métal extrême que nous ayons en France. On a commencé à bosser sur une maquette fin 2003 avec une musique clairement orientée black métal symphonique qui a aboutit petit à petit à un album complet, conceptuel (sur les 7 péchés capitaux). Quand est venu le moment d’enregistrer, j’ai naturellement fait appel à Nico Colnot d’Elvaron pour les basses. J’ai contacté plusieurs claviéristes pour arrêter finalement mon choix sur Julie Hénau d’InTerria et pour les chants féminins c’est Adeline Gurtner d’Akin qui m’a fait l’honneur de bosser avec nous. Après plusieurs années de travail sur ce premier disque nommé « Sept », il est sorti en 2006 sur le label Manitou Music. L’accueil des médias et du public a été incroyable, un vrai engouement est né autour du projet ce qui nous permet aujourd’hui de sortir sereinement notre deuxième opus nommé « Seth » (concept sur les 10 plaies d’Egypte). Entre temps nous avons changé de claviériste et de chanteuse. C’est désormais Lulu d’Angalys qui se charge des chants féminins et Flavien Morel de Benighted Soul aux claviers.
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Comment t'es venu l'idée de réunir des guitaristes pour jouer les solos de l'album et cela a t il été facile de remplir les rangs de ceux que tu nommes les Six Strings Killers ?
Au départ, il n’était pas prévu de solos. Effectivement le black métal n’est pas le genre de référence pour les solos ; dans Cradle Of Filth il n’y a pratiquement pas de solo et dans Dimmu Borgir, aucun. Mais en fait notre album de référence était plutôt Nexus Polaris de Covenant (maintenant c’est The Kovenant) et là il y a du solo de guitare. En fait, quand est venue la question des solos, je n’avais pas envie de proposer quelque chose de trop proche d’Elvaron, de part mon style de jeu, je me suis dit que ça serait sympa d’inviter d’autres guitaristes à les faire… dans quoi m’étais-je embarqué !!! J’ai commencé à contacter des guitaristes que je connaissais. Bertrand Drécourt d’Innerchaos a été le premier à dire ok. J’ai réussit facilement à convaincre Thibaut Coisne de Syrens Call et Pascal Lanquetin de Carcariass car nous sommes dans le circuit depuis pas mal de temps et que nous nous connaissions au moins de réputation. Je n’ai jeté mon dévolu que sur des guitaristes dont j’apprécie le jeu. Comme Bob jouait à l’époque avec Darwin’s Theory, nous avons fait appel à Alexis Baudin plus connu pour son poste de guitariste de Mortuary. Ensuite, j’ai contacté d’autres guitaristes de renom qui ont décliné l’offre ou qui me demandaient une participation financière… hors nous n’avions pas un sous pour faire ce premier disque. Nicolas Soulat d’Outcast m’a été chaudement recommandé par Laurent Bocquet le label manager de Manitou. Je ne le remercierai jamais assez car Nico est un excellent compositeur et il bosse pour nous sur l’écriture du prochain Elvaron. J’ai eu également l’honneur d’avoir Alex Hilbert qui jouait alors dans Nightmare, c’est un vrai monstre de technique et de feeling. Et pour finir Ben Sertelon qui m’a été recommandé par Adeline Gurtner qui a proposé un solo très organique dans l’approche du son et surtout lui aussi plein de feeling.
Pour le deuxième album, il y a 3 titres de plus. Et comme Alexis Baudin a été mis volontairement sur la touche, j’avais 4 possibilités d’invitations. Donc j’y suis allé plutôt au plaisir. J’ai invité mon ancien prof de guitare, Christophe Danjon qui joue dans Exulan. C’est vraiment particulier car c’est lui qui m’a amené à un vrai travail sur l’instrument, qui m’a donné une méthode, qui m’a fait prendre conscience de l’importance de la théorie et m’a apprit à construire mes solos. C’est un vrai tueur, une vraie légende vivante en Bourgogne. Ensuite j’ai invité Victor Lafuente un vieux pote du temps du CMCN (actuel MAI). Il a fait quelques vidéos pédagogiques et il est démonstrateur pour les guitares Vigier. C’est un vrai tueur, grand technicien : sweeping, tapping, legato, il assure dans tous les domaines. C’est lui qui m’a fait découvrir Jason Becker et Marty Friedman, moi qui ne jurai alors que par Malmsteen et Steve Vai. Ensuite Hugues Lefebvre d’Anthropia et moi avons un ami commun qui nous a mis en relation. J’ai adoré le premier album d’Anthropia et je suis très fier de l’avoir sur « Seth ». Pour terminer, Thomas Leroy qui m’a été recommandé par le graphiste qui a réalisé l’artwork de l’album. Thomas a sorti un premier album solo il y a quelques temps, j’avoue que je ne le connaissais pas avant. Il a enregistré un solo exceptionnel avec un son que j’adore type stratocaster micro manche. Ce qui est vraiment génial c’est que comme chacun de joue qu’un seul solo, ils ne se mettent aucune barrière, aucune limite et ça donne des solos absolument exceptionnels à tous les niveaux : technique, feeling, sonorité.
Depuis les débuts d'Elvaron jusqu'à maintenant cela fait presque 15 ans que tu parcours la scène métal française, on peut dire que tu fais pratiquement partie des meubles. Dois-tu encore défendre tes projets auprès des distributeurs, de la presse, pour te faire entendre, comme si tu en étais à ton premier album ou au contraire as tu la sensation que les portes s'ouvrent plus facilement qu'avant ?
Je ne vais pas mentir, mon parcours avec Elvaron rend mes propos plus crédibles. Les labels sont plus confiants dans un projet d’un gars qui a déjà mené à bien quelques albums. C’est donc plus facile que pour un premier album d’un parfait inconnu. Cela dit, je pars du principe que rien n’est acquis, notamment du côté des médias et des fans. Je tente de proposer toujours l’album le plus abouti possible. Surtout je veux que l’album me plaise toute ma vie donc je le peaufine au maximum, aussi bien au niveau de l’écriture que de la production ou de l’artwork.
Mener un tel projet seul ou même à deux est extrêmement consommateur de temps et d'énergie. T'est il arrivé de douter, de penser que cet album ne verrait jamais le jour, ou au contraire tout s'est déroulé naturellement ?
Pour le premier disque j’ai surtout douté de trouver un label qui accepte de soutenir un tel projet. Mais je suis patient et persévérant donc… Pour « Seth » les choses ont été très différentes car j’ai dû faire face à des défections au cours du projet. Ajouté à cela les difficultés qu’a rencontré le label, notamment au niveau humain (à l’heure où je réponds à cette interview, j’apprends justement le décès de MetalSeb qui s’était chargé de toute la promo de notre premier disque et qui avait quitté le label en juin 2009 pour des problèmes de santé auxquels il vient de succomber… RIP l’ami).
La principale difficulté d’un tel projet est de récupérer et centraliser les contributions de tout le monde et surtout d’attendre après eux sans leur mettre trop la pression… ça c’est du vrai management de proximité ! Nous sommes dans des relations d’artistes, d’amis et non dans une logique commerciale solo=pognon. Maintenant je dois m’y faire, il me faut 3 ans pour concrétiser un album d’Akroma. |