laguitare.com
: Et les artisans luthiers ?
Didier Duboscq : Les artisans luthiers et surtout en France,
même un peu partout, il y a une qualité indéniable
et ce, de façon générale. De toutes façons,
je ne suis pas inquiet pour la profession car le premier moteur
c'est la passion.
laguitare.com : Alors justement
on y vient, bon nombre de grandes marques proposent des modèles
tout massif pour des prix dérisoires ! N'est-ce pas une concurrence
sauvage pour vous artisans ?
Didier Duboscq : Non, parce que ça n'a rien à
voir. C'est du marketing, je n'y crois pas. Tu prends des guitares,
effectivement tout massif, fabriquées en Chine ou en Indonésie,
c'est bien. Pour moins de 1 000 euros, tu as des guitares acoustiques
très étonnantes mais la projection dans le temps et
le rapport à l'instrument ce n'est pas du tout ça,
ce n'est pas la même chose ! Nous, on travaille en corrélation
totale avec le client. On va faire un truc que tu ne retrouveras
pas dans l'industrie. Ne serait-ce que parce notre stock de bois,
on le connaît nous !! On pourrait appeler les planches par
leurs prénoms si on voulait. (rires) Moi j'ai des planches
dans mon atelier que je croise tous les jours depuis des années
et au fur à mesure elles diminuent. On les connaît
et on a confiance en cette matière.
laguitare.com : Tu es donc optimiste
?
Didier Duboscq : Oui, oui, je le suis assez. Le truc qui
me fait le plus peur, c'est le danger sur l'écologie. Et
là, ça ne dépend pas de nous, là, ça
se joue dans des sphères auxquelles on aura jamais accès
et dont on est tributaires.
laguitare.com : Il y a le marché
quand même qui n'est pas très optimiste ! Je vois le
nombre de jeunes qui veulent devenir luthiers dans un marché
de l'emploi assez fermé dans le secteur de la lutherie guitare.
Didier Duboscq
: Oui c'est vrai, c'est tous les jours que je suis sollicité.
Et à mon grand désespoir, je n'y réponds même
plus. Voilà, j'en suis désolé pour tous les
mômes qui attendent des réponses
mais je ne réponds plus parce que j'en ai trop. C'est tous
les jours, tous les jours
Alors c'est normal, parce que c'est
un métier passionnant, attirant et quand on voit ce que la
société d'aujourd'hui propose aux jeunes d'aujourd'hui,
on peut comprendre qu'ils aient envie d'autre chose. Très
honnêtement à mon époque c'était déjà
ça, quand j'ai fait un stage en usine, j'ai tout de suite
compris que ce n'était pas pour moi. Pour les jeunes luthiers
alors, il y aura une sélection naturelle, comme dans la jungle,
qui va se produire et elle sera très difficile pour certains
et il n'y aura que les meilleurs qui arriveront à en vivre.
laguitare.com : Alors le problème
qui s'ajoute à ça, c'est qu'il n'y a pas d'écoles
de formation en France.
Didier Duboscq : il y a l'ITEMM
du Mans
laguitare.com : Oui, mais l'ITEMM
ne forme pas à la fabrication
Didier Duboscq : Oui, mais il y a aussi l'école dans
les Vosges, on a tendance à l'oublier...
laguitare.com : Oui, mais c'est
une école de lutherie de quatuor.
Didier Duboscq : Oui mais c'est traditionnel mais
laguitare.com : Il en existe des
écoles en Angleterre
Didier Duboscq : Oui mais il ne faut pas se tromper de culture,
on est pas dans le bon pays, même pour la musique on est pas
dans le bon pays. Moi, je suis un fan de musique anglo-saxonne,
à 6 ans Chantal Goya ne m'intéressait pas.
Je me dis alors que je n'étais pas dans le bon pays. Le rock,
la pop est une vraie culture chez les anglo-saxons. Ca veut dire
que derrière, il y a un marché et un enseignement
dédiés à la musique. En France, à l'école
on apprend la flûte !!! On vient de loin quand même,
ce n'est pas les mêmes sphères. Donc, tous les gens
qui sont attirés par la lutherie moderne, ce que j'entends
par lutherie moderne, c'est-à-dire sur des instruments électriques,
on est juste pas dans le bon pays. Et plus le rock et autres seront
joués par les jeunes et plus ils façonneront la culture
musicale en France car on est dans un pays vieux et conservateur
par nature.
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