Dès son arrivé sur scène
Serge LOPEZ donne le ton de la soirée en brodant des guirlandes
de notes pimentées. Le talent exceptionnel de ce guitariste
a fait l'admiration de tous et les deux musiciens qui l'accompagnent
montrèrent eux aussi de très grandes qualités : précision
et musicalité. Ce ne sont pas seulement d'excellents
instrumentistes mais surtout des musiciens remarquables. Le flamenco
est un art exigeant qui n'autorise aucune approximation, aucun faux-semblant
; il faut avoir une technique irréprochable pour que le musicien
laisse parler son cœur. Ces conditions étaient largement réunies
sur scène !
Leur musique n'est pas un flamenco "orthodoxe" mais
une musique plus personnelle dans laquelle d'autres influences sont
repérables. Serge LOPEZ dissout dans le flamenco d'autres musiques
actuelles ( Jazz, Bossa-nova, etc...) mais c'est ce flamenco brûlant
qui reste l'ingrédient principal, le parfum dominant. Cet aspect
est primordial : très souvent, les mélanges musicaux comportant
une composante flamenca étouffent le flamenco pour le limiter
à sa virtuosité. C'est en particulier le cas lorsque le
cadre rythmique et/ou harmonique est incompatible avec les
spécificités du flamenco.
Avec Serge LOPEZ, pas d'erreur, les emprunts à d'autres horizons
musicaux sont comme les fruits dans un bocal d'eau de vie : Ils
enrichissent le goût et adoucissent parfois la rudesse de l'alcool
mais ils demeurent secondaires ... l'âme flamenca domine.
Lorsque Juan CARMONA arrive, s'assied et prend sa guitare, il
installe sa musique et le ton est rapidement donné : exubérance
et concentration, fougue et précision... Ensuite, progressivement,
des mains qui claquent, un violon, des percussions, une voix, et
le danseur arrivent et le rejoignent pour célébrer, devant
une salle médusée par tant de talents réunis, la
musique qu'ils aiment et nous offrent : le flamenco.
Juan CARMONA nous propose une musique qui est à la fois personnelle
- avec un style particulier qui se dégage progressivement durant
le concert - et tout de même "authentiquement" flamenca. C'est
là une particularité fondamentale de cet artiste original.
Il n'est pas né dans le flamenco comme la plupart des grands
noms de cet art (son prénom réel est Jean Luc et
il est né à Lyon ). Il y est allé par passion
jusqu'à en devenir une référence... Son côté
"français" se retrouve dans l'écriture car il
propose une musique très "écrite" alors que
l'improvisation domine plus nettement dans le flamenco traditionnel.
Cela lui permet d'enrichir discrètement l'harmonie et de traiter
les "compas" avec raffinement. Cependant, le cœur de cette
musique reste très proche de l'âme de cet art populaire..
Juan CARMONA met son talent au service du flamenco et non le contraire
et le résultat est vraiment magique.
Ainsi, avec Serge LOPEZ en première partie, puis Juan CARMONA,
la magie du flamenco était là. La fougue, la fièvre
et ces phrases fulgurantes, ces traits mélodiques si caractéristiques
du genre, qui, lorsqu'ils sont bien faits, jaillissent avec
la vigueur et la précision d'un claquement de fouet.
Même si cet art mystérieux nécessite en général
des "clés", ces connaissances n'étaient pas
indispensables. Bien sûr, lorsque l'on observe comment les
musiciens tapent du pied, on est rapidement interloqués : Il
est fréquent qu'aucun ne suivent une pulsation régulière
et en plus personne ne fait la même chose... C'est le miracle
des "compas"... l'explication générale tient
en une ligne, de quoi compter jusqu'à douze, mais il faut une
vie pour s'en imprégner...
Alors, autant oublier les considérations techniques et se laisser
porter pas les flots impétueux. Ces deux artistes n'adoptent
pas exactement la même approche mais il y a un point commun
majeur : Dans leurs musiques, le flamenco n'est pas un élément
décoratif, c'est l'ossature, l'âme, le fil conducteur
sans lequel rien ne serait. C'est l'avenir d'un flamenco plus vivant
que jamais qu'ils nous proposent d'imaginer.
"Extra", "Super", "épatant",
"la claque", "fabuleux" ... Alors que la salle
se vidait, chacun avec ses mots tentait d'exprimer son bonheur...
Ce concert de clôture fut en effet parfaitement réussi,
magistral, inoubliable.
Hubert BAYET.
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