Tu joues plus comme un guitariste
instrumental qu'un chanteur qui s'accompagne. Quelles sont tes influences
?
Ah... J'aime bien Richie
Heavens. C'est une ramonerie que je ne pratique pas beaucoup, mais
il avait le sens des accords, et du beat. Et donc? en effet, les
influences c'est Dylan, lui, et Odeta, tous ces chanteurs de la
folk gauche, enfin pas si gauchiste que ça... Ils avaient
ce côté parlé, "talking Blues" comme
disait Dylan, qui parlait à sa guitare, qui elle, lui répondait.
C'est un aspect responsif qui vient, désolé de le
dire, du blues. En fait c'est une continuation du chant responsif
du Gospel, des worksongs, qui m'ont amené moi aussi à
m'inventer un collègue (rires) , qui répond avec sa
guitare à ce que je chante. Le côté responsif
vient du blues, donc, qui est plus récitatif, mettons, le
folk étant, en fait, plus d'accompagnement ; mais même
Dylan faisait plus que s'accompagner. Il n'est pourtant pas considéré
comme un virtuose ; sauf que sa guitare parlait, quand même...
Oui, mais tu as quand même
une manière particulière de slapper les cordes ??
Ah, Big Bill Broonzy... c'est lui qui tapait la basse d'une
façon déjà un peu plus organisée, mettons...
Mais c'est ton premier instrument, la guitare, ou tu as commencé
par autre chose ?
Non. Non, non, j'ai commencé assez tardivement il me semble,
à 10 ans, 11ans...
Oui tardivement !! 10 ans, 11ans... c'est pas si tard que ça
Ouais m'enfin, je ne pensais pas que ça serait durable. J'étais
juste un adolescent qui empruntait la guitare de son frère...
et qui écoutait un orchestre latino sur le tourne-disque
de son père. Voilà les débuts du virtuose !
Tu te rappelles de tes premiers moments à la guitare ?
Ah écoute, je posais pas encore les cordes que déjà
j' trouvais que c'était joli ! (rires)
Alors qu'est-ce que tu attends d'une
guitare, au niveau de l'ergonomie du manche, de la forme, du son,
des bois... Est-ce que tu as vraiment des préférences
?
Pour la forme, j'ai une vieille
Gibson en V. Je crois que les guitares anciennes sont un peu comme
les voitures au confort dur, elles sont moins fatigantes, à
la longue. Au niveau de la forme du manche, j'aime bien ceux qui
s'approchent de manches en V.
Mais au moins arrondis, sans être nécessairement non
plus massifs, mais en tout cas qu'il y ait de l'arrière car
j'ai des paluches moyennement grandes. Il faut que la paume soit
retenue, quoi. Donc pour la forme je m'adapte, je m'adapte, mais
je préfère des manches relativement larges. J'aime
bien qu'il y ait un petit talon au niveau de la tête.
Au niveau du son, j'aime bien quand le manche transmet quand même,
c'est donc une question de fibre, je suppose. Généralement,
c'est une touche en palissandre ou en ébène ; j'ai
peut-être une préférence pour le palissandre.
La moitié de mon son vient d'une espèce de tapping,
une espèce de contact au manche, donc en effet il faut que
ce contact soit sonore parce qu'il y a une note sur trois qui dépend
du manche.
L'action des cordes** elle est plutôt
basse ou haute pour toi ?
** action des cordes :
c'est l'espace entre les cordes et les frettes de la touche du manche.
Oh, elle est moyenne, moyennement
haute. C'est là que le luthier intervient, pour éviter
que la guitare soit un engin de torture. C'est aujourd'hui Alain
Quéguiner, et avant lui les frères Jaccobacci, qui,
connaissant mon jeu, m'ont adapté les sillets et la tension
du manche. J'avais une Sada Yairi que je m'étais fait raboter
méchamment par un luthier belge dont je tairai le nom. C'est
Alain Quéguiner qui me l'a restaurée, parce qu' il
n'y avait plus d'épaisseur ; en effet il y a aussi une question
de résistance au manche. Donc pour le manche, à partir
du moment où je slappe, et aussi parce que je place chaque
corde dans le manche, j'allais dire, sur les noeuds du manche, je
demande une résistance, et une certaine élasticité.
C'est donc l'épaisseur qui joue, le travail du luthier qui
l'ajuste, barettes comprises. Il me semble qu'il me faut des barrettes
relativement plates. Et quand même des guitares assez costauds.
Alors
justement, quels sont les différents modèles que tu
utilises sur scène et en studio ?
Pour ça j'utilise
deux guitares de la même marque, des Sada Yairi. L'un des
frères Yairi, on me l'a dit récemment, est encore
en vie. Il y en avait un qui était consultant chez Alvarez
. La première je l'ai trouvée en 72, ou 73, à
Bruxelles.
t'es assez fidèle, alors
?
Oui. Et pour l'autre j'ai trouvé chez "Folk Quincampoix"
je me souviens plus du nom, un gars à lunettes, qui travaille
avec son frère Gérard : des luthiers vendeurs, des
Professeurs Trouvetout des guitares, qui m'ont retrouvé 15
ans après une guitare que j'ai fait électrifier, par
Alain Queguiner, avec un élément, il me semble, Fisher,
en sandwich. Et me v'là avec deux guitares, dont l' une en
effet un peu plus claire, et un peu plus difficile à slapper
: c'est à dire qu'en concert on est toujours un peu plus
enthousiaste donc il faut que les guitares résistent mieux
au débattement.
Mais qu'est-ce qui t'a fait justement
rester fidèle à ce type de guitare, est-ce que c'est
le son qui te convenait, le confort ...
La
polyvalence, aussi : il faut pas que la guitare me joue, c'est moi
qui joue de la guitare. Je veux dire une Martin c'est trop typé.
Donc, aimant bien le blues, et même un peu de Jimmy Hendrix,
de rock 'n roll, j'aime bien de temps en temps que la zinguerie
réponde à mes doigts.
(rires)
Et puis, il y a une question d'équilibre. Les Sada Yairi
ont des beaux graves, pas trop flous. C'est un peu le défaut
des guitares américaines, toutes confondues, elles sonnent
acoustiquement encore bien, mais à l'enregistrement et au
micro ça réagit mal... y'a une espèce de hors
phase, de zone acoustique autour, qui rend l'enregistrement difficile.
Pour la prise de ON, j'ai un système HF complètement
indépendant, donc j'ai un petit micro AKG pour la rosace,
pour l'arrondir, qui prend sur l'éclisse, et qui est un système
non destructif. C'est un petit micro flexible qui s'oriente sur
le chevalet, sur les aigus du chevalet, vers les harmoniques, mais
tout en prenant un peu de rondeur. Et puis il y a le système
électro-acoustique, qui donne la définition et qui
est franchement beaucoup plus acoustique qu'électrique.
Donc la somme des deux donne une guitare avec un bon système
. Je suis moi-même assez surpris par rapport au système
Takamine ou au système intégré. Ca donne une
guitare qui sonne mieux sur scène qu' acoustiquement. Et
donc acoustiquement je préfère toujours ma guitare
première avec laquelle j'ai enregistré tous mes disques.
C'est la Sada Yairi, principalement.
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