LG
: Alors parlons
guitare, pourquoi un deuxième modèle Quéguiner
? MLF :
Ca fait bientôt 10 ans qu'elle existe, elle a fait le tour du monde plusieurs
fois, des centaines de concerts et là, je me sentais repartir pour une
longue tournée et je me suis dit ce n'est pas prudent. Il faut que j'aie
une rechange. Et comme il lui restait un peu du bois dont il avait fait la première,
je lui ai demandé de lui faire la sur. Il y a une seule différence,
ce sont les repères de touches qui sont des larmes mais dans l'autre sens.(Les
larmes, repères de touche ont été inspirées par le poème de Louis Aragon 'il n'y
a pas d'amour heureux" et particulierment par la phrase : "ce qu'il faut de sanglots
pour un air de guitare, il n'y a pas d'amour heureux" NLDR)
LG
: Et vous en êtes content pour l'instant ? MLF
: Ah mais c'est paradisiaque ! Maintenant j'alterne entre les deux. Il y en
a une qui est sur scène avec la back-line et l'autre qui est dans ma chambre
d'hôtel. Ca me permet d'avoir des changements de cordes qui sont plus souples.
Je change de cordes, je la joue deux trois fois dans ma chambre d'hôtel
et je la ramène ensuite sur scène. LG
: Justement, concernant les cordes, j'ai appris que vous montiez le plus gros
tirant ! MLF
: Oui, c'est une habitude de " manchard " (rires) LG
: Qu'attendez-vous d'une guitare ? MLF
: La première chose que j'attends d'un instrument quel qu'il soit quand
il arrive chez moi, c'est une chanson. Chaque instrument qui est arrivé
chez moi, il y a eu une chanson qui a été faite dessus. C'est le
ticket d'entrée sinon, ça ne reste pas. LG
: Peut on savoir quelle a été la chanson qui a été
faite sur la nouvelle Quéguiner ? MLF
: C'est une chanson qui n'est pas encore sortie et que j'ai écrite
pour Maurane. LG
: On vous voit déjà en 1975 avec G. Brassens dans l'atelier de Favino,
depuis quand connaissez-vous la lutherie guitare ? MLF
: Depuis 1967, ma première guitare, j'avais 18 ans, je faisais beaucoup
la manche et des cabarets et j'avais une Paul Beuscher en contre-plaqué
lamentable que j'avais achetée à quatorze ans. J'avais une classique
que j'avais achetée 100 balles aux puces qui ne valait pas mieux. J'avais
besoin d'une guitare qui ait du son et j'ai raclé mes fonds de tiroir et
je suis allé voir Jacques Favino qui était le luthier de
Brassens et aussi d'Hugues Aufray. Il faisait les grosse guitares
folk d'Hugues Aufray et je lui ai commandé une douze cordes, une grosse
avec laquelle j'ai travaillé plusieurs années et que j'ai toujours
d'ailleurs. Elle vieillit mal, table d'harmonie trop mince, mal barrée,
ça se gondole
Favino est donc devenu comme ça la référence.
Après il y a eu un événement en 1971 qui est une anecdote
amusante : Joan Baez arrivait d'Italie pour chanter à Paris, et
je vais la chercher à Orly et elle avait dû mettre sa guitare, une
Martin de 1880, dans la soute. La guitare arrive, elle ouvre l'étui,
la table d'harmonie entièrement fendue. Et là, je la vois pleurer.
Je la console : " écoutez je connais quelqu'un à Paris qui
va vous réparer ça, ne vous inquiétez pas, on y va tout de
suite ! ". On va chez Favino, je lui montre la Martin et lui : " bon,
repassez demain matin ! " (rires) Le lendemain vers midi on repasse, la guitare
était prête, on ne voyait rien, le son n'était pas altéré
et Joan Baez demande à Favino : " Combien je vous dois ? " et
Favino lui répond : " Je ne fais pas payer les réparations
". Il m'a raconté car je n'étais pas là mais elle lui
a donné 1000 dollars et elle lui a dit : " Dans ce cas, faites une
guitare à Maxime ". Et c'est de là qu'il m'a fait ma guitare
rouge.
LG : Belle anecdote ! MLF : C'est beau non ?! (rires) LG
: Quels sont vos rapports avec Alain Quéguiner ? MLF
: Très proches ! LG : Lui laissez-vous une certaine liberté
dans le choix de l'élaboration de l'instrument ou lui faites-vous un "cahier
des charges" très précis ? Ah non
bon, le manche.
Je lui apporte une guitare dont j'aime le manche et il fait le même. La
simplicité de décoration, moi je suis comme ça, j'aime pas
avoir mon nom en nacre comme les accordéonistes (rires). Moi j'aime bien
la forme ronde de ses guitares, bien féminine, bien sensuelle, j'aime bien
ça. Pour le reste, il fait pour le mieux. LG
: Vous lui laissez une totale liberté ? MLF : Ah oui, oui
!! Et puis, je tiens beaucoup à une collaboration étroite avec mon
ingénieur du son. Parce que la place des micros à l'intérieur,
la qualité des câblages, etc.
c'est aussi très important.
Je refuse qu'il y ait un pré-ampli dans la guitare, qu'il se démerde
mais je veux qu'elle soit légère. Là, je suis dirigiste là-dessus,
oui. Il aurait voulu mettre le dernier modèle de je ne sais quoi mais on
restés sur le modèle Fishman. Il n'y a pas de pile à
mettre dedans. Je déteste écarter les cordes et aller chercher une
pile, ça me fait chier et puis mettre un boîtier dans la guitare,
je trouve que c'est un crime. Le luthier pense que non car il est placé
à des endroits où ça ne vibre pas
mais bon, on a des
principes ou on n'en a pas ! (rires) LG : Vous dites que vous êtes
proches de votre luthier. N'est-ce pas justement l'un des avantages de choisir
un luthier plutôt qu'un magasin de guitares ? MLF
: Ca rejoint votre question : " qu'est-ce que vous attendez d'une guitare
? ". Il faut qu'elle ait une histoire évidemment. Je connais l'homme
qui l'a faite
ce n'est pas du tout pareil. |