Laguitare.com
: Tu cherchais dans les livres ou pas ?
Didier Duboscq : Non pas à cette époque, je
m'inspirais de ce que je voyais. Je lisais " Rock & Folk
", je regardais, je traçais des trucs, je m'inspirais
aussi de ma pauvre basse que je n'ai pas gardée longtemps
car je progressais vite et au lycée, je fabriquais des meubles
en plus que je revendais afin de faire tomber 3, 4 billets pour
m'acheter mon matériel. Mes parents m'ont acheté plus
tard un piano que j'ai rapidement échangé contre ma
première Fender précision de 71. Ca a été
ma première bonne basse sachant que je voulais une jazz basse
mais là c'était trop cher, j'ai donc attendu. Donc
à l'époque du lycée, je faisais cinq répets
par semaine, dont deux avec un groupe qui s'appelait les "
Dirty fingers " et j'ai fait la rencontre de "
José Machado " et qui était vendeur dans
un magasin à Nogent qui s'appelait " la farandole ",
j'allais y acheter mes cordes et mes accessoires. Quand j'avais
ma première basse, rien n'allait dessus et quand je suis
rentré dans ce magasin, j'ai été accueilli
en premier par le patron du magasin qui m'a conseillé d'acheter
un micro Di-marzio qui coûtait 400 Fr ! Le prix de ma basse
et de l'ampli. Et là, j'ai été littéralement
scotché, limite choqué. Je suis donc parti et José
a attendu que le patron parte et m'a rattrapé en me disant
" : " écoute petit, fais pas ça avec ce
genre de basse, ne mets pas rond là-dedans. Prends patience,
et achète-toi une nouvelle basse
". Et donc, à
chaque fois que j'allais dans ce magasin, je discutais avec José,
il m'expliquait des trucs et tout et ma première bonne basse,
bien évidemment je lui ai achetée à lui, une
Weston japonaise. On a donc sympathisé et j'y allais souvent
le samedi pour passer un moment. Et puis un jour, j'ai commencé
à lui filer un coup de main à la boutique le samedi
après-midi quand il avait des coups de bourre. Je lui faisais
des démos de basses et déplaçais les amplis.
J'avais quatorze ans. J'ai donc commencé sans m'en rendre
compte à me familiariser à vendre des instruments
et en général je finissais la vente que José
commençait. Ensuite on a monté un studio d'enregistrement
ensemble, j'avais fait tous les meubles au lycée et ensuite
on enregistrait plein de groupes, j'étais tout le temps fourré
là bas, jour et nuit. J'ai eu mon Bep et j'ai fait une première
de réadaptation et au bout du premier trimestre, j'ai plaqué
le lycée parce que le discours ne me convenait plus. On repassait
dans le cycle long alors que j'étais déjà dans
le concret depuis tellement de temps. Je gagnais de l'argent. Il
m'est arrivé à 16 ans de gagner parfois 12 000 balles
par mois et je bossais parfois 24 heures, 36 heures, j'étais
sur plein de projets ! Un soir, je reçois un coup de téléphone
pour faire une prise de voix au studio d'enregistrement le lendemain
matin. J'avais cours moi et je commençais tôt ! Et
donc là, je raccroche, ma mère arrive et je lui dis
: " tu vas me faire un mot d'absence car j'ai une séance
de voix et je ne pourrai pas aller en cours et puis
j'irai
plus, parce que je ne suis pas à ma place au lycée,
j'ai plein de trucs à faire, ça bouge et j'ai envie
de faire autre chose, j'ai eu mon BEP, ça va quoi ".
J'étais suffisamment déterminé qu'elle n'a
pas flippé plus que ça. Je ne suis donc plus retourné
au lycée et pendant un mois, j'ai cogité car je bossais
la nuit et la journée, je n'avais rien à faire. J'ai
donc réfléchi et je me suis dit : " qu'est-ce
que tu veux, qu'est-ce que tu fais " car dans mon quartier,
il ne fallait pas trop traîner. Au bout d'un mois, je suis
allé aider José à " la farandole ".
Et un jour, la chance est venue vers moi. Il y a eu un problème
au magasin et le vendeur de piano du magasin a été
licencié et comme j'étais là, mon pote José
s'est retrouvé au rayon piano et moi au rayon guitare. J'ai
commencé donc à 16 ans à bosser comme responsable
du rayon guitare la veille de Noël. A l'époque, dans
ce magasin, il y avait un monsieur qui venait faire du SAV, régler
les guitares des clients, un monsieur qui s'appelle Denis Bouvier
(premier importateur d'Ovation) et Denis m'a appris tout ce que
José ne m'avait pas appris, c'est à dire à
régler les guitares et les basses. Pendant quatre ans j'ai
donc appris tout ce qui est réparation et entretien et quand
le magasin a fermé, tout le monde est parti de son côté.
Denis est rentré chez S.M.I (Importateur d'instruments
de musique NLDR) et quelqu'un de S.M.I m'a mis en relation avec
Olivier Bayol d'Eden Musique. Il avait le même âge que
moi et le même parcours. On s'est rencontrés et je
suis allé à Eden à Villemomble. J'avais 21
ans lui 20 ans et on a géré tous les deux Eden musique,
nous étions, je pense les plus jeunes vendeurs de France.
On a donc bossé 12 ans chez Eden et on a fait de ce lieu
un magasin assez étonnant. Mais ce fut très difficile,
il n'y avait pas de marges, on s'est épuisés et j'ai
fait le tour de la vente. A un moment, on s'est assis en fin de
journée avec Olivier et on s'est dit : " qu'est-ce qu'on
a comme satisfaction ? On bosse comme des fous, on gagne pas un
rond ". On approchait la trentaine et en faisant le bilan des
10 prochaines années, il n'était pas question de continuer
comme ça, je voulais faire plus de lutherie. On a arrêté,
Olivier a vendu Eden à Total Music et moi je suis resté
ici et j'ai pris le local d'à côté et j'ai monté
mon atelier en septembre 2001. Les gens m'attendaient et ça
a démarré de suite.
|